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La mouche du bleuet et le froid



La mouche du bleuet et le froid
 
La mouche du bleuet, Rhagoletis mendax Curran (Diptera: Tephritidae)(anglais- Blueberry maggot) (revues de littérature par Neilson et Wood 1985, Geddes et al. 1987), est un insecte indigène à l’Est de l’Amérique du Nord qui a plusieurs plantes hôtes cultivées et sauvages, notamment le bleuetier en corymbe (Vaccinium corymbosum L.), le bleuetier nain à feuilles étroites (Vaccinium angustifolium Aiton), le bleuetier fausse-myrtille Vaccinium myrtilloides Michaux et le gaylussacia à fruits bacciformes (Gaylussacia baccata (Wangenheim) K. Koch) (Smith et al. 2001, Vincent et al. non publié). C’est un insecte univoltin qui passe l’hiver en diapause obligatoire dans le sol sous forme de pupe (Fig. 1a). A la fin de juin, les adultes (Fig. 1b) émergent et les femelles pondent en général un œuf par fruit dont la maturité est imminente (ayant des teintes bleuâtres dans le cas du bleuet). Les stades larvaires se nourrissent de la pulpe (Fig. 1c) du fruit lequel, fragilisé par cette attaque, tombe prématurément au sol où le développement larvaire est complété, de même que la pupaison. Aucune méthode alternative aux insecticides est efficace pour la lutte de cet insecte, de sorte que plusieurs traitements insecticides sont effectués contre les adultes chaque année dans les régions infestées par R. mendax.
 
Figure 1. a) pupe et b) adulte de la mouche du bleuet; c) larve dans un fruit de Gaylussacia spp..

 
 
 
 Selon des recensements menés au Canada, la mouche du bleuet était présente en Nouvelle-Ecosse, au Nouveau-Brunswick et à l’Ile du Prince Edouard de 1967 à 1988 (Guibord et al. 1985, Vincent et Lareau 1989, ACIA 2012). L’insecte a été dépisté pour la première fois en 1996 au Québec près de la frontière avec l’État de New York et en Ontario en 1999. Depuis, la mouche du bleuet a élargi son aire de distribution, de sorte qu’elle est maintenant retrouvée au nord du fleuve St-Laurent. En 2014, la mouche n’avait pas atteint la région du Lac St-Jean, où près de 85% des surfaces québécoises de bleuets en production sont situées (Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation 2011), et qui comportait 34% des surfaces en production au Canada (34277 ha) en 2010 (Agriculture et Agro-alimentaire Canada 2012). Parce qu’aucun traitement insecticide est effectué contre les insectes au Lac St-Jean, l’industrie de production du bleuet de cette région jouit d’un avantage distinctif par rapport  aux provinces ou États voisins qui doivent effectuer plusieurs traitements chaque année contre R. mendax ou d’autres insectes.
 
 
Figure 2. Montage utilisé pour déterminer le point de surfusion des pupes de R. mendax (traduit de Vincent et al. 2014)

 
 
 
 
Dans le cadre d’un projet de recherche, nous avons convenu avec le Syndicat des producteurs de bleuets du Québec de répondre à la question suivante: les températures hivernales sont-elles une limite à la distribution nordique de la mouche du bleuet ? Pour répondre à cette question, nous avons collecté des pupes de R. mendax en Montérégie et en Nouvelle-Ecosse et les avons mis dans des tamis métalliques quasi-sphériques (8 cm diamètre, mailles 16), lesquels ont été enterrés à 3 cm dans le sol d’une bleuetière commerciale infestée de St-Chrysostome. A l’aide d’un montage composé de boîtes de styromousse, de thermocouples et d’un appareil d’acquisition de données (Fig. 2), nous avons déterminé le point de surfusion des pupes extraites du sol à différentes dates pendant l’hiver. En parallèle, nous avons installé des thermocouples à 3 cm dans le sol des bleuetières non-infestées de Normandin, St-Chrysostome, Frelighsburg, L’Epiphanie, Labrecque et St-Eugène.
 
 
La moyenne des températures de surfusion des pupes collectées au Québec et en Nouvelle-Ecosse était de -22.6oC (Fig. 3). La température hivernale du sol est rarement descendue en bas de -10oC dans les six localités québécoises, vraisemblablement en raison du couvert de neige. Quoiqu’il existe une distinction entre le point de surfusion (un phénomène physique) et la température létale tuant les pupes (un phénomène biologique modulé par la présence en quantité et qualité variables de biocryoprotectants), nous pouvons conclure que les températures hivernales ne sont pas un frein à la limite nordique de R. mendax.
Figure 3. Températures hivernales (oC) mesurées dans le sol de six localités du Québec. Série de résultats du bas: points de surfusion de pupes collectées au Québec et en Nouvelle-Ecosse.


