Le désherbage des mauvaises herbes en fin de saison. Manifestations possibles de résistance de la chrysomèle des racines du maïs aux hybrides Bt. Chrysomèle du haricot (soya) : nouveaux foyers détectés. Ver-gris occidental des haricots (maïs) : les larves et les dommages seront à surveiller durant les prochaines semaines.
Stéphanie Mathieu, agr. (MAPAQ) et Isabelle Fréchette, agr. (CÉROM)
La fin de la saison culturale est une bonne période pour réprimer efficacement les mauvaises herbes vivaces (pissenlit, plantain, etc.), les annuelles hivernantes (bourse-à-pasteur, vergerette du Canada, etc.) et les bisannuelles (armoise bisannuelle, petite bardane).
Qu’on opte pour le travail du sol ou l’emploi d’herbicides, le suivi des champs est primordial et repose sur un dépistage des espèces présentes. Leur identification et l’observation de leur système racinaire permettent, par exemple, d’ajuster la profondeur du travail de sol en fonction des mauvaises herbes à réprimer. La fiche Répression du laiteron des champs, du chardon des champs et du tussilage (Weil, 2018) fournit de l’information à cet effet. Au niveau du contrôle avec les herbicides, à cette période de l’année, leur efficacité est augmentée, puisque la surface foliaire des mauvaises herbes est plus importante et que la translocation des hydrates de carbone vers les racines leur permet d’atteindre ces parties de la plante. Les mauvaises herbes doivent cependant être en croissance active et ne pas avoir été affectées par un gel mortel, par le travail du sol ou par d'autres stress. Si la répartition des adventices est en foyer, les traitements localisés peuvent être un moyen efficace de diminuer l’usage des pesticides.
Au niveau de la régie culturale, les cultures de couverture sont aussi un bon moyen de couvrir les sols et de compétitionner les mauvaises herbes de fin de saison. Le programme Prime-Vert offre une aide financière pour cette pratique. La Brochure de la Caravane Santé des Sols contient des informations pratiques (taux de semis, besoins en eau et en fertilisants, propriétés, facilité destruction, etc.) sur plusieurs espèces de cultures de couverture. La page Facebook Cultures de couverture du Québec est également une source d’informations et d’échanges très intéressante.
Pour plus d’informations sur les stratégies en matière de mauvaises herbes en fin de saison, consultez la fiche technique sur Le dépistage des mauvaises herbes et le désherbage de fin de saison.
En terminant, voici quelques considérations concernant certaines mauvaises herbes problématiques :
- Pissenlit : L’automne est le moment idéal pour contrôler cette mauvaise herbe, puisque c’est à cette période de l’année qu’elle est la plus vulnérable et à ce moment, il n’est souvent pas nécessaire d’employer une dose élevée d’herbicide pour la contrôler. Il est d’autant plus intéressant de s’y attaquer à l’automne pour permettre de sauter l’étape du brûlage au printemps et ainsi gagner du temps sur le désherbage de début de saison.
- Morelle noire de l’Est : Cette mauvaise herbe est notamment problématique dans le soya, en particulier dans le soya IP, puisque les baies de la morelle peuvent tacher la récolte. La mauvaise herbe profite justement de la chute des feuilles du soya pour croître davantage et produire des fruits. Pouvant être retrouvée sous la canopée du soya, une surveillance à cette période de l’année pourrait laisser la possibilité d’utiliser un défanant, mais attention, comme les baies restent attachées aux plants, cette intervention doit devancer suffisamment la récolte pour permettre le dessèchement des fruits de la morelle. Pour plus d’informations entourant cette mauvaise herbe, veuillez vous référer à la fiche technique Morelle noire de l’Est.
- Armoise bisannuelle : Comme le travail de sol est une méthode de lutte efficace contre cette mauvaise herbe, elle peut surtout être envahissante dans les champs en semis direct ou en travail réduit. À cette période, on peut l’apercevoir dépassant la culture du soya. Il faut être vigilant et la contrôler maintenant, en l’arrachant, afin de prévenir sa prolifération. Il pourrait être possible de la contrôler à l’aide d’un herbicide si on entrevoit que les plants présents pourraient nuire à la récolte. L’armoise bisannuelle peut être confondue avec la petite herbe à poux et l’amarante tuberculée. Pour en savoir plus, consultez la fiche technique Armoise bisannuelle.
