Les sujets de cet avertissement : la germination et la levée du maïs, du soya et des céréales en sols froids; les températures froides qui peuvent retarder le bon moment pour dépister les vers fil-de-fer; quoi faire pour prévenir les dommages causés par la mouche des semis; et l’impact du froid sur les opérations de désherbage.
Yves Dion, agr. (MAPAQ), Stéphanie Mathieu, agr. (MAPAQ) et Isabelle Fréchette, agr. (CÉROM)
Ce printemps froid que nous connaissons présentement s’étire en longueur, et les conditions sont relativement sèches dans certaines régions. Quel est l’impact de ces conditions sur la germination et la levée des cultures?
Maïs
Pour les semis déjà en terre, les grains de maïs sont probablement en train de germer : malgré les conditions relativement sèches, l’eau du sol a été suffisante pour être absorbée par le grain (imbibition), et le processus de germination a été enclenché. À ce stade de développement, les grains gonflent, les tissus sont fragiles et on peut faire face à des dommages à l’imbibition par le froid. Ce risque se situe dans les 24 à 48 heures après la mise en terre. La germination du maïs est affectée par des températures du sol inférieures à 10 °C, et les dommages sont plus importants lorsque le sol se refroidit en deçà de 5°C.
Voici les dommages que peut entraîner le froid lors de la germination :
- Arrêt complet de la germination.
- Interruption de croissance des premières racines ou du coléoptile (enveloppe de laquelle sortent les premières feuilles).
- Déformation du mésocotyle (tissu connectant le grain au coléoptile), lequel apparaît comme un tire-bouchon (figure1). Ce phénomène est attribuable à des dommages physiques aux cellules et aux tissus externes, qui affectent l’élongation de ces zones, mais pas celle des tissus plus internes : ce dommage est physiologique et ne doit pas être confondu avec un dommage causé par un pesticide.
- Retard de levée (photo 1).
L’importance des dommages dépend de la température de l’eau du sol et de la durée d’exposition à des conditions froides. En situation de sols gorgés d’eau froide (neige fondue) les dommages seront plus importants. Les risques sont diminués par des conditions de sols plus secs où l’oxygène est présent.
Sans attendre la levée, il est possible d’évaluer l’état des semences en germination à quelques endroits du champ. Il suffit de déterrer les grains et de vérifier l’état de la radicelle et du coléoptile : les tissus sont-ils sains ou apparaissent-ils flétris ? Cet examen devrait être réalisé à différents endroits du champ qui présentent des caractéristiques de sol différentes. Normalement, les grains présentant des dommages à l’imbibition par le froid se trouvent répartis dans la culture, et les plants voisins peuvent compenser la perte de ces plantules. Ainsi, il est peu probable que les dommages soient majeurs au point de compromettre la culture et le rendement. La levée pourrait toutefois être inégale par endroits.
Par ailleurs, si jamais le problème était plus grave, c’est-à-dire si plus de 60-65 % des grains étaient affectés, et les dommages constatés sur de grandes zones dans le champ, il pourrait être envisageable de resemer les zones atteintes en comptant sur la levée rapide des nouvelles semences mises en terre dans des conditions plus favorables.
Pour déterminer si les sols sont suffisamment réchauffés pour semer, l’utilisation du thermomètre du sol est évidemment utile. Le site d’Agrométéo Québec est une référence intéressante pour accéder aux températures du sol à différentes stations météorologiques. La température du sol ne devrait pas passer sous les 5 °C pendant une longue période. C’est lorsque la température atteint près de 10 °C que le semis peut se faire dans des conditions qui favoriseront une levée rapide. Une levée rapide expose moins les plantules à des ravageurs des semis (comme les vers fil-de-fer et la mouche des semis) et aux maladies fongiques.
Soya
Le soya est moins sensible que le maïs aux dommages causés par le froid lors de l’imbibition. On doit toutefois se méfier d’une pluie froide dans les 24 heures suivant le semis, ou de l’eau résultant d’une chute de neige fondue. Plus l’eau est absorbée rapidement, plus les dommages peuvent être importants. Si le temps demeure sec malgré le temps frais, le grain peut demeurer dans le sol environ 4 semaines sans subir de dommages. C’est surtout après l’émergence que le soya devient plus sensible au froid et aux gels printaniers. Il peut subir des dommages variables, à des températures du sol inférieures à 12 °C. Par ailleurs, pour protéger la culture des ravageurs des semis, il reste préférable de semer dans des conditions qui favoriseront une levée rapide.
