CULTURES DE MAÏS LAISSÉES AU CHAMP : QUE FAIRE AU PRINTEMPS 2020?
Ce communiqué vise à alimenter la réflexion des producteurs qui prévoient être aux prises avec des champs de maïs qui n'auront pas été récoltés en raison des conditions climatiques particulières de la saison 2019.
D’entrée de jeu, il existe une multitude de situations, chacune comportant des conditions spécifiques, il est donc impossible de couvrir tous les cas de figure.
État de la situation
Dans l'État des cultures au Québec (10 décembre 2019), La Financière agricole du Québec (FADQ) rapportait que la récolte du maïs-grain était complétée à 82 % en moyenne selon les régions, avec peu de variation d’une région à une autre.
Ne rien forcer
Peu importe la topographie, le type et la texture de sol, il est préférable de ne pas intervenir au champ avant le printemps. Un labour ou tout travail de sol risquerait en effet :
- d'enfouir une grande quantité de semences de maïs spontané;
- d'exposer le sol à l'érosion, un effet d’autant plus dommageable pour les champs pentus ou vallonnés;
- d'engendrer un problème de compaction du sol.
Il est aussi inutile d’appliquer de l’azote pour accélérer la décomposition des résidus. Sous nos conditions, ce processus microbien est limité par la température de sol, et non par un manque d’azote.
Champs assurés par la FADQ
Pour recevoir une indemnisation pour un champ de maïs non récolté, les assurés doivent obtenir une autorisation de non-récolte qui donne droit à un montant pouvant atteindre la valeur assurée du champ concerné, selon la garantie choisie par l’assuré au moment de l’adhésion.
Dans le contexte actuel où la destruction de la récolte se fera au printemps, une avance de paiement jusqu’à 75 % de la valeur de l’indemnité pourra être versée dans les prochaines semaines. Le paiement final sera versé au printemps à la suite de la constatation de la destruction du maïs.
Les producteurs assurés par la FADQ peuvent se référer à ces documents du 13 décembre ou du 22 novembre dernier sur les questions fréquemment posées.
Destruction de la récolte et gestion des résidus
Idéalement, afin d'accélérer le réchauffement du sol au printemps, le maïs devrait être sorti du champ. Si cela est possible, avant le printemps, sur un sol gelé et peu enneigé, le maïs-grain peut être pressé avec un appareil de type "biobaler". La vente de la paille de maïs-grain, qui peut être utilisée dans certaines productions (ex. : bovin de boucherie), pourrait alors réduire la perte encourue en 2019.
Si le maïs est simplement battu ou broyé et laissé à la surface du sol, il faudra étendre les résidus le plus uniformément possible. À défaut, on risque de créer un « effet paillis » (isolant qui préviendrait le réchauffement et ressuyage du sol de surface), sans parler des risques de maladies et de repousse de maïs spontané abondante.
Les systèmes de nez cueilleur à maïs doté d'unités de coupe comprenant deux rouleaux cueilleurs qui tournent dans des directions opposées avec des vitesses de rotation différentes font un meilleur travail que les broyeurs ajoutés sous le nez de la batteuse. En effet, puisqu'ils écrasent le pédoncule du maïs en cueillant simultanément la rafle, cela accélère la décomposition des résidus. Dans un champ qui offrait à l’automne un rendement en grains de 9 t/ha, il y aura 17 t/ha de matériel, au lieu des 8 t/ha que l'on retrouve normalement.
Conditions de semis retardées
Dans presque tous les cas, même en supposant un printemps 2020 près de la normale, les champs encore en maïs seront lents à se ressuyer et à se réchauffer, sauf peut-être ceux en semis direct permanent depuis plusieurs années (plus de 5 ans). Ainsi, même pour les sols en bonne condition, un délai de semis de quelques semaines par rapport à la normale est à prévoir. Ce délai sera nécessaire pour que les conditions du sol permettent l’entrée au champ, puis pour permettre la décomposition des résidus de maïs. À cet égard, les hybrides Bt ne sont pas plus réfractaires à la décomposition que les hybrides non-OGM.
Plus la structure du sol est endommagée, à cause des opérations de la saison 2019, de la compaction ou autres, plus il faudra de temps afin d’obtenir le minimum de portance requis pour un premier passage et une température de sol suffisante pour la levée de la culture.
Un champ travaillé depuis toujours de façon conventionnelle ne présentera pas les conditions idéales pour un semis direct, même en accordant un long délai au printemps. Le succès du semis direct dépend d’une intense activité microbienne pour créer un lit de semence adéquat, et ce résultat ne s’obtient qu’après quelques années sans travail de sol. Profiter des circonstances pour tenter une conversion au semis direct pourrait s’avérer une mauvaise expérience.