- Ériochloé velue : La période la plus propice pour effectuer le dépistage se situe entre la mi-août et la fin de septembre. Cette plante est facilement reconnaissable par ses inflorescences dont les branches latérales, toutes étalées sur le même plant, font penser à celles du pied-de-coq. L’ériochloé velue est interdite dans tout lot de semences ou de grains vendu ou importé au Canada. Sa présence au champ doit obligatoirement être déclarée à l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA). Les mesures réglementaires à l’égard des parcelles infestées par l’ériochloé velue ayant cependant été suspendues par l’ACIA jusqu’à nouvel ordre, aucune restriction ne sera appliquée à la ferme. Pour plus de détails sur les méthodes de lutte, veuillez vous référer à la fiche sur l’ériochloé velue, élaborée par le Centre de recherche sur les grains (CÉROM) en 2013, et à l’avertissement Nº 46 du 25 août 2017.
- Amarante tuberculée : Actuellement la mauvaise herbe la plus menaçante au Québec. La tolérance zéro devrait être appliquée pour cette mauvaise herbe qui peut émerger tout au long de la saison et qui acquiert facilement des gènes de résistance aux herbicides. Il est important de la dépister avant la récolte. Comme les graines restent attachées aux plants, il est recommandé de tous les arracher, de les sortir du champ et de les laisser ensachés pendant plusieurs semaines pour qu’ils perdent leur viabilité. Cliquez ici pour accéder au bilan le plus récent des populations découvertes au Québec. Il existe au plan d’intervention provincial visant à appuyer techniquement et financièrement les producteurs aux prises avec cette mauvaise herbe : www.amarantetuberculee.ca. Pour plus d’informations, consultez la fiche technique Amarante tuberculée.
ATTENTION AUX MANIFESTATIONS POSSIBLES DE RÉSISTANCE DE LA CHRYSOMÈLE DES RACINES DES MAÏS AUX HYBRIDES BT
Groupe de travail du RAP Grandes cultures sur les ravageurs du semis
Plusieurs cas de dommages inattendus causés par la chrysomèle des racines du maïs (CRM) dans des champs semés avec des hybrides exprimant des traits Bt homologués pour lutter contre le ravageur ont été rapportés en Ontario. Ce scénario a également été signalé dans un champ dépisté par le RAP Grandes cultures, où plusieurs plants en forme de « cols d’oie » et une présence importante d’adultes ont été observés. Ce champ est situé dans la MRC Brome-Missisquoi (Montérégie-Est). La vigilance est donc de mise quant à la présence de populations de chrysomèles des racines du maïs possiblement résistantes, en particulier dans cette MRC.
Cliquez ici pour accéder à la liste des hybrides Bt disponibles en 2020 afin de déterminer si l’hybride semé contient des traits Bt pouvant offrir une protection contre la CRM. Les champs dans lesquels les mêmes traits Bt sont utilisés d’année en année, les champs en maïs continu et les champs dans lesquels des populations élevées de CRM ont été observées l’année passée sont les plus à risque. Rappelons que les hybrides Bt exprimant des traits de résistance pour la pyrale du maïs ne sont pas efficaces contre les chrysomèles.
Dans les champs semés avec des hybrides Bt-chrysomèle, voici les signes à surveiller qui pourraient indiquer une possible résistance :
- Nombre important de plants en forme de « cols d’oie » découlant de l’alimentation des larves sur les racines. D’autres problèmes, comme de forts vents ou des dommages d’herbicides, peuvent provoquer l’apparition de « cols d’oie ». Pour en savoir plus, consultez le bulletin d'information Plants de maïs en forme de « cols d'oie » : les causes possibles.