Céréales
Les semis de céréales ne devraient pas trop vous inquiéter. Dans des conditions où le sol n’est pas saturé pendant plusieurs jours, les semences en germination s’accommodent de températures du sol aux environs de 4 °C.
POUR DÉPISTER LES VERS FIL-DE-FER
Les vers fil-de-fer sont considérés comme les principaux ravageurs de semis au Québec. Avec le réchauffement printanier, ces vers enfouis dans le sol remontent à la surface pour s’alimenter des grains en germination et qui libèrent du CO2. Le dépistage doit donc être réalisé au moment de la germination et lorsque la température est d’au moins 8 °C à 10-15 cm de profondeur, et ce, depuis au moins 1 semaine. Les données du dépistage effectué depuis 2011 montrent que les captures les plus importantes ont lieu autour de 12-15°C. Si le dépistage est effectué trop tôt, la population de vers fil-de-fer d’un champ pourrait être sous-estimée. Actuellement, les températures sont encore trop fraîches dans de nombreuses régions pour effectuer un dépistage efficace. Pour déterminer si les sols sont suffisamment réchauffés pour commencer le suivi, l’utilisation du thermomètre du sol est évidemment utile. Le site Agrométéo Québec permet aussi de connaître les températures du sol à différentes stations météorologiques.
Pour évaluer la population de VFF, des pièges-appâts composés de farine, de gruau et de grains sont installés dans le champ. La semaine suivante, les pièges sont déterrés pour compter les larves présentes dans l’appât. Le grain de l’appât doit être germé pour qu’il soit efficace; cette germination peut aussi être retardée lorsque le sol est trop froid. Le dépistage doit être répété pendant deux semaines supplémentaires. Si la moyenne d’un des dépistages est > 3 VFF/piège, seuil établi pour le taupin trapu qui est l’espèce la plus commune au Québec, alors il y a un risque pour la culture.
Au Québec, une faible proportion des champs atteint ce seuil. Le risque d’avoir des populations importantes de VFF ne dépend pas d’un, mais bien d’une combinaison de facteurs :
- Champs avec un historique important de vers fil-de-fer.
- Sols légers (terres noires, sables et loam sableux).
- Taux de matière organique élevé.
- Champs avec précédents de céréales, de prairie de graminées (à surveiller jusqu’à 2 ans après la prairie) ou de plus de 3 ans de maïs en continu.
Pour plus d’information sur le sujet, lisez la fiche technique Ravageurs des semis : dépistage et seuils d’intervention.
CAUSÉS PAR LA MOUCHE DES SEMIS ?
Groupe de travail sur les ravageurs des semis
La mouche des semis pond ses œufs dans le sol, près des grains de soya et de maïs, et les larves s’en nourrissent pendant la germination. Elles s’attaquent aussi aux racines et aux plantules des cultures. Une forte mortalité des plantules, des manques à la levée ou des retards dans la levée peuvent être des signes de la présence de ce ravageur. Au Québec, peu de champs sont affectés par cet insecte. Par contre, lorsqu’un champ est très infesté, les pertes peuvent être considérables.
Il est important de connaître les facteurs favorisant la mouche des semis afin de mettre en place des moyens préventifs et de lutte dans les champs les plus à risque.
Principaux facteurs de risque
- Fumier et engrais vert près de la date de semis : les champs sur lesquels on épand du fumier, de même que ceux où il y a incorporation d’engrais verts près de la date de semis, sont plus à risque. Le fumier de poulet est particulièrement attractif.
- Les températures froides et humides qui retardent la levée exposent les semences plus longtemps à la mouche des semis.
- Type de sol : les semences de maïs et de soya dans des sols à texture lourde sont plus susceptibles de subir des dommages, car ils se ressuient plus lentement.
Prévention et méthodes de lutte
- Si des engrais verts ou des fumiers sont incorporés au printemps, il est conseillé de le faire au moins deux semaines avant de semer.
- Éviter les semis hâtifs en conditions fraîches et humides qui retardent la levée.
- Semer à une profondeur optimale, en fonction du type de sol et de l’humidité, afin de favoriser une levée rapide.
- Augmenter la dose de semis dans les champs à risque permet de compenser des pertes potentielles.
