Question : allez-vous rester dans ce restaurant pour manger? Il y a fort à parier que non. Vous risquez plutôt de tourner les talons et d'aller manger ailleurs. Pourquoi? Simplement parce que ce restaurant ne fait rien pour inspirer un sentiment de confiance chez sa clientèle.
La confiance est cruciale dans le domaine de l’alimentation, que ce soit dans la restauration ou dans le commerce de détail. Dans ce billet, je vous expliquerai brièvement en quoi consiste la confiance, pour ensuite déterminer sur quels éléments vous pouvez travailler pour créer un sentiment de confiance chez votre clientèle.
Dans l'article « Représentations de l'alimentation : Crise de la confiance et crises alimentaires », paru en 2011 dans la revue Bulletin de psychologie, l'auteur souligne que manger est bien plus qu’un comportement de consommation banal, puisque cet acte implique d’incorporer des aliments, de les mettre dans notre corps; nous devenons ce que nous mangeons. Cela est vrai autant au sens réel qu’au sens symbolique. D’un point de vue réel, nous incorporons ce que nous mangeons à notre propre matière, nous le transformons en énergie et, ultimement, en réalisations quotidiennes. Au sens symbolique, nous absorbons les qualités de ce que nous ingurgitons (biologique, végétarien, local, etc.). Il est ainsi permis de penser que l’alimentation d’une personne donnée permet d’inférer une partie de sa personnalité et de son style de vie.
Selon le même article, le mangeur encourt des risques majeurs pour sa personne chaque fois qu’il mange un aliment. Il peut être intoxiqué s’il mange un aliment dont les propriétés bactériologiques ou toxicologiques sont néfastes pour sa santé. Il peut également être intoxiqué si la valeur symbolique de ce qu’il mange lui apparaît inadéquate, ou non conforme à l’image qu’il a de lui-même ou qu’il souhaite projeter à son environnement. Il encourt ainsi le risque de souiller sa personne et son identité. Par exemple, une personne végétarienne s'attend à ce qu'il n'y ait pas de viande dans le plat préparé qu'elle mange. De là l’importance de pouvoir faire confiance au fournisseur des denrées alimentaires consommées.
Dans son article « Qu'est-ce que la confiance », Marzano offre une vision fort bien réfléchie du concept, et je reprendrai ici les idées principales de sa réflexion. Au sens le plus strict, la confiance est l’idée selon laquelle on peut se fier à quelqu’un ou quelque chose. Au sens moderne, la confiance est plutôt liée à l’idée selon laquelle on tente de réduire les risques; elle est perçue comme le résultat d’un calcul rationnel fait à partir d’un certain nombre d’informations sur le dépositaire éventuel de notre confiance. La confiance devient donc définie comme étant un niveau de probabilité de risque subjectivement acceptable.
Lorsqu’on aborde la question de la confiance, il est important de ne pas oublier son aspect fondamental, c’est-à-dire que la confiance revient à se mettre dans un état de vulnérabilité face à l’autre. Ainsi, la confiance est potentiellement dangereuse, « car elle implique toujours le risque que le dépositaire de notre confiance ne soit pas à la hauteur de nos attentes ou, pire encore, qu’il trahisse délibérément la confiance que nous lui faisons. »
De la confiance découle naturellement le concept de contrat, c’est-à-dire une promesse explicite d’un engagement à répondre de ses actions futures. Le contrat est une obligation d’honorer ses promesses. Dans cet ordre d’idée, la confiance réfère ultimement à un schème de coopération. Je fais confiance à l’autre dans la mesure où j’ai raison de croire que l’autre comprend qu’il est dans son intérêt d’honorer ma confiance, qu’il comprend que mes intérêts sont liés, du moins en partie, aux siens.
La confiance est donc un concept psychologique complexe qui peut paraître difficile à concevoir et à mesurer. Pour en faciliter la compréhension, trois dimensions ont été retenues pour évaluer la confiance entre le consommateur et l’entreprise : la crédibilité, l’intégrité et la bienveillance. Puisque la confiance se fonde sur des indices et non des preuves tangibles et évidentes, il est plus précis de considérer ces dimensions comme des présomptions, c’est-à-dire un « jugement fondé non sur des preuves, mais sur des indices, des apparences, sur ce qui est probable sans être certain » (Définition du Larousse).
La crédibilité réfère à la perception qu’a le consommateur de la compétence et de la maîtrise du savoir-faire de l’entreprise, c’est-à-dire la capacité du prestataire à répondre aux attentes techniques du consommateur. Cet aspect repose sur une expertise donnée de l’entreprise et sur sa capacité (objective, mais surtout subjective) à satisfaire les besoins du consommateur. L’intégrité, quant à elle, fait appel à l’honnêteté de l’entreprise, soit sa capacité à ne promettre que ce qu’elle peut rendre. Le consommateur attribue des motivations loyales à l’organisation, perçoit qu’elle respecte ses promesses, et considère son discours général comme étant honnête. La bienveillance, finalement, réfère à la capacité de l’organisation d’écouter le consommateur, de prendre en compte ses intérêts. L’orientation client est perçue comme durable, dans une perspective de long terme et de pérennité, et dans des conditions d’échange équitables.
Reprenons l'exemple du restaurant en début d'article. Est-il crédible? Non. Des odeurs infectes, des tables sales, cela n'exprime aucunement la capacité d'offrir un service de qualité. Est-il intègre? Bien sûr que non! Il annonce un service haut de gamme, alors qu'il n'en est rien. Fait-il preuve de bienveillance? Non plus, puisque le serveur est froid et détaché.
Et votre entreprise? Dégagez-vous une image de crédibilité, d'intégrité et de bienveillance?
*l'image de cet article provient de www.agriculture.gouv.fr
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