- Des dommages observés sur les racines : Il existe une méthode d’évaluation des dommages aux racines permettant d’évaluer l’impact des larves sur la culture. La méthode d’évaluation est basée sur une échelle de 0 (aucun dommage) à 3 (3 nœuds racinaires ou plus sont affectés). De la résistance est suspectée et des investigations supplémentaires sont nécessaires si une note supérieure à 1 est obtenue dans le cas des hybrides munis d’un seul trait Bt pour lutter contre la CRM et supérieure à 0,5 pour les hybrides qui ont plus d’un trait Bt (incluant SmartStax, Agrisure EZ Refuge, Agrisure Duracade, Optimum Acre Max ou Qrome). Pour plus de détails sur la méthode d’évaluation des dommages aux racines, veuillez vous référer à l’avertissement Nº 17 du 7 août 2020.
- Dommages sur les épis : Si les adultes sont observés en abondance en train de se nourrir des épis, cela peut signifier qu’ils sont résistants au Bt. Considérant la faible mobilité de l'espèce, une forte présence d'adultes doit être prise au sérieux. Par contre, ces adultes pourraient venir d'un champ voisin, car seules les larves sont affectées par les protéines Bt. Une évaluation des racines permettra d'appuyer davantage l'hypothèse de la résistance.
À noter que si le refuge est intégré dans le sac de semences, certains plants présents dans le champ seront donc des hybrides non Bt susceptibles d’être affectés par des insectes visés par la technologie Bt. Il peut donc être normal de constater un faible pourcentage des plants affectés. En général, quand le refuge est dans le sac, 5 % des semences ne sont pas Bt, donc si des dommages sont visibles sur plus de 5 % des plants, cela peut être un signe de présence d’une population résistante.
Il est important de signaler les cas potentiels de résistance au Bt auprès de votre fournisseur de semences, ainsi qu’à votre agronome et les représentants exécutifs ou provinciaux de la Coalition canadienne contre les ravageurs du maïs, afin de planifier la meilleure stratégie à envisager pour l’année suivante.
Il a été démontré que la rotation est la stratégie la plus efficace contre cet insecte : la présence d’une culture non-hôte, comme le soya, affame les larves au printemps alors incapables de compléter leur cycle. L’efficacité des hybrides Bt est moindre en cas de fortes infestations et cette efficacité est justement compromise par la présence de populations de CRM résistantes. Comme cet insecte est peu mobile, il est important de prévenir l’apparition de CRM résistantes sur l’entreprise et sur les entreprises voisines, et de prendre rapidement des mesures en cas de découverte de résistance. Certains insecticides de semences sont homologués pour lutter contre la CRM, mais cette méthode offre une protection partielle en cas de fortes infestations et cette stratégie est la moins efficace des trois.
Groupe de travail du RAP Grandes cultures sur les ravageurs du soya
En 2020, le RAP Grandes cultures suit cet insecte dans 11 champs, dont 2 à Lanaudière (l’Assomption), 3 en Montérégie-Est (Saint-Bernard-de-Michaudville et Saint-Denis-sur-Richelieu) et 6 en Montérégie-Ouest (Saint-Chrysostome, Saint-Jacques-le-Mineur et Saint-Urbain-Premier). En dehors de ces sites, la présence de l’insecte a également été signalée à Saint-Louis-de-Gonzague et à Saint-Etienne-de-Beauharnois (Montérégie-Ouest). Jusqu’à maintenant, c’est en Montérégie-Ouest que les populations semblent être les plus élevées.
La grande majorité des champs de soya sont rendus au stade R6 (remplissage des gousses) et les seuils économiques d’intervention à ce stade sont fixés à 25 % de défoliation ou à 10 % des gousses endommagées (grignotées et/ou coupées). Même si les adultes s’alimentent sur le feuillage des plants de soya, une attention doit être portée particulièrement aux gousses. Les chrysomèles ne consomment pas directement les grains et laissent une fine pellicule à leur surface. Toutefois, cela pourrait indirectement affecter la qualité des grains lors de la récolte (ex. : apparition de tâches dues à la transmission d’un virus par la chrysomèle lors de l’attaque des gousses). Elles peuvent également couper les pédoncules des gousses, entraînant leur chute, et une possible réduction des rendements. À partir du jaunissement des gousses, les insectes s’en désintéresseront progressivement jusqu’à ce qu’elles sèchent.