- Éviter de semer lors du pic d’activité de la mouche des semis. Le CÉROM travaille sur un modèle, basé sur l’accumulation de degrés-jours, prédisant le pic d’émergence de la mouche des semis. Il peut être intéressant, pour les champs présentant des facteurs de risques, d’éviter les semis lors du pic d’activité de vol de la mouche, conformément à ce que prédit le modèle, bien qu'il soit toujours en validation. Si un semis doit être fait pendant le pic, il est important de mettre en place les différents moyens énumérés plus haut. Pour connaître les dates de pic prévues dans différentes régions, cliquez ici.
- Utilisation de traitement de semences insecticides : actuellement, il n’existe aucun seuil économique d’intervention pour le Québec. L’utilisation de semences traitées aux insecticides pourrait être justifiée lorsque plusieurs facteurs de risque sont présents.
Stéphanie Mathieu, agr. (MAPAQ) et Isabelle Fréchette, agr. (CÉROM)
Les cultures tirent avantage à être exemptes de mauvaises herbes au moment de la levée ainsi qu’en début de croissance afin de ne pas subir de compétition qui pourrait, dans certains cas, avoir un impact sur les rendements.
Les températures froides, que nous connaissons présentement, risquent de retarder l’émergence des mauvaises herbes annuelles. Les semis ont été faits depuis plus de 10 jours dans plusieurs champs dans le sud de la province. Les herbicides de prélevée ont une période d’action qui est généralement limitée à quelques semaines, et ces produits agissent lorsque les mauvaises herbes sont en germination. Pour une efficacité optimale, le moment d’application doit être déterminé sur base d’un suivi serré des mauvaises herbes et de la culture. Il pourrait donc être stratégique dans certains champs d’attendre d’appliquer les herbicides de prélevée pour les rapprocher du stade de pré-émergence de la culture et de la levée des mauvaises herbes. Ce délai pourrait permettre d'optimiser la protection contre les mauvaises herbes au cours des premières semaines de croissance de la culture. Pour en savoir plus sur la durée d’efficacité des produits, référez-vous à l’information sur l’activité résiduelle du produit dans les fiches des produits commerciaux sur le site SaGE pesticides ou, dans le cas du soya, à l’information relative à la demi-vie au sol disponible pour les herbicides dans le cas du soya, dans le tableau de l’outil OptiSoya.
La pluviométrie est un autre élément à prendre en compte pour fixer le bon moment d’arrosage des herbicides de pré-émergence, lesquels ont besoin d’eau afin d’être activés. Il est donc recommandé d’avoir une pluie d’au moins 10 mm dans les 10 jours suivant la pulvérisation de l’herbicide.
Les périodes froides, qui retardent l’émergence des cultures et des mauvaises herbes, ainsi que le temps suffisamment sec offrent des fenêtres d'intervention intéressantes pour planifier des opérations de désherbage mécanique.
En général, les opérations de désherbage sont plus efficaces lorsque réalisées tôt en saison, car les mauvaises herbes sont alors au début de leur développement. Pour en savoir davantage, consultez les fiches techniques Désherbage de début de saison et Désherbage du maïs de grandes cultures.
Mise en garde
Toute intervention de contrôle d’un ennemi des cultures doit être précédée d’un dépistage et de l’analyse des différentes stratégies d’intervention applicables (prévention et bonnes pratiques, lutte biologique, physique et chimique). le réseau d’avertissements phytosanitaires (rap) préconise la gestion intégrée des ennemis des cultures et la réduction des risques associés à l’utilisation des pesticides. |
Cet avertissement a été rédigé par le Groupe de travail du RAP Grandes cultures sur les ravageurs des semis. Pour des renseignements complémentaires, vous pouvez contacter l’avertisseuse du réseau Grandes cultures ou le secrétariat du RAP. La reproduction de ce document ou de l’une de ses parties est autorisée à condition d'en mentionner la source. Toute utilisation à des fins commerciales ou publicitaires est cependant strictement interdite. Le Réseau d'avertissements phytosanitaires (RAP) a pour mission d'informer les producteurs et autres intervenants du domaine agroalimentaire québécois au sujet de la présence et de l'évolution des ennemis des cultures dans leurs régions respectives, et des meilleures stratégies pour les gérer. Les communiqués du RAP Grandes cultures sont diffusés gratuitement par ces trois canaux : par courriel, via le site Web d’Agri-Réseau et via Twitter.