Agroécosystèmes innovants : quels raisonnements, quelles méthodes et quelle gouvernance ?
Dans un contexte de crise environnementale et de changements globaux, l’agriculture est mise au défi de revoir son modèle de conception. Au-delà des organismes végétaux et animaux performants ainsi que des pratiques culturales définies au champ, de nouveaux objets de conception apparaissent, les agroécosystèmes, qui posent de nombreuses difficultés : par exemple, il n’en existe pas de « concepteurs » proprement dit, et leur conception requière d’intégrer des connaissances de natures différentes et de concilier les intérêts divergents de diverses parties prenantes. Comment alors organiser des processus de conception collectifs et innovants des agroécosystèmes?
En nous appuyant sur les théories récentes de la conception et sur un cas empirique étudié en France, soit la mise en place d’une filière luzerne copilotée par une coopérative agricole et un centre de recherche en écologie, nous présentons une méthode de conception collective d’un agroécosystème. Cette méthode propose de qualifier le « fonds écologique », c'est-à-dire, certaines composantes-clés de l’écosystème qui en assurent le fonctionnement, puis de considérer ce fonds écologique comme un « inconnu commun » – non comme un bien commun –, c’est-à-dire comme une proposition pouvant faire l’objet d’une conception collective.
Nous montrons qu’une telle méthode : 1) permet de penser des agroécosystèmes nouveaux ; 2) invite à renouveler le rôle de l’écologie, qui non seulement produit des connaissances pour éclairer la décision, mais aussi crée de nouveaux espaces de conception des agroécosystèmes ; et 3) ouvre de nouvelles perspectives en matière de politiques publiques, en Europe comme au Canada.