Le site Web de l'Université Purdue propose un tableau d’intervention selon les dommages aux gousses, le nombre de chrysomèles actives dans le champ et la maturité des plants. Ceci peut servir de base au Québec, où aucun seuil n’est actuellement établi. L’évaluation du nombre de chrysomèles du haricot se fait à l’aide d’un filet fauchoir. Tout en marchant entre deux rangs, réaliser un total de 20 balayages de filet au travers d’un seul rang de soya semé aux 30 pouces en suivant un mouvement pendulaire sur le haut du couvert végétal. Pour évaluer la défoliation et les dommages aux gousses, veuillez vous référer à l’avertissement N°16 du 31 juillet 2020.
Il est également important, lors du décompte des gousses endommagées, de distinguer les gousses coupées par la chrysomèle de celles ayant « avorté » (une des caractéristiques du soya). Ainsi, les gousses au sol ne présentant aucun dommage ne doivent pas être comptabilisées dans les gousses endommagées par la chrysomèle du haricot.
Pour connaître les insecticides homologués contre la chrysomèle du haricot, consulter cette liste sur le site Web de SAgE pesticides.
Isabelle Fréchette, agr. et Julien Saguez, entomologiste (CÉROM)
Les captures de papillons de ver-gris occidental du haricot (VGOH) sont maintenant terminées et les œufs ayant été pondus au cours de la période d’activité des papillons devraient tous avoir éclos. C’est donc la période de l’année où des larves et des dommages (trous et galeries) peuvent êtes observés sur les épis. Les larves peuvent être de taille variable selon la région et les dates de ponte des premières masses d’œufs. Un traitement insecticide n’est plus envisageable à ce stade de développement et serait inefficace.
L’intérêt principal de vérifier la présence des larves de VGOH réside surtout dans le fait de pouvoir associer d’éventuels dommages à cette espèce. En effet, les larves de VGOH peuvent être confondues avec celles du ver de l’épi du maïs, de la légionnaire d’automne ou de la pyrale du maïs. De plus, les dommages qu’occasionnent toutes ces espèces sont similaires.
Si un traitement insecticide a été effectué lorsque le seuil cumulatif de masses d’œufs était supérieur à 5 % lors des dépistages, l’évaluation des dommages en fin de saison permet de vérifier si le traitement a eu un effet sur les populations de VGOH par la suite.
Puisque les dommages peuvent être répartis de façon inégale dans un champ, il est recommandé d’observer les larves et les dommages sur 10 plants consécutifs, sur un même rang, et à 10 endroits (soit 100 plants observés par champ). Aux fins de l’observation, chaque épi doit être épluché complètement. Ainsi, pour chaque épi, notez les ravageurs présents (VGOH, ver de l’épi, légionnaire d’automne et/ou pyrale), puis évaluez et notez le pourcentage de la surface de l’épi qui est mangé ainsi que la présence de moisissures.
Pour en savoir plus sur cette évaluation de fin de saison, veuillez vous référer à la courte vidéo ci-dessous et à la fiche technique sur le Ver-gris occidental des haricots dans le maïs dans laquelle vous trouverez, notamment, des astuces pour différencier les larves pouvant être observées sur les épis de maïs.
Toute intervention de contrôle d’un ennemi des cultures doit être précédée d’un dépistage et de l’analyse des différentes stratégies d’intervention applicables (prévention et bonnes pratiques, lutte biologique, physique et chimique). Le Réseau d’avertissements phytosanitaires (RAP) préconise la gestion intégrée des ennemis des cultures et la réduction des risques associés à l’utilisation des pesticides. |
Pour des renseignements complémentaires, vous pouvez contacter l’avertisseuse du réseau Grandes cultures ou le secrétariat du RAP. La reproduction de ce document ou de l’une de ses parties est autorisée à condition d'en mentionner la source. Toute utilisation à des fins commerciales ou publicitaires est cependant strictement interdite. Le Réseau d'avertissements phytosanitaires (RAP) a pour mission d'informer les producteurs et autres intervenants du domaine agroalimentaire québécois au sujet de la présence et de l'évolution des ennemis des cultures dans leurs régions respectives, et des meilleures stratégies pour les gérer. Les communiqués du RAP Grandes cultures sont diffusés gratuitement par ces trois canaux : par courriel, via le site Web d’Agri-Réseau et via Twitter.