Une compagnie de transformation de fruits a eu vent de nos recherches concernant le point de surfusion des pupes de R. mendax. Les mouvements de fruits et contenants ré-utilisables en provenance d’une région infestée vers une région non-infestée (et vice versa) devait se conformer à l’époque à la Directive D-02-04 (4ième révision, 1 novembre 2011) de l’Agence canadienne de l’inspection des aliments (ACIA 2011), laquelle stipulait dans l’Annexe 11 que les contenants ré-utilisables devaient être d’abord lavés avec de l’eau sous pression, puis soumis à l’un des traitements suivants: 1) nettoyer les contenants avec de l’eau à 85oC durant 2 minutes; 2) congeler les contenants durant 40 jours à 0oC ; 3) fumiger les contenants. La position de cette compagnie était qu’aucune de ces options était acceptable. Le traitement 1 brisait la chaîne de froid, ce qui peut comporter des risques pour la santé humaine ou des coûts élevés. Le traitement 2 immobilisait les contenants pendant 40 jours, ce qui est une durée trop longue eut égard au capital investi dans les contenants.
 
Le traitement 3 (fumigation) était inacceptable pour une compagnie agro-alimentaire désirant adopter des pratiques vertes pour tenir compte des préoccupations de ses consommateurs. Sachant que la température de surfusion des pupes était de -22.6oC, la compagnie suggérait de déterminer l’effet létal de l’exposition des pupes à -20oC, une température maintenue en congélateurs industriels. Ce type de question s’inscrit parfaitement dans une démarche de lutte physique contre les insectes (Hallman et Denlinger 1998, Vincent et al. 2003), notamment en contexte de post-récolte où les traitements insecticides sont fréquemment proscrits.
 
 
Figure 4. Six piles de contenants réutilisables dans lesquels on a placé des Hobos® (triangles noirs) pour prendre la température pendant quatre jours. (tiré de Vincent et al. 2014).



  
Dans un premier temps, nous avons mesuré le temps que prend six piles de contenants ré-utilisables vides (Fig. 4) placés dans un congélateur industriel pour refroidir à -20oC. La réponse était: environ 10 heures. Dans un second temps, nous avons collecté des fruits infestés près de la Réserve écologique du Pin Rigide, Qc. En laboratoire, les fruits ont été déposés sur du sable duquel on a extrait les pupes. Les pupes ont été placées à -20oC pendant 0 (témoin), 2, 4, 7, 10, 15 jours, puis recouvertes de sable humide et conservées à 4oC pendant au moins 181 jours pour permettre la complétion de la diapause obligatoire. Cette expérience a été réalisée deux fois. Nous avons déterminé qu’une exposition de 4 jours à -20oC causait 100% de mortalité pupale (Tableau 1 plus bas) et larvaire (Vincent et al. 2014).
 
Suite à la publication de ces travaux (Vincent et al. 2014), l’ACIA publiait sa 5ième révision (21 juin 2014) de la Directive D-02-04, dans laquelle on mentionnait le passage suivant à l’Annexe 11:
 
« Il faut placer les contenants dans une enceinte frigorifique pendant une période d’au moins quatre jours consécutifs à une température maximale de -20oC».
 
 
Ce changement à la réglementation canadienne a été accueilli avec grande satisfaction par l’industrie. La démarche montre que de la recherche apparemment pure (point de surfusion) au départ peut mener à des applications utiles à l’industrie agricole.
 
Remerciements. Nous remercions Lise Lapointe, St-Chrysostome, Qc; Sonia Gaul, Kenna McKenzie, AAC/Kentville, N.E.; Simon Bonin, Fruit d’Or, Villeroy, Qc; Josée Bergeron, Michel Brouillard, Amielle Doyon-Gilbert. Financement: Syndicat des Producteurs de bleuets du Québec, The Wild Blueberry Producers Association of Nova Scotia, Agence Canadienne d’inspection des aliments, Agriculture et Agro-alimentaire Canada.
 

Références
Agriculture et Agro-alimentaire Canada 2012. Aperçu statistique de l’industrie canadienne du bleuet, 2010. Catalogue A118-44/2012F-PDF, 18 p. http://www.agr.gc.ca/fra/industrie-marches-et-commerce/statistiques-et-information-sur-les-marches/par-produit-secteur/horticulture/horticulture-industrie-canadienne/rapports-par-secteur/apercu-statistique-de-l-industrie-canadienne-du-bleuet-2010/?id=1334583123075  (Accès 24 octobre 2014).

