Apiculture - Chronique No 40 - 21 juillet 2023

Le dépistage du varroa

Nous en sommes à un moment clef de la saison pour le dépistage du varroa! La mi-juillet est habituellement caractérisée, dans la majorité des régions, par une disette florale qui dure en général une semaine. C’est aussi vers la mi-juillet que la population en couvain de la colonie commence à diminuer progressivement. Cela fait en sorte que les varroas qui se trouvent dans la colonie sont présent dans une plus grande proportion que le nombre de cellules de couvain à parasiter, car la population de varroas a été en croissance pour tout l’été (voir figure 1). Le taux d’infestation par le varroa doit être bas dès le début du mois d’août, car c’est à ce moment que les abeilles d’hiver commencent à être produites. Il faut donc dépister dès maintenant et se référer au Calendrier de traitement pour le contrôle de la varroase publié par le MAPAQ afin de déterminer s’il est nécessaire de faire un traitement d’appoint immédiatement et prévoir les traitements de l’automne. 

 
Il est surtout important de dépister correctement les colonies! Si on utilise d’autres techniques que celle recommandée dans les documents du MAPAQ, ou que ces techniques sont mal effectuées, les seuils du tableau ne s’appliquent plus! Le plus gros risque est de sous-évaluer le niveau de varroa, c’est-à-dire penser qu’il y a moins de varroas que ce qu’il y en a en réalité et d’attendre trop longtemps avant de faire un traitement. Les dommages fait par le varroa risquent alors d’être irréversibles et la colonie mourra d’ici la fin de l’automne ou pendant l’hiver. 

Les deux techniques recommandées sont le lavage à l’alcool et la chute naturelle journalière. Si vous utilisez d’autres méthodes, ou que vous modifiez les méthodes existantes, il vous faudra déterminer vos propres seuils en fonction de l’évolution de la population en varroa de vos colonies.

Le lavage à l’alcool

Pour le lavage à l’alcool, il faut prélever environ 300 abeilles de la chambre à couvain (1/2 tasse) et les plonger dans un bain d’alcool. On pourra alors compter les varroas qui se seront décrochés des abeilles. Pour la technique en images, visionnez la vidéo Dépistage par le lavage à l’alcool, produite par la SACLI.

Avantages :

• Rapide;
• Précise (% d’infestation indépendant de la taille de la colonie);
• Nécessite un seul passage à la ruche;

Inconvénients :

• Tue des abeilles;
• Peut ne pas être approprié au printemps ou avec des nucléi;
• Risque de prélever la reine dans l’échantillon;

Matériel nécessaire:

• Alcool 70% OU lave-glace*;
• Tasse d’une capacité d’1/2 tasse;

           Et

• Contenant secoueur du commerce (Beeshaker, Easy check ou autre);

          Ou

• Bocal d’environ 500 ml avec couvercle;
• Passoire fine ou passoire et filtre à café;
• Bac à vaisselle blanc.

* le lave-glace est une alternative économique à l’alcool. Il faut par contre s’assurer de bien agiter l’échantillon pendant 2 minutes, afin de bien déloger tous les varroas. 

Méthode de dépisatge :

1. Trouver un cadre de couvain operculé;
2. S’assurer que la reine n’est pas sur ce cadre!;
3. Remplir le pot environ à la moitié avec de l’alcool ou du lave-glace;
4. Prélever environ 300 abeilles (1/2 de tasse);
5. Mettre les abeilles dans le pot avec l’alcool (ou le lave-glace);
6. Fermer le couvercle et agiter fermement pendant 2 minutes (ceci est d’autant plus important si on utilise le lave-glace, car les varroas y meurent un peu moins vite que dans l’alcool);
7. Avec le beeshaker commercial : retourner le contenant de façon à ce que le liquide passe au travers du grillage, dans un mouvement de rotation.
   Avec la passoire : placer la passoire au fond du bac à vaisselle et verser l’échantillon d’abeilles et d’alcool dans la passoire.
8. Compter le nombre de varroas 
   Avec le beeshaker : dans le 2e contenant qui contient l’alcool;
   Avec la passoire : dans le liquide qui est maintenant dans le bac à vaisselle;
9. Diviser le nombre de varroas trouvés par le nombre d’abeilles de l’échantillon pour 3 pour obtenir le pourcentage d’infestation.
   8 varroas / 300 abeilles x 100 = 2.7%)
   Raccourci : diviser le nombre de varroas par 3 : 
   Ex : 8 varroas / 3 = 2.7% d’infestation

La chute naturelle journalière ou carton collant

La méthode de la chute journalière permet de compter les varroas qui tombent naturellement après que les abeilles aient réussi à les enlever de leur corps. Un carton collant ou graissé placé au fond de la ruche, sous un grillage, permet de récolter ces varroas. Pour la technique en images, visionnez la vidéo Dépistage par la technique de la chute journalière, produite par la SACLI. 

Avantages :

• Ne tue pas les abeilles;
• Bonne précision
• Il n’est pas nécessaire d’ouvrir la colonie;

Inconvénients :

• Nécessite 2 passages au rucher (un pour placer les cartons et un pour les retirer);
• La lecture peut parfois être difficile si beaucoup de débris sont présents et selon la vision de l’apiculteur!

