Un délicieux à-côté
Publié le 22 mai 2019
Fermez les yeux. Imaginez un jardin inondé de soleil durant les dernières belles journées de l’été, le bruissement du vent dans les feuilles et, au fond de ce jardin, des arbres chargés de fruits violets bien juteux. C’est possible, ici même. En effet, saviez-vous qu’on peut cultiver des pruniers au Québec? Avez-vous déjà songé à en implanter quelques-uns? Les pruniers sauront récompenser les jardiniers patients et attentionnés.
Le prunier proviendrait d’Asie et d’Amérique, où il poussait naturellement. La culture et la consommation de la prune se sont ensuite répandues un peu partout autour du globe. Le prunier fait partie de la famille des Rosacées et plus précisément du genre Prunus. Les arbres cultivés de nos jours sont de type européen, japonais ou américain. Chez nous, deux espèces poussent à l’état sauvage : le prunier noir (Prunus nigra) et le prunier américain (Prunus americana).
Le Québec et les prunes, une vieille histoire
La culture de la prune, au Québec, a connu un certain engouement avant de pratiquement disparaître au début du XXe siècle. La construction du chemin de fer entre Lévis et Rivière-du-Loup, terminée en 1860, a permis aux producteurs de la région de la Côte-du-Sud (située sur la rive sud du Saint-Laurent, entre Beaumont et Saint-André-de-Kamouraska) d’expédier leurs fruits sur un plus grand marché et tout au long de l’année.
Parallèlement, la Société d’horticulture du comté de L’Islet voyait le jour en 1880. Dès lors, elle offre des conseils aux producteurs de la région. Il s’ensuit une augmentation de la production entre les années 1890 et 1920. Malheureusement, plusieurs facteurs ont contribué au déclin de la culture de la prune au début des années 1930, principalement la concurrence en provenance de l’Ontario et des États-Unis, l’arrivée de nouveaux fruits et le trop grand nombre de variétés de prunes cultivées. Le nodule noir du prunier a aussi joué les fauteurs de trouble. Il causa beaucoup de dommages dans les vergers et contribua grandement à la disparition de plusieurs d’entre eux.
En 2017, 180 producteurs de prunes étaient enregistrés auprès du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec. La majorité des vergers se situent dans la région de Québec et en Montérégie.
Par où commencer?
La culture de la prune est pérenne, c’est-à-dire que l’arbre, une fois implanté, va vivre de nombreuses années. Il est donc très important de savoir «?dans quoi on s’embarque?» avant de commencer. Pour une production à vocation commerciale, il est impératif de savoir s’il existe un marché pour écouler les fruits qu’on souhaite produire. Autrement dit, comment allez-vous vendre vos fruits et qui va les acheter?
Il faut aussi garder en tête que produire commercialement des prunes comporte des risques. En effet, les rendements sont très variables d’une année à l’autre. Les bonnes années de production ne se présentent que tous les 2 ou 3 ans. De plus, avant qu’un prunier ne produise des fruits, il faut compter de 3 à 6 ans. Au-delà de ces contraintes, cultiver des prunes peut permettre de diversifier l’offre d’un verger, par exemple.
Le choix du site d’implantation se révèle d’une haute importance, et ce, pour plusieurs raisons. Entre autres, les fleurs de prunier éclosent tôt au printemps, ce qui les rend vulnérables aux gels printaniers. Il faut donc choisir un site adéquat et un bon cultivar ou, si vous préférez, s’assurer que le cultivar retenu soit assez rustique pour le site d’implantation choisi.
Les pruniers poussent bien dans un sol riche en humus, avec au moins 3 % de matière organique, et à un pH neutre ou près de la neutralité. Comme ils vont rester en place un bon moment, un apport de fumier bien décomposé est recommandé l’automne précédent leur plantation. Le prunier, comme la plupart des arbres fruitiers, n’apprécie pas trop avoir les pieds dans l’eau : il faut donc choisir un sol bien drainé. L’idéal est de trouver un équilibre entre un bon drainage et une bonne réserve en eau.
En bonne compagnie
Les pruniers sont souvent partiellement autofertiles (ils peuvent, en partie, être fécondés par leur propre pollen). Seuls quelques cultivars sont complètement autofertiles. Dans ces circonstances, il est préférable de planter plusieurs cultivars du même type (européen, japonais ou américain) qui pourront contribuer à leur pollinisation mutuelle et ainsi augmenter la production de fruits. La présence d’insectes pollinisateurs favorise aussi de bons rendements.
Un ennemi à surveiller
Si les prunes vous intéressent, vous devrez avoir l’œil ouvert et surveiller un ennemi en particulier : le nodule noir du prunier (Apiosporina morbosa). Ce champignon se remarque par la présence de masses ou renflements noirs, allongés et durs comme du bois. Ces nodules peuvent se trouver sur les branches ou le tronc. Au début de l’infection, il y a présence d’un renflement vert qui grossit; il craque et noircit en vieillissant. La présence de ce champignon diminue la vigueur des arbres et, par conséquent, les rendements.
Pour lutter contre cet ennemi, il faut tailler les branches affectées à au moins 8 à 10 cm sous le nodule. Il est préférable de tailler une branche à un endroit adéquat, afin d’éviter de laisser un chicot, même si celui-ci est plus loin du nodule. Ensuite, vous devez détruire les débris, car même séparés de l’arbre, les nodules peuvent toujours libérer des spores et contaminer les arbres à proximité.
Et cet automne…
L’automne est le bon moment pour préparer le sol à l’arrivée de plants de pruniers le printemps suivant. Toutefois, comme pour d’autres cultures en émergence au Québec, il est important de bien planifier votre projet. Vous pourriez profiter de cet automne pour faire la cueillette d’informations sur le sujet et, pourquoi pas, celle de prunes.
Vous trouverez de l’information supplémentaire en consultant la fiche Prune de la collection Production en émergence au Québec publiée par le Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec (CRAAQ). Cette fiche propose une synthèse des connaissances disponibles sur cette production et les éléments à considérer dans un processus de démarrage. Une autre référence pertinente est L’implantation d’un verger de pommier, un guide publié par le CRAAQ.
Ce texte a été publié originalement dans le magazine Vivre à la campagne édition Automne 2018
Images provenant de Pixabay
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