ACIA 2011. Directive D-02-04. Exigences phytosanitaires régissant l'importation de produits réglementés à l'égard de la mouche du bleuet, à partir de la zone continentale des États-Unis, et leur transport en territoire canadien, 4ième révision, Date d’entrée en vigueur: 1er novembre  2011, accès 17 juin 2013) http://www.inspection.gc.ca/plants/plant-protection/directives/horticulture/d-02-04/eng/1320046578973/1320046655958

ACIA 2014. Directive D-02-04. Exigences phytosanitaires régissant l'importation de produits réglementés à l'égard de la mouche du bleuet, à partir de la zone continentale des États-Unis, et leur transport en territoire canadien (5ième révision, Date d’entrée en vigueur: 21 juin 2014, accès 24 octobre 2014) http://www.inspection.gc.ca/plants/plant-protection/directives/horticulture/d-02-04/eng/1320046578973/1320046655958

ACIA 2012. DGR-11-03: Révision des limites géographiques des zones réglementées à l'égard de la mouche du bleuet Rhagoletis mendax Curran dans les provinces de l'Ontario et du Québec. Date d’émission : 2012-03-03. http://www.inspection.gc.ca/vegetaux/protection-des-vegetaux/directives/gestion-du-risque/dgr-11-03/fra/1330812746504/1330812849376  (accès, 24 Octobre 2014)

Guibord, M. O'C., C. Vincent et  G. W. Woods 1985. Note sur l'aire de distribution de la mouche du bleuet, Rhagoletis mendax  (Diptera:Tephritidae). Phytoprotection 66:63-67.

Geddes, P.S., J.-P.R. Le Blanc, et W.N. Yule 1987. The blueberry berry maggot, Rhagoletis mendax (Diptera: Tephritidae), in eastern North America. Rev. Entomol. Québec 32:16-24.

Hallman, G. J. et D. L. Denlinger 1998 (Eds). Temperature sensitivity in insects and application in integrated pest management. Westview Press, Boulder, Col., 311 p.

Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation 2011. Monographie de l’industrie du bleuet au Québec.  ISBN 978-2-550-61717-4. pdf disponible au: http://www.mapaq.gouv.qc.ca/publications (Accès 24 octobre 2014) .

Neilson, W.T.A. et G.W. Wood 1985. The blueberry maggot: Distribution, economic importance and management practices. Acta Hortic. 165:171-175.

Smith, J. J., V. Gravilovic et D. R. Smitley 2001. Native Vaccinium spp. and Gaylussacia sp. infested by Rhagoletis mendax (Diptera: Tephritidae) in the Great lakes region: a potential source of inoculation for infestation of cultivated blueberries. J. Econ. Entomol. 94: 1378-1385.

Vincent, C., G. Hallman, B. Panneton et F. Fleurat-Lessard 2003. Management of agricultural insects with physical control methods. Annu. Rev. Entomol. 48: 261-281.

Vincent, C. et M. Lareau 1989. Update on the distribution of the blueberry maggot, Rhagoletis mendax  (Diptera:Tephritidae), in Canada. Acta Hortic. 241:333-337.

Vincent, C., P. Lemoyne, S. Gaul et K. MacKenzie 2014. Extreme Cold Temperature to Kill Blueberry Maggot (Diptera: Tephritidae) in Reusable Containers J. Econ. Entomol. 107: 906-909.


 
Tableau 1. Émergence d’adultes de la mouche du bleuet en 2012 et 2013, suite à des traitements des pupes à -20oC lors de l’automne précédant (respectivement automne 2011 et 2012) et après une période d’au moins 181 jours à 4oC (n=25 pupes pour chaque combinaison durée/répétition)
 
Durée de l’exposition (jours)   Répétition Émergence des adultes
(8-29 mai 2012)
  Émergence des adultes
 (23 mai-10 juin 2013)
      Total %   Total %
0
(témoin)
  1 16 64   14 56
    2 20 80   12 48
    3 15 60   8 32
    4 13 52   5 20
2   1 0 0   1 4
    2 0 0   0 0
    3 0 0   1 4
    4 0 0   0 0
4   1,2,3,4 0 0   0 0
7   1,2,3,4 0 0   0 0
15   1,2,3,4 0 0   0 0
 
 
Pour de plus amples renseignements : Charles Vincent, Ph. D., chercheur en entomologie [email protected]


 
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Organisation : Agriculture et Agroalimentaire Canada
Collaborateur(s) : Charles Vincent, Ph. D., chercheur en entomologie et Pierre Lemoyne, assistant de recherche au Centre de recherche et développement de Saint-Jean-sur-Richelieu
Date de publication : 01 décembre 2015

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