Résultats d’une nouvelle étude portant sur la fertilisation en phosphore du maïs
Publié le 05 février 2020
Conseiller en grandes cultures au MAPAQ à Saint-Hyacinthe
MAPAQ
Collaborateur(s) : Gilles Tremblay
Les données d’une nouvelle étude québécoise portant sur la fertilisation en bandes en phosphore du maïs ont récemment été publiées dans l’article Corn response to banded P fertilizers with or without manure application in Eastern Canada de la revue américaine Agronomy Journal. L’article présente l’analyse des résultats de 370 essais menés au Québec de 1998 à 2004. De manière générale, les auteurs n’ont observé aucune réponse du maïs à l’ajout de phosphore lorsque l’indice de saturation (P/Al)M3 du sol dépassait le seuil de 5.
Description de l’étude
Les sept auteurs proviennent de quatre institutions québécoises : l’Université Laval, Agriculture et Agroalimentaire Canada, le MAPAQ et l’Institut de recherche et développement en agroenvironnement. Les résultats des 370 essais réalisés de 1998 à 2004 ont été analysés, mais les essais réalisés en l’an 2000 n’ont pas été retenus, car les conditions de croissance ont en général été exécrables au cours de cette année particulière. De ces 370 essais, 141 avaient reçu du fumier ou du lisier et 229 essais n’avaient reçu que de la fertilisation minérale.
Les données provenaient de la littérature scientifique, de thèses et de rapports de recherche. La base de données comportait les coordonnées géographiques de chaque site, la série de sol et ses caractéristiques, les pratiques culturales adoptées (hybride, travail du sol, source et dose de l’engrais organique appliqué), la biomasse des plantules aux stades V4-V9, le rendement en grains et le poids spécifique et l’humidité des grains à la récolte.
Les données météo ont été compilées sur chacun des sites et sont présentées sous forme d’indices. Deux séries d’indices météo ont ainsi été calculées : une première série pour l’ensemble de la saison de croissance et une seconde correspondant aux 30 premiers jours après les semis. Pour l’ensemble de la saison, trois indices ont été évalués : le cumul des unités thermiques maïs (UTM), le cumul des précipitations et l’indice de Shannon relatif à la distribution de ces précipitations. Seuls deux indices ont été évalués pour les 30 premiers jours après le semis : les cumuls des UTM et des précipitations.
Divers types de fumier et lisier ont été utilisés dans les 141 essais ayant reçu des fertilisants organiques. Ces amendements organiques ont été appliqués soit au printemps soit à l’automne précédant les semis. Pour ces essais, le phosphore était appliqué en utilisant du polyphosphate d’ammonium (APP) sous forme liquide. Les deux séries de données, avec ou sans fumier (lisier), ont été analysées séparément.
Pour chacun des 229 essais n’ayant reçu que de la fertilisation minérale, de deux à quatre doses de phosphore ont été appliquées en plus d’un témoin ne recevant aucune fertilisation en phosphore. La fertilisation minérale en phosphore a été appliquée en bandes au semis pour tous les essais. Les sources de phosphore minéral ont été sous forme de DAP, de phosphate d’ammonium (MAP) de triple superphosphate (TSP) ou d’engrais de type organominéral (OMF). Les fertilisations en azote et en potassium suivaient les recommandations du Conseil des productions végétales du Québec (1996). La fertilisation en azote était fractionnée avec une première application au semis et la seconde application aux stades végétatifs V3 à V5. Les sols étaient cultivés de manière conventionnelle avec un labour à l’automne.
Les semis ont été réalisés du 21 avril au 2 juillet avec une médiane située au 10 mai. Les taux de semis ont varié de 50 861 à 96 544 plants à l’hectare avec une médiane de 75 000. Sur les fermes expérimentales, les parcelles variaient de 5 à 25 m de longueur et étaient constituées de quatre à huit rangs. Seuls les deux rangs centraux étaient récoltés à la main sur une longueur de 3 à 5 m. Pour les essais réalisés chez les producteurs, les dimensions des parcelles étaient minimalement de 50 m de long (souvent supérieure à 300 m) et constituées de 12 à 16 rangs de large. Toute la parcelle était récoltée.
Des échantillons de sol ont été recueillis dans les 15 premiers centimètres de chacun des sols, séchés à l’air puis tamisés (2 mm). Les contenus en phosphore (P) et en aluminium (Al) ont été déterminés selon la méthode Mehlich-3. Le pH, la distribution des particules (sable-limon-argile) et le contenu en carbone des sols ont été déterminés sur chacun des sols. Les résultats sont présentés sous forme d’échelle de réponse où le zéro signifie qu’il n’y a aucune différence observée entre les variables explicatives selon un intervalle de confiance de 95 %. Les réponses de la fertilisation en phosphore pour chacune des variables (rendement, poids spécifique et teneur en eau des grains) sont présentées par classe d’ISP et de PM3.
