Enjeux liés à l'hiver
François Biron, qui développe des cultures en serres froides depuis 2015 sur la ferme Chapeau Melon à l’Ange-Gardien en Outaouais, le confirme : produire en hiver comporte son lot de défis. Il faut déneiger stationnement, chemins et pourtour des serres. Si on arrose les cultures, il faut drainer les tuyaux pour éviter que tout casse la nuit. La gestion des bâches flottantes est longue et fastidieuse en raison du froid et de l’humidité. Par ailleurs, pour préserver la qualité des produits, il faut bien planifier, car la fenêtre de récolte est assez mince.
Selon lui, l’enjeu majeur est cependant d’ordre économique. Comme les rendements – et donc les revenus – sont moins élevés en hiver qu’en été, pour que l’entreprise demeure rentable, on doit avoir un système à faibles apports (peu de chauffage et de travail) durant l’hiver. « Ça a de grandes conséquences sur toutes les décisions à prendre, spécialement sur le choix des infrastructures », précise-t-il.
Facteurs limitants
En effet, plusieurs facteurs limitants doivent pris en considération au moment de planifier. « On doit se demander : Nos rendements justifient-ils nos coûts de chauffage? La charge de travail justifie-t-elle les rendements? Est-ce que nos choix de mise en marché ont du sens pour nous? », évoque Vincent Jacob, responsable des cultures en serres à la ferme des Quatre-Temps à Hemmingford en Montérégie.
Néanmoins, « le facteur le plus limitant reste la lumière », signale Catherine Sylvestre, agronome et directrice de la production maraîchère à cette même ferme. De juillet à octobre, le nombre de kilowattheures par mètre carré par jour (kWh/m2/j) diminue rapidement. D’octobre à janvier, on observe un plateau d’environ 1 kWh/m2/j ; il y a donc très peu de croissance végétale. Par contre, de février à juin, la lumière augmente rapidement. Il faut en tenir compte pour choisir les cultures à implanter (voir Tableau 1).
Cultures d'été : | Culture d'hiver : | Primeurs : |
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15 mars | 15 août au 15 octobre | 15 février |
Aubergine | Bette à carde | Courgette |
Basilic | Céleri | Haricot grimpant |
Céleri | Dandelion | Pomme de terre |
Concombre | Épinard | |
Gingembre | Fines herbes | |
Haricot | Kale | |
Poivron | Légumes asiatiques | |
Tomate | Roquette | |
Laitue Salanova | ||
Etc. |
Facteur de réussite
« Faire du maraîchage 12 mois par année, c’est fatiguant. C’est un peu comme courir un marathon suivi d’un demi-marathon », témoigne Vincent Jacob. L’un des facteurs de réussite consiste à étaler les cultures de transition (primeurs) sur plusieurs semaines, de sorte à ne pas avoir de trou de récolte, mais aussi à répartir le travail dans le temps.
Pour bien gérer la charge de travail, il suggère aussi aux gestionnaires trois trucs pratiques : 1) créer une routine annuelle, 2) en début de saison (été et hiver), rédiger un plan de production détaillé, 3) déléguer presque toutes les responsabilités associées au terrain.
Primeurs
« Si on veut attirer et fidéliser la clientèle au marché, il est essentiel de glisser des primeurs (cultures produites avant leur saison habituelle de croissance) entre les cultures d’hiver et celles d’été », renchérit Catherine Sylvestre.
Pour savoir comment s’y prendre, on peut se procurer : Le maraîchage nordique : découvrir la culture hivernale des légumes, paru en 2021 aux Éditions Cardinal disponible sur le site du CRAAQ.
Ce texte a été publié originalement dans le magazine La terre de chez nous en mai 2023.
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