Au Québec, il existe peu d’études de longue durée en cours de réalisation. L’une d’elle s’est amorcée en 2008 sur les terres du CÉROM, à Saint-Mathieu-de-Beloeil, en Montérégie. Dans une série d’articles de blogue, nous présentons les résultats obtenus au cours des dix premières années de l’essai, soit pour la période de 2008 à 2017. Dans le présent article, nous nous attarderons à l’effet des rotations, tout particulièrement à l’effet de la rotation à trois cultures (maïs-soya-blé) comparativement à la monoculture de maïs-grain.
Nous discuterons de l’effet des rotations en retenant les années 2008, 2011, 2014 et 2017. L’année 2008 est retenue parce qu’il s’agit de l’année d’implantation de l’essai. Les trois autres années correspondent au début de chacun des cycles de l’assolement de trois ans. Toutes les parcelles sont alors ensemencées en maïs-grain, ce qui permet de faciliter les comparaisons entre les rotations. Pour simplifier l’analyse et l’interprétation, nous nous limiterons à ne présenter que les données relatives aux parcelles ayant reçu uniquement de la fertilisation minérale.
Saison 2008
En 2008, les rendements pour la rotation maïs-soya-blé ont été de 12 328 kg/ha comparativement à 12 161 kg/ha pour la monoculture de maïs-grain. Il y avait donc un écart de rendement de moins de 200 kg/ha (ou 1 % en valeur relative) et cette différence n’était pas significative. Il en est de même pour les poids spécifiques et les teneurs en eau des grains. Pour ces deux variables, les valeurs moyennes ont été de 21,5 et 21,6 % et de 70,13 et 70,02 kg/hl respectivement pour la rotation de trois ans et la monoculture de maïs. L’année 2008 a donc procuré de bons rendements avec du maïs relativement sec à la récolte et doté de très bons poids spécifiques.Saison 2011
Les densités de semis du maïs-grain étaient identiques pour les deux rotations (84 210 plants/ha) mais les densités établies au champ ont été de 6 % moindres pour la rotation de trois ans (71 582 plants/ha) comparativement à la monoculture de maïs (75 658 plants/ha). Cet écart de densité des plants n’était toutefois pas significatif et n’a pas eu d’effets sur les rendements en grains. À la suite du passage de l’ouragan Irène, à la fin du mois d’août 2011, il y avait significativement moins de verse dans les parcelles de la rotation de trois ans avec 32 % de plants versés comparé à 42 % pour la monoculture de maïs.Les rendements en grains des deux rotations étaient similaires, avec des valeurs de 8 124 et 8 165 kg/ha respectivement pour les parcelles en rotation et la monoculture de maïs-grain. Les teneurs en eau des grains étaient significativement supérieures sous la rotation, comparativement à la monoculture, avec des valeurs respectives de 29,6 et 28,3 %. Cette différence peut être considérée comme faible en terme agronomique. Les poids spécifiques des grains étaient toutefois semblables pour les deux régies avec 67,05 et 66,87 kg/hl respectivement pour la rotation et la monoculture.
À la suite du premier cycle de la rotation de trois ans, il n’y a pas eu d’effets bénéfiques de la rotation comparativement à la monoculture de maïs-grain en ce qui a trait aux rendements en grains. Le pourcentage de verse était toutefois plus élevé en monoculture de maïs, mais les grains étaient plus humides sous la rotation. Les rendements moyens obtenus en 2011 (8 144 kg/ha) étaient inférieurs de 33 % aux rendements observés en 2008 (12 244 kg/ha). Cette observation démontre sans nul doute que les conditions de croissance de la saison 2011 étaient beaucoup moins favorables que celles de 2008.
Saison 2014
La saison 2014 en a été une autre plutôt difficile. En effet, les rendements moyens de maïs-grain observés en 2014 ont été de 8 126 kg/ha. Cette valeur correspond à quelques kilos près à celle observée en 2011, soit 8 144 kg/ha. La comparaison s’arrête toutefois là. Le deuxième cycle de la rotation a permis, cette fois-ci, d’obtenir des rendements significativement supérieurs sous la rotation comparativement à la monoculture de maïs-grain. Les rendements en maïs-grain sous rotation ont été de 8 631 kg/ha et de 7 622 kg/ha pour la monoculture de maïs. Cela représente une différence de plus de 1000 kg/ha ou de 13,2 % en faveur de la rotation.Les teneurs en eau des grains étaient similaires pour les deux traitements avec 28,5 %. Les poids spécifiques des grains étaient toutefois significativement supérieurs pour la rotation (62,03 kg/hl) comparativement à la monoculture (61,69 kg/hl). Selon les résultats de notre essai, il aura fallu attendre le deuxième cycle d’une rotation de trois ans avant d’observer l’acquisition d’effets bénéfiques de la rotation sur les rendements en grains. Ces effets bénéfiques ont été observés malgré les mauvaises conditions de croissance de la saison 2014. Il sera intéressant de voir si les augmentations de rendements associés à la rotation seront conservées suite au prochain cycle de rotation de trois ans.
Saison 2017
La saison 2017 constituait la dixième saison de l’essai et le début du quatrième cycle de la rotation de trois ans. La vaste majorité des parcelles étaient ensemencées en maïs-grain. Les rendements moyens en maïs-grain ont été de 12 311 kg/ha, ce qui est comparable aux rendements moyens obtenus en 2008 de 12 244 kg/ha lors de la première année de l’essai.La rotation de trois ans maïs-soya-blé a permis d’obtenir en 10e année de l’essai des rendements de 13 458 kg/ha de maïs-grain comparativement à 11 164 kg/ha pour la monoculture de maïs-grain. Cette différence de près de 2300 kg/ha en faveur de la rotation a donc permis d’obtenir une augmentation des rendements de 20,5 % par rapport à la monoculture de maïs-grain. Nous avons remarqué peu de différences au niveau de la qualité des grains. Les teneurs en eau et les poids spécifiques des grains étaient de 26,4 et 26,1 % et de 65,05 et 64,62 kg/hl respectivement pour la rotation de trois ans et la monoculture de maïs-grain.
Sommaire de l’effet « rotation »
Selon l’essai que nous avons mené sur un sol lourd en Montérégie de 2008 à 2017, les effets bénéfiques d’une rotation de trois ans maïs-soya-blé n’ont été observés qu’à la fin du deuxième cycle de la rotation. En effet, les rendements de maïs-grain associés à une rotation de trois ans ont progressé de 13,2 % suite à deux cycles de rotation et de 20,5 % suite au troisième cycle de rotation comparativement à la monoculture du maïs-grain. Nos observations vont dans le même sens que la plupart des recherches réalisées sur ce thème et démontrent les réels bénéfices des rotations quant aux rendements en grandes cultures. Ces bénéfices des rotations ne se limitent pas, bien sûr, seulement aux augmentations de rendements. Les rotations permettent aussi de mieux gérer les problématiques liées aux maladies, aux insectes et aux mauvaises herbes en grandes cultures.Lire le billet précédent Lire le billet suivant