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Apiculture - Chronique No 45 - 17 novembre 2023

AU RUCHER CETTE SEMAINE
17 novembre 2023
 
 
Les virus de l’abeille : les connaître et les identifier

L’hiver s’installe et apporte avec lui la neige, le temps des fêtes, l’ouverture des sentiers de motoneige et… le virus de la grippe. Loin de moi l’idée de parler ici de la Co***, mais saviez-vous que les abeilles peuvent elles aussi être affectées par différents virus? Vous avez peut-être même déjà observé des signes de leurs présences dans vos colonies. Si ce n’est pas (encore) le cas, je suis désolé de vous apprendre qu’ils sont malgré tout bien présents. En lisant ces quelques lignes, vous serez mieux informé à leur sujet et serez même en mesure d’identifier certains d’entre eux.

À ce jour, au moins 20 virus ont été identifiés chez l’abeille mellifère. Les virus sont des agents infectieux nécessitant les cellules d’un hôte pour se répliquer. Habituellement, ils sont transmis de façon dite verticale et/ou horizontale. Lors d’une transmission verticale, les virus sont transmis de la mère à la progéniture. La transmission horizontale a quant à elle lieu entre individus de même génération et peut être classée comme directe, telle que les infections alimentaires et sexuelles, ou indirectes, lorsqu’un hôte biologique est impliqué, comme le varroa par exemple. Pendant de nombreuses années, la détection et l’identification des viroses chez l’abeille domestique reposaient principalement sur la sérologie. Aujourd’hui, la méthode moléculaire d’amplification en chaîne par polymérase (ACP; PCR en anglais) est couramment utilisée dans le milieu de la recherche apicole.

Le virus de la paralysie chronique
 
 
Figure 1. Deux abeilles avec des symptômes du virus de la paralysie chronique (A et B) et une vieille abeille (C)

Le virus de la paralysie chronique (chronic bee paralysis virus ou CBPV en anglais), aussi appelé la maladie noire, est l’un des premiers virus à avoir été isolé chez l’abeille domestique. Les abeilles infectées ont une faible quantité de poiles ce qui leur donne un aspect plus foncé et brillant (Figure 1A). Attention de ne pas confondre les symptômes de cette maladie avec une vielle abeille qui a naturellement moins de poiles (Figure 1C). Habituellement, les abeilles atteintes de ce virus ont les ailes disloquées alors que l’extrémité est intacte (Figure 1B) ce qui n’est pas le cas des ailes des abeilles plus âgées qui ont un aspect abîmé. Ce virus cause aussi des tremblements et une paralysie partielle affectant leur capacité de vol. En date d’aujourd’hui, ce virus n’est toutefois pas préoccupant au Canada.
 
Le virus de la cellule royale noire
 
Figure 2. Cellules royales avec des symptômes du virus de la cellule royale noire
 
Le virus de la cellule royale noire (Black queen cell virus ou BQCV en anglais) est un virus à ARN de la famille des Dicistroviridae et a été découvert en 1977. Ce virus du couvain fermé (pupes et larves de reine) peut aussi être présent sur les ouvrières, toutefois ces dernières ne présentent pas de symptôme de cette maladie. Il est possible d’observer des signes cliniques dans les cellules royales (Figure 2A). Les larves et les pupes deviennent d’abord jaunes, puis bruns et finalement noires, avant de mourir (Figure 2B). Selon mes résultats d’analyses, ce virus serait présent dans toutes les ruches de la province. Heureusement, les quantités détectées sont rarement suffisantes pour avoir des impacts négatifs sur les colonies et même observer des signes cliniques.

Le virus du couvain sacciforme
 
Figure 3. Larves avec des symptômes du virus du couvain sacciforme
 
Le virus du couvain sacciforme (sacbrood bee virus ou SBV en anglais) a été découvert en 1913 et tire son nom de l’apparence de sac qu’a la larve malade. Bien que ce virus soit présent chez les individus adultes, ce sont les larves de deux jours qui y sont le plus sensibles. La couche externe de la larve passe alors du jaune au gris puis durci jusqu’à former un sac (Figure 3A). La présence de couvain partiellement désoperculé contenant des larves en forme de banane (Figure 3B), exposant ainsi la tête de la larve qui peut être plus foncée que le reste du corps, est un symptôme caractéristique de la maladie. La larve meurt habituellement juste avant de se transformer en pupe, peu après l’operculation. Finalement, la larve se retire facilement de l’alvéole, contrairement à d’autres maladies du couvain.
 
