AU RUCHER CETTE SEMAINE
29 juin 2023
29 juin 2023
Les abeilles et les pesticides
Vous observez des abeilles qui tremblent à l’avant des ruches ou dans les hausses ou des mortalités anormales et en grand nombre? Il peut s’agir d’un empoisonnement par des pesticides.
Pour faire une déclaration, appelez sans tarder au 1-844-ANIMAUX ou écrivez à la centrale à l’adresse suivante : abeille@mapaq.gouv.qc.ca
Consultez aussi la page web du MAPAQ Documenter les cas d’empoisonnement des abeilles par les pesticides pour savoir comment bien prélever les échantillons, quoi inscrire sur vos contenants et quelles informations prendre en note pour bien documenter les événements.
Important! Il est maintenant recommandé de prélever les échantillons dans des contenants en verre ou en aluminium, car les sacs en plastique pourraient absorber les pesticides et en limiter la détection au laboratoire.
Actualité scientifique
Voici un résumé de quelques éléments discutés lors du webinaire Pesticides and Honey bees, organisé par le Bee Informed Partnership (BIP). Les panélistes invités étaient Dr. Judy Wu-Smart (University of Nebraska-Lincoln), Dr. Reed Johnson (Ohio State University) et Dr. Scott McArt (Cornell University), trois experts en toxicologie apicole. Ce webinaire peut être écouté en rediffusion sur la page Youtube du BIP.
Comment reconnaître un empoisonnement par des pesticides?
Les signes cliniques d’un empoisonnement avec des pesticides peuvent se présenter sous plusieurs formes, tout dépendant s’il s’agit d’un empoisonnement aigu ou chronique.
Empoisonnement aigu : Le pesticide a un effet létal (mortel) et cet effet est visible très rapidement dans les colonies. Les abeilles meurent en masse devant l’entrée de la ruche, souvent avec la langue sortie. Les insecticides qui causent ces mortalités aigues s’attaquent souvent au système nerveux des insectes, ce qui fait qu’on observe souvent des abeilles tremblantes et avec des mouvements désordonnés. Cependant, il arrive que ces signes évidents ne peuvent pas être observés par les apiculteurs, surtout si l’herbe est longue devant l’entrée des ruches, ou la fréquence entre les inspections des colonies est trop longue.
Empoisonnement chronique : Le pesticide n’est pas mortel immédiatement pour les abeilles, tout dépendant du produit auquel les abeilles sont exposées et de sa concentration. Les effets sur les colonies sont visibles plutôt à long terme, mais ils sont très variables et peuvent souvent être confondus avec d’autres signes de problématiques (disette, vieille reine, etc.) ou de maladies (loque européenne, couvain plâtré, nosémose, etc.). Parmi les signes cliniques observés, on note une longévité diminuée des abeilles adultes, un système immunitaire affaibli, une plus grande susceptibilité aux maladies, des difficultés de reproduction, une diminution de la capacité à élever des reines, une diminution de la capacité de butinage, une réduction de la quantité de couvain, un patron irrégulier de couvain, etc.
Un peu de sémantique : signe clinique ou symptôme?
Chez les abeilles, on utilise « signe clinique » plutôt que de « symptôme ». Les symptômes font référence à comment on se sent (ex : j’ai mal à la tête), alors que les signes cliniques sont des observations visuelles qui peuvent être détectées de l’extérieur (j’ai une rougeur sur le bras suite à une piqûre de moustique). Comme il est difficile de demander à une abeille comment elle se sent (!) on utilise l’appellation « signe clinique » pour décrire les différents signes visibles d’une maladie ou d’une exposition aux pesticides.
Quelles matrices de la ruche sont contaminés par des pesticides?
Le laboratoire de l’Université de Cornell reçoit des échantillons de partout aux États-Unis et même d’ailleurs dans le monde. Ce sont plus de 5000 échantillons qui ont été analysés jusqu’à maintenant. Ces données, en plus de celles réalisées dans le cadre de différentes études, permettent de brosser un meilleur portrait des produits de la ruche qui sont contaminés par les pesticides.
Miel / nectar : Les échantillons de miel et de nectar sont presque toujours contaminés, mais ce sont ceux qui le sont le moins. En effet, les niveaux de pesticides retrouvés dans ces échantillons se situent presque toujours sous les niveaux dommageables pour les abeilles. Il ne faut pas non plus oublier qu’il y a un certain tri qui se fait directement au champ et qui empêche une contamination majeure de la colonie. En effet, l’abeille doit entreposer le nectar dans son jabot pour le transporter jusqu’à la ruche et elle en consomme une partie en vol. Si ce nectar contient des niveaux létaux de pesticides, elle va tout simplement mourir au champ et ne pas ramener le pesticide aux autres abeilles. La contamination va plutôt s’observer par une dépopulation graduelle de la ruche, tout dépendant du nombre de butineuses qui vont avoir consommé le nectar contaminé. La contamination par les pesticides dans le nectar peut donc être très difficile, voire impossible à observer.
Pollen : Parmi toutes les matrices analysées, le pollen est le produit le plus contaminé. Cependant, les niveaux de pesticides retrouvés dans les échantillons de pollen sont très variables : certains échantillons sont très contaminés, alors que d’autres ne le sont pas du tout. De plus, l’observation des effets de la contamination par les pesticides sur la colonie sera différée dans le temps. En effet, le pollen ramené par les butineuses sert à nourrir les larves en formation. L’effet sera donc visible seulement quelques jours, voire plusieurs semaines plus tard, lorsque les larves auront consommé ce pollen. Cela pourra se traduire soit par un effet sur la quantité ou la qualité du couvain, soit par un effet sur la santé des nouvelles abeilles adultes produites. L’effet d’une contamination par le pollen peut donc être très difficile à observer et il peut être difficile d’établir un lien clair avec un événement de contamination.
Cire : Après le pollen, la cire est le produit qui contient le plus de pesticides. Elle est presque toujours contaminée, mais à des faibles niveaux. Les pesticides sont aussi très persistants dans la cire. La plupart des cadres neufs en cire ou avec une fondation de plastique cirée contiennent aussi des traces de pesticides. Il devient donc très important de faire une rotation fréquente des cadres de la hausse à couvain. Un cadre de couvain devrait rester au maximum 5 ans en activité, idéalement 3 ans au maximum. Une bonne rotation réduit également l’incidence des différentes maladies apicoles, dont les micro-organismes (bactéries, spores, etc.) sont aussi persistant dans la cire. Il est important d’augmenter la fréquence de remplacement des cadres dans un contexte agricole où il y a souvent des arrosages qui sont fait sur les cultures à proximité (ex : pollinisation de la canneberge, proximité des champs de maïs ou de soya, etc.).
Enfin, il y a deux situations où les cadres devraient être remplacés, même si la cire est encore pâle :
- les cadres où des signes cliniques de maladies du couvain sont observés (en particulier la loque européenne et le couvain plâtré) et;
- des cadres qui présentent de façon récurrente un patron de couvain irrégulier inexpliqué, ce qui pourrait être un signe de contamination chronique par des pesticides.
Si vous voyez des signes cliniques qui vous inquiètent, n’hésitez pas à communiquer avec la centrale du MAPAQ au 1-844-ANIMAUX ou par courriel à abeille@mapaq.gouv.qc.ca.
Bulletin rédigé par Martine Bernier, responsable du transfert technologique et de la formation en apiculture | CRSAD