Matériel nécessaire :

• Plateau grillagé installé sous la ruche (Apinovar ou autre);
• Loupe (facultatif);

          Et

• Cartons autocollants du commerce;

          Ou

• Carton style Coroplast coupé à la grandeur du tiroir du plateau grillagé. Un quadrillé peut aussi être dessiné au préalable avec un crayon indélébile pour faciliter la lecture;
• Graisse ou shortening végétal solide (ex : Crisco) ou lard (ex : Tenderflake);
• Éponge ou essuie-tout (pour étendre la graisse)

Préparation des cartons maison :

1. Prélever environ 1 à 2 cuillères à soupe de graisse solide sur une éponge ou un essuie-tout;
   ou
   Faire fondre le bloc de graisse au micro-ondes quelques minutes;
   Tremper une partie de l’éponge dans la graisse fondue
2. Appliquer une mince couche de graisse sur le carton;

Truc de pro : entreposer les cartons graissés en paire, en plaçant les deux faces graissées l’une contre l’autre. Vous éviterez ainsi de tout coller! Faites la même chose pour les cartons qui ont été utilisés (après décompte).

Méthode de dépistage :

1. Enfumer l’entrée de la ruche;
2. Retirer le tiroir du plateau grillagé et retirer les débris qui se trouvent sur le plateau à l’aide du lève-cadre ou d’un grattoir et les jeter dans un sac à poubelle;
3. Placer le carton collant ou graissé dans le tiroir et fermer le tiroir;
4. Revenir 3 à 7 jours plus tard pour retirer le carton et faire le décompte. Le décompte de varroas peut être fait immédiatement au champ, ou les cartons peuvent être ramenés à la miellerie. Pour se faire, empiler les cartons les uns sur les autres, face avec varroas vers le haut, en les séparant par un grillage, afin d’éviter que les varroas ne tombent et que les cartons se collent les uns sur les autres. 
5. Compter le nombre de total de varroas et diviser par le nombre de jours où le carton a été mis en place;
   Ex : 8 varroas totaux pendant 5 jours = 1,6 varroas par jour.
6. Pour nettoyer le carton :
   1. gratter l’excédent de graisse et les débris avec un lève-cadre ou un grattoir;
   2. nettoyer à l’eau chaude et au savon. 

Important! Pour que la méthode de la chute naturelle journalière soit fiable, il faut absolument : 

• Respecter le nombre de jours requis pour le dépistage;
• Utiliser un agent collant. Si le carton n’est pas collant, les varroas qui tombent sur le carton peuvent retourner dans la colonie. Leur nombre sera alors sous-estimé.
• Utiliser un agent collant approprié! L’agent collant choisi doit être appliqué de façon uniforme sur toute la surface et permettre aux varroas de rester coller. L’huile liquide (par exemple de l’huile d’olive) n’est pas un agent collant approprié. L’huile formera des gouttelettes avec la chaleur et ne sera pas répartie uniformément sur la surface. 

    
Qu’est-ce qui peut aussi se trouver sur les cartons collants?

• Grains de pollen
• Morceau de cire
• Particules de propolis
• Fèces d’abeilles 
• Parties d’abeilles (pattes, ailes, dard, etc.)
• Petits insectes (fourmis, coléoptères, etc.)

Combien de ruches dépister?

Pour avoir une bonne idée du niveau d’infestation, il faut dépister au minimum 10% à 25% des ruches du rucher. Idéalement, on doit dépister au moins 10 ruches par rucher pour avoir un portrait fiable. Dans chaque rucher, il y a souvent une ou deux colonies plus infestées que les autres, qui risquent de propager davantage leurs varroas aux autres ruches (ruches réservoir ou Varroa bombs). En dépistant un nombre plus élevé de ruches, on augmente les chances de dépister aussi cette ruche réservoir de varroas et ainsi, d’obtenir un meilleur portrait de l’état d’infestation.  

Et les autres techniques?

Certains apiculteurs qui ne sont pas équipés de plateaux grillagés ou qui ne veulent pas tuer des abeilles dans l’alcool préfèrent utiliser d’autres techniques de dépistage. Cependant, ces techniques sont moins fiables ou moins précises que le lavage à l’alcool ou que la chute naturelle journalière. 

• Méthode du sucre en poudre : Cette technique s’apparente au lavage à l’alcool, sauf que l’alcool est remplacé par du sucre en poudre. Il faut tourner lentement le bocal pendant 3 à 5 minutes (c’est long!) afin de bien enrober les abeilles de sucre et de déloger les varroas. Cela reste une technique laborieuse et qui détecte moins de varroas que le lavage à l’alcool. Elle est surtout problématique en période de miellée (ou par temps humide), car les abeilles de l’échantillon vont recracher leur nectar, ce qui va former une pâte collante avec le sucre et il sera très difficile de bien voir les varroas. 
• Désoperculer des cellules de faux-bourdons : Dans les cas d’infestation importantes, il sera plutôt facile de voir un ou des varroas dans les cellules, Cependant, dans les cas d’infestation faibles ou intermédiaires, il faut parfois désoperculer un grand nombre de cellules de faux-bourdons pour avoir un meilleur portrait, ce qui peut en faire une technique trop laborieuse et peu fiable. Les varroas dans le couvain de faux-bourdons seront aussi encore vivants et vont se déplacer rapidement. Il sera alors risqué de ne pas les voir et de penser qu’il n’y en a pas. 
• Observer les varroas sur le dos des abeilles. C’est probablement la pire technique à utiliser! La majorité des varroas se retrouvent dans le couvain de l’abeille, alors il n’y a qu’un faible nombre de varroa qui se trouvent sur les abeilles adultes. De plus, les varroas s’accrochent de façon préférentielle sous l’abdomen des abeilles. Il y a donc peu de varroas visibles sur leur dos. De toute façon, lorsqu’il y a un nombre important de varroas qui sont visibles sur le dos des abeilles, le niveau d’infestation est tellement élevé qu’il est déjà trop tard. La colonie sera vouée à mourir, même si des traitements sont appliqués immédiatement. 

Bon dépistage!

Bulletin rédigé par Martine Bernier, responsable du transfert technologique et de la formation en apiculture | CRSAD