Le virus des ailes déformées
 
Figure 4. Deux abeilles avec des symptômes du virus des ailes déformées et une abeille avec un varroa
 
Le virus des ailes déformées (deformed wings virus ou DWV en anglais) est un virus à ARN du genre Iflavirus et a été découvert en 1983 au Japon. Il est toutefois apparu aux États-Unis qu’au début des années 90 à la suite de l’arrivée du varroa. Ce virus est présent dans 90 à 100% des ruchers au Canada. Les symptômes de cette maladie peuvent être observés sur les ouvrières adultes émergentes et se définissent par des ailes atrophiées, tordues et déformées. Ces abeilles ont un poids inférieur à la normale, sont décolorées et ne vivent que quelques jours (Figure 4). Il a été maintes fois démontré que la maladie et le taux de mortalité associés à ce virus sont liés à la présence du varroa. Il existe trois génotypes du DWV, soit le A, le B et le C. Au début, seulement le type A était détecté et il avait été associé au phénomène d’effondrement des colonies. Le DWV-B a été identifié pour la première fois en 2001 sous le nom de Virus de Varroa destructor 1 (VDV-1). Ce n’est que plus tard que des études ont démontré que ce virus était en fait une variante du DWV et que celle-ci serait plus virulente. Initialement, le variant A était le plus répandu, mais depuis plusieurs années, la prévalence du variant B augmente aux États-Unis et au Canada. Au Royaume-Uni, ce variant a presque complètement remplacé le variant A. Le variant C a quant à lui été découvert plus tard et est pour le moment peu étudié.

N'oubliez pas, si vous observez des mortalités inhabituelles dans vos ruchers ou êtes témoin d’une situation susceptible de mettre en péril la santé du cheptel, n’hésitez pas à contacter le réseau apicole du MAPAQ (abeille@mapaq.gouv.qc.ca).
 
Références
Boucher, S. (2021). Maladies des abeilles. 2e édition, Paris, Éditions France Agricole, 432 pages.
Caron, D.M. et Connor, L.J. (2013). Honey Bee Biology and Beekeeping, Édition révisée, Michigan, Wicwas Press, 368 pages.
Chen, Y., Evans, J., et Feldlaufer, M. (2006). Horizontal and vertical transmission of viruses in the honey bee, Apis mellifera. Journal of invertebrate pathology 92(3): 152-159.
Kevill, J.L., de Souza, F.S., Sharples, C., Oliver, R., Shroeder, D.C. et Martin, S.J. (2019). DWV-A Lethal to Honey Bee (Apis mellifera): A Colony Level of DWV Variants (A, B and C) in England, Wales, and 32 States across the US. Viruses 11: 426.
Mordecai, G. J., Wilfert, L., Martin, S. J., Jones, I. M., et Schroeder, D. C. (2016). Diversity in a honey bee pathogen: first report of a third master variant of the deformed wing virus quasispecies. ISME Journal 10: 1264–1273.
Pettis, J. S., Chen, Y.P., Allis, J., Evans, J.D., Rennich, K.D., Vanengelsdorp, D. et Shimanuki, H. (2015). Diseases and Pests of Honey Bees, dans The hive and the honey bee (ed. J.M. Graham), Hamilton, Dadant and Sons, pp. 833-879.
Shen, M., Yang, X., Cox-Foster, D. et Cui, L. (2005). The role of varroa mites in infections of Kashmir bee virus (KBV) and deformed wing virus (DWV) in honey bees. Virology 342(1): 141-149.
 
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Organisation : Centre de recherche en sciences animales de Deschambault (CRSAD)
Date de publication : 21 novembre 2023
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