RÉSULTATS
La biomasse des plantules récoltées aux stades V4-V5 permet-elle d’expliquer les performances finales de la culture?
Tous les effets mesurés entre le poids des plantules et les mesures en fin de saison (rendement, poids spécifique et humidité des grains à la récolte) sont faibles et incertains. La biomasse des plantules récoltées à ces stades est donc un pauvre indicateur de la performance finale de la culture.
Quelles sont les variables qui affectent le plus les performances du maïs ?
Aucune variable n’affectait les rendements en grains pour les essais ayant reçu du fumier ou du lisier. Les résultats indiquent que les facteurs « concentration en PM3 » et « ratio P/Al » semblent être liés de manière similaire aux rendements en grains. Pour les essais sans fumure organique, les auteurs ont observé deux effets significatifs sur les rendements. L’utilisation du TSP était moins efficace que celle du DAP. Enfin, des rendements supérieurs étaient obtenus avec des accumulations supérieures en UTM pour les essais n’ayant reçu que de la fertilisation minérale. Ce dernier constat semble aller de soi puisque les zones géographiques accumulant plus d’UTM sont généralement plus productives que les zones en accumulant moins. L’utilisation de fumier ou de lisier semble avoir masqué ou avoir eu un effet tampon sur la relation entre les cumuls des UTM et les rendements.
Aucune variable n’affectait significativement les poids spécifiques des grains pour les essais ayant reçu du fumier ou du lisier. Pour les essais sans fumure organique, les auteurs ont observé plusieurs effets significatifs sur les poids spécifiques des grains. Des pH plus élevés, des sols podzolisés, des sols de texture grossière et des indices de Shannon plus élevés permettaient d’obtenir des poids spécifiques plus élevés. Des fertilisants du type organominéral ont aussi permis de faire augmenter les poids spécifiques des grains comparativement au DAP. L’utilisation de fumier ou de lisier semble donc avoir masqué tous les effets observés en situation de fertilisation minérale seule.
À l’instar du rendement et du poids spécifique des grains, aucune variable n’affectait significativement les teneurs en eau des grains à la récolte pour les essais ayant reçu du fumier ou du lisier. Pour les essais sans fumier, des augmentations des ratios P/Al, du pH ou des UTM permettaient de réduire de manière significative les teneurs en eau des grains à la récolte.
Réponse du maïs à la fertilisation minérale en phosphore selon l’ISP
Sans fumier ou lisier
L’augmentation de la dose de phosphore permet d’augmenter les poids spécifiques des grains uniquement pour la classe 0 à 2,5 d’ISP. La teneur en eau des grains diminue pour toutes les classes d’ISP, bien que ces baisses soient plus ou moins marginales. Des doses croissantes de phosphore ont des effets significatifs positifs sur les rendements en grains seulement pour les classes d’ISP 0 à 2,5 et 2,5 à 5. Pour les sols classés avec des ISP supérieurs à 5, il existe une grande variabilité de la réponse pour chacune des doses. Cette grande variabilité de réponses pourrait s’expliquer par des propriétés particulières associées à chacun des sites. Une meilleure compréhension des effets spécifiques des sites pourrait aider à formuler de meilleures recommandations pour les doses de phosphore dans la production du maïs.
Avec fumier ou lisier
Il est impossible de tirer des conclusions pour les sols avec des ISP inférieurs à 5 puisque l’étude ne comportait que deux sites avec de telles caractéristiques. Pour les sols avec des ISP supérieurs à 5, il existait peu d’effets significatifs de l’apport d’une dose croissante de phosphore. Les poids spécifiques des grains ont augmentés avec l’apport de phosphore pour la classe d’ISP 5 à 10 et la teneur en eau des grains ont diminué pour la classe d’ISP 10 à 20. Toutefois, il n’y a eu aucun effet de l’ajout de phosphore pour les classes d’ISP supérieures à 5. Ce constat est le même que celui des essais réalisés sans fumier ou lisier. Une meilleure compréhension des effets spécifiques des sites pourrait aussi aider à formuler de meilleures recommandations dans les situations ou des fumiers et lisiers sont appliqués.
Constats à retenir
Cette étude permet de tirer plusieurs constats très utiles pour la production du maïs au Québec. L’ajout de phosphore en bandes lors du semis du maïs n’a pas permis d’obtenir de meilleurs rendements lorsque des fumiers et des lisiers sont utilisés dans cette production. Lorsqu’il n’y a pas de fumier ou de lisier, les rendements du maïs ont répondu positivement à la fertilisation phosphatée uniquement pