PRÉVENTION DU MILDIOU DANS LES SERRES DE TOMATES
En 2023, plusieurs cas de mildiou, maladie causée par Phytophthora infestans, ont été recensés au Québec. Ces cas ont été retrouvés majoritairement dans des cultures de tomates et de pommes de terre. Dans la tomate, la maladie a été diagnostiquée autant dans les champs que de cultures abritées (tunnels et serres).
Le mildiou est une maladie extrêmement destructrice et plusieurs efforts sont déployés chaque année pour détecter son apparition et surveiller sa progression. Les échantillons trouvés lors des années où la maladie était présente sont analysés par le Laboratoire d'expertise et de diagnostic en phytoprotection (LEDP) pour, entre autres, déterminer le génotype présent. En 2023, c'est le génotype US-23 qui a été trouvé dans presque tous les échantillons analysés. En 2016, Frost et al. ont démontré que la vigueur des génotypes de Phytophthora infestans normalement retrouvés lors d’épisodes de mildiou (US-22 et US-24) diminuait avec l'augmentation de l'exposition aux températures froides. Toutefois, le génotype US-23 a survécu plus longtemps à des températures de 4 et -3 °C que les génotypes US-22 ou US-24. Cela veut dire que des tissus infectés en 2023 par cet oomycète, et qui ont été enfouis ou laissés dans la serre, pourraient être encore viables en 2024. En effet, des campagnes de mesures de températures en serres non chauffées ont démontré que les températures de sol dans des serres individuelles non chauffées et faiblement isolées restent relativement élevées. Cela veut dire que du mycélium pourrait survivre, par exemple, sur des semences de fruits contaminés tombés au sol et enfouis dans la couche superficielle du sol d'une serre.
Il sera donc très important de dépister attentivement les serres dans lesquelles du mildiou a été trouvé en 2023. Si Phytophthora infestans a infecté vos cultures en serres l’an passé, il est recommandé d’adopter une régie de déshumidification agressive, d’éviter l’irrigation par aspersion et la brumisation. En effet, le mildiou évolue rapidement si les conditions sont humides et que la maladie n’est pas contrôlée. Les cultures peuvent être détruites en quelques jours. Les conditions de développement de la maladie sont un taux élevé d’humidité relative (> 90 %) ou une longue humidité en surface et des températures modérées entre 10 et 15 °C la nuit et 15 et 21 °C le jour. Phytophthora infestans est détruit par du temps sec prolongé et des températures près de 30 °C. Une fois la maladie établie, la lutte à Phytophthora est ardue, voire impossible.
Des traitements préventifs peuvent également être réalisés si le risque d’apparition de la maladie est jugé sévère. Ceci est particulièrement vrai pour les produits biologiques et pour certains produits conventionnels. Le tableau 1 recense les traitements fongiques homologués dans la tomate de serre contre Phytophthora infestans. Enfin, n’hésitez pas à envoyer des échantillons au LEDP si des symptômes s’apparentant au mildiou sont trouvés dans votre serre.
Plusieurs producteurs, qu’ils soient en régie biologique ou en régie conventionnelle, priorisent l’utilisation de produits phytosanitaires à moindres risques. Ainsi, les huiles horticoles, les produits d’origine minérale comme le cuivre et le soufre et les savons (produits à base de sels de potassium d’acides gras) sont couramment utilisés en serre. Toutefois, ces produits occasionnent souvent des phytotoxicités, surtout lorsqu’ils sont mal utilisés ou utilisés en combinaison. C’est ce qui s’est produit pour quelques producteurs dans les dernières semaines.
Dans un premier temps, rappelons que plusieurs huiles sont utilisées en horticulture, qu’elles soient d’origine pétrolière ou végétale. Les huiles horticoles à base de pétrole les plus connues sont : DOUBLE DOWN, PURESPRAY GREEN HUILE DE PULVÉRISATION 13E ou SUFFOIL-X tandis que les huiles horticoles à base d’huiles végétales sont, par exemple, DOKTOR DOOM FORMULE 420, GENERAL HYDROPONICS SUFFOCOAT, KNOCK DOWN POT-IT RESCUE ou VEGOL.
Des produits à base de savons (sels de potassium d’acide gras) sont également utilisés en horticulture. On retrouve dans ce groupe les produits tels GENERAL HYDROPONICS EXILE, KOPA, OPAL, OLEGROW, SAFER'S et TROUNCE.
Les huiles horticoles et les produits à base de sels de potassium d’acide gras sont des pesticides qui contrôlent les insectes, les acariens et, dans quelques cas, certaines maladies des plantes. Elles peuvent donc avoir des propriétés insecticides et fongicides. Les huiles et les produits à base de sels de potassium d’acide contrôlent les insectes et les maladies par contact direct. Une couverture complète de la population du ravageur est nécessaire pour que le traitement soit efficace. Lorsque des huiles horticoles et les produits à base de sels de potassium d’acide sont pulvérisés sur la plante, le produit recouvre tous les insectes ou œufs exposés et les étouffe en obstruant leurs tubes respiratoires. Il s’agit d’un processus non sélectif, le produit tuant presque tous les insectes qu’elle recouvre et réduisant le succès de l’éclosion. De plus, l’huile et les produits à base de sels de potassium d’acide gras peuvent perturber la façon dont un insecte se nourrit ou interférer avec les membranes cellulaires ou le métabolisme normal. Quant aux maladies telles l’oïdium, le mildiou ou la rouille, les différents produits réduisent leur capacité à se développer.
Historiquement, les huiles horticoles étaient appelées huiles « dormantes » parce qu’elles étaient pulvérisées uniquement lorsque les plantes, en particulier les arbres fruitiers, étaient dans une phase dormante avant l’ouverture des bourgeons au printemps. À mesure que les processus de raffinage se sont améliorés, des huiles « supérieures » ont été développées. Celles-ci étaient plus pures que les huiles dormantes, ne contenaient pas de soufre et donc moins susceptibles de causer des phytotoxicités que les huiles dormantes traditionnelles. Pour cette raison, des huiles de qualité supérieure mélangées à la concentration appropriée peuvent être appliquées, avec quelques précautions, pendant la saison, lorsque les plantes sont en pleine croissance. On les appelle également huiles « d’été », en référence à la période de l’année à traiter. Le terme « dormant » ne fait plus référence au type d’huile, mais plutôt au moment saisonnier de l’application.
Les huiles horticoles moins raffinées sont réputées pour causer plus facilement des phytotoxicités. Voir le tableau en lien ci-dessous pour connaître le % de matière active dans les différentes huiles horticoles et produits à base sels de potassium d’acide gras disponibles.
Malgré les avantages d'utiliser les huiles horticoles et les produits à base de sels de potassium d’acide gras, des précautions doivent être prises lors de leur utilisation. Voici la liste non-exhaustive des inconvénients majeurs à utiliser les huiles horticoles et les produits à base de sels de potassium d’acide gras :
- Les huiles horticoles et les produits à base de sels de potassium d’acide gras peuvent provoquer une irritation de la peau ou des yeux chez les humains.
- Les huiles horticoles sont toxiques pour les poissons et certaines sont toxiques pour les abeilles à moins d'être pulvérisées tôt le matin ou tard le soir.
- Les huiles et les produits à base de sels de potassium d’acide gras peuvent causer des phytotoxicités sur les plantes sensibles.
- La pulvérisation de ces produits à une concentration trop élevée peut causer des phytotoxicités, c'est pourquoi le taux d’application et les conditions d’applications doivent être rigoureusement respectées.
- Puisque l’huile horticole et les produits à base de sels de potassium d’acide gras n’agissent plus une fois secs, ils ont peu d’effet résiduel; les nouvelles infestations ne sont pas contrôlées par une application antérieure.
- Les huiles horticoles et les produits à base de sels de potassium d’acide gras ne doivent pas être utilisés à des températures élevées, ni sur des plantes stressées par la sécheresse ou sur de nouvelles transplantations.
- Les huiles horticoles ne doivent pas être appliquées par temps de gel. L’huile dormante ne doit pas être pulvérisée 48 heures avant ou après qu’un gel se produise ou soit prévu.
- Les deux produits ne doivent être appliqués que lorsque les plants sont secs, mais bien irrigués.
- Les huiles et certains produits à base de sels de potassium d’acide gras ne peuvent pas être combinés avec des produits soufrés, ni pulvérisés dans les 30 jours précédant ou suivant une application de soufre.
Pour vous aider dans le choix du meilleur produit à utiliser, voici le tableau 2 qui consigne les conditions de succès et les mises en garde générales et par rapport à la compatibilité des produits avec le soufre, pour les produits commerciaux à base d’huiles horticoles et de sels de potassium d’acide gras. La concentration de la matière active apparaît également dans le tableau.
Il existe peu d’informations sur la régie phytosanitaire dans les cultures froides. Malheureusement, des situations comme celles vécues récemment servent à en apprendre plus sur les circonstances entourant l’application de produits insecticides et fongiques dans ces conditions particulières. En cas de doute quant à la sensibilité d’une culture face à un produit, on recommande de faire un test sur une petite surface avant de traiter toute la plante ou la récolte. Il faut donc rester prudent lors de la pulvérisation de produits phytosanitaires, même si on utilise des produits considérés à moindres risques.
Toute intervention envers un ennemi des cultures doit être précédée d’un dépistage et de l’analyse des différentes stratégies d’intervention applicables (prévention et bonnes pratiques, lutte biologique, physique et chimique). Le Réseau d’avertissements phytosanitaires (RAP) préconise la gestion intégrée des ennemis des cultures et la réduction des pesticides et de leurs risques. |
Cet avertissement a été rédigé par Philippe-Antoine Taillon, agronome et révisé par Antoine Dionne, phytopathologiste (MAPAQ). Pour des renseignements complémentaires, vous pouvez contacter l'avertisseur du sous-réseau Cultures maraîchères et fruitières en serre ou le secrétariat du RAP. Édition : Marianne St-Laurent, agr., M. Sc. et Lise Bélanger (MAPAQ). La reproduction de ce document ou de l’une de ses parties est autorisée à condition d’en mentionner la source. Toute utilisation à des fins commerciales ou publicitaires est cependant strictement interdite.