Quel événement déclencheur explique le retour du houblon québécois?
Vous le savez peut-être, la culture du houblon était bien implantée au Québec jusqu’au milieu du 20e siècle. Dans ces années, les producteurs faisaient toutefois face à de nombreux défis, dont celui de combattre des ennemis de culture qui se propageaient à grande vitesse. L’oïdium, le mildiou et les pucerons étaient devenus des problématiques difficilement maitrisables pour les agriculteurs à court d’outils phytosanitaires. La suite appartient à l’histoire : les houblonnières ont virtuellement disparu de l’est du Canada et des États-Unis, pour trouver refuge en Oregon, en Idaho et dans l’État de Washington. Ces trois états américains sont aujourd’hui responsables de 97% de la production de houblon en Amérique du Nord[1].
Pendant un demi-siècle, les années se suivent et se ressemblent au Québec…peu de producteurs sont assez téméraires pour se lancer dans cette culture oubliée. Toutefois, l’année 2008 change toute la donne!
D’abord, il faut noter que les années 2007 et 2008 sont marquées par une pénurie mondiale qui touche plusieurs variétés de houblon. Cette pénurie s’explique, entres autres, par de mauvaises récoltes en Europe et par des incendies majeurs dans des entrepôts de houblon aux États-Unis. Cette conjoncture fait en sorte que les prix du houblon explosent! En outre, les brasseurs artisanaux ont de la difficulté à s’approvisionner en certaines variétés devenues plus rarissimes. Dans un tel contexte, le monde agricole canadien s’intéresse au phénomène. Dès lors, le Gouvernement fédéral, différents partenaires du Gouvernement du Québec, la MRC de Pontiac et des producteurs agricoles s’allient pour financer un projet de recherche variétale en Outaouais.
L’objectif principal du projet était de sécuriser l’approvisionnement en houblon pour notre industrie microbrassicole locale, une industrie foisonnante en plein développement. Pour ce faire, on désirait savoir quels cultivars contemporains allaient bien réagir sous les conditions pédoclimatiques du Québec. De 2009 à 2012, je suis le chargé de projet de cette étude mise en place par le Centre de recherche et de développement technologique de l’Outaouais (CREDETAO).
Quelques années après le retour du houblon, où en sommes-nous?
La filière du houblon québécois est encore toute jeune. En prenant du recul, on constate toutefois que les avancées sont tout à fait majeures. Par exemple, nous avons aujourd’hui des superficies qui sont suffisantes pour combler la demande du marché, et ce, pour une panoplie de variétés. Bien sûr, certains cultivars protégés (ex. Citra®) ne peuvent être produits au Québec. D’autres variétés ne réagissent pas bien sous les conditions de culture québécoises (ex. Hallertauer Mittelfrüher)[2]. Cependant, pour plusieurs cultivars américains qui appartiennent au domaine public (ex. Cascade), il est permis de croire que nos superficies actuelles pourront subvenir à l’ensemble des besoins de l’industrie d’ici 2 ou 3 ans! Ce délai s’explique par le fait que les plants de houblon peuvent avoir besoin de 3 à 4 ans avant d’atteindre une productivité optimale.
Parlons des brasseurs…
D’ici la parution du prochain blogue, je vous invite à découvrir le savoir-faire de nos artisans brasseurs. Plus précisément, je vous invite à savourer leurs bières de récolte. Ces bières, concoctées avec du houblon québécois, ont la caractéristique d’être brassées dans les 24 heures suivant la récolte de houblon! Le houblon est ainsi utilisé au pinacle de sa fraîcheur, ce qui procure souvent à la bière des arômes herbacés, épicés et terreux. Des notes d’agrumes, de fruits à noyau et de résine de pin peuvent également être perçues, selon les variétés de houblon utilisées. Les bières de récolte permettent de savourer l’automne et soulignent le lien indissociable qui uni le monde brassicole à l’agriculture. En ce début du mois de décembre, je vous invite donc à dénicher une bouteille ou une pinte de ces excellentes bières, toutes élaborées avec du houblon frais bien de chez nous!
- Beyond the Pale – Drink me now et Drink me nower
- Brasserie artisanale la Korrigane – Récolte #1 et Récolte #2
- Brasseurs du Temps – Obwandiyag
- Brasserie Linox – Harvest des jarrets noirs
- Brasseurs RJ – La première récolte
- Dieu du Ciel! – Alban Elved
- La Voie Maltée – La faisant malt (version Harvest Ale)
- Le Cheval Blanc – Harvest Cream
- Les 3 Brasseurs – La récolte
- Microbrasserie Le Naufrageur – La p’tit rang Est et La p’tit rang Ouest
Bonne dégustation!
Julien Venne, agronome, M.Sc
http://www.julienvenne.com
Billet rédigé en collaboration avec François Biron, agr. MAPAQ
Bonjour je souhaite avoir des références pour me partir une culture de houblons dans le haut St-Laurent et est-ce que à long terme est-ce viables Merci
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