Récolter au printemps?
Dans les champs où le maïs était parvenu à maturité au moment du gel mortel, et dans l’éventualité où les épis seront encore attachés aux tiges, il pourrait être possible de récolter au printemps. La perte de rendement pourrait être compensée par la diminution des frais de séchage grâce au séchage naturel des grains au champ pendant l’hiver et le printemps. Toutefois, il est peu probable que la récolte, au printemps 2020, d’un maïs qui n'a pas été récolté à l'automne soit suffisamment abondante et de qualité en raison des facteurs aggravants suivants :
- Présence de verse et bris de tiges;
- Chute d’épis;
- Faible poids spécifique et faible rendement en raison des conditions déjà difficiles pour le maïs en 2019;
- Moisissures et germination sur épis (qui ne cesseront de se développer d’ici au printemps);
- Dommages faits par des animaux, dont les cerfs de Virginie (chevreuils).
Choix de culture
À la suite d'une culture de maïs laissée au champ cet automne, ressemer du maïs en 2020 impliquera dès le départ une perte de rendement importante : ravageurs, maladies, effet allélopathique, immobilisation d’azote, semis trop tardif (surtout si le sol est travaillé), etc.
Semer du soya aurait les avantages suivants : moins de perte de rendement en raison du semis tardif et moins de risque de maladies. De plus, la fixation d’azote dans le sol permettra de stimuler la décomposition des résidus.
Maïs spontané
Même dans les cas où le maïs sera sorti du champ, il faut anticiper la présence de maïs spontané en grande quantité. Par conséquent, il faudra choisir une variété de soya (hâtive, de préférence) qui permet d’utiliser un herbicide autre que ceux appliqués sur le maïs. La plupart des variétés de maïs sont tolérantes au glyphosate (ROUNDUP, etc.) et au glufosinate (LIBERTY, etc.). Il faut donc prévoir contrôler le maïs spontané par un anti-graminées en postlevée utilisé dans la culture de soya non-OGM. De plus, la technologie Enlist, bien que peu présente dans les hybrides de maïs actuels, comporte un défi additionnel. Ce maïs, en plus d’être tolérant au 2,4-D, possède une tolérance à certains herbicides du groupe 1 tels que l’ASSURE II ou le VENTURE qui sont utilisés dans le soya en postlevée pour le contrôle, entre autres, des graminées, incluant le maïs spontané. D’autres groupes d’herbicides anti-graminées doivent être utilisés dans ces cas particuliers.
Alternatives à envisager
Même si la situation peut présentement sembler catastrophique, on pourrait décider, pour un champ dont le sol est mal en point (compaction, acidité, problématiques phytosanitaires, etc.), d’envisager n'y faire aucune récolte en 2020, et en profiter pour améliorer la santé du champ : cultures de couverture, chaulage, amendement, nivellement, sous-solage, etc.
Dans le contexte de la pénurie de fourrages, une culture de couverture (mono ou multiespèces) pourrait être une alternative aux grandes cultures dans ces champs. Au besoin, consultez votre conseiller pour discuter de cette option.
Cet avertissement a été rédigé par Louis Robert, agr. (MAPAQ), Yvan Faucher, agr. (MAPAQ) et Isabelle Fréchette, agr. (CÉROM), en collaboration avec Yves Dion, agr. (MAPAQ), Bruce Gélinas, agr. (MAPAQ), Amélie Grondin, agr. (MAPAQ), Stéphanie Mathieu, agr. (MAPAQ), Odette Ménard, agr., ing. (MAPAQ) et Christine Rieux, agr. (MAPAQ). Pour des renseignements complémentaires, vous pouvez contacter l’avertisseuse du réseau Grandes cultures ou le secrétariat du RAP. La reproduction de ce document ou de l’une de ses parties est autorisée à condition d'en mentionner la source. Toute utilisation à des fins commerciales ou publicitaires est cependant strictement interdite.
Le Réseau d'avertissements phytosanitaires (RAP) a pour mission d'informer les producteurs et autres intervenants du domaine agroalimentaire québécois au sujet de la présence et de l'évolution des ennemis des cultures dans leurs régions respectives, et au sujet des meilleures stratégies pour les gérer. Les communiqués du RAP Grandes cultures sont diffusés gratuitement par ces trois canaux : par courriel, via le site Web d’Agri-Réseau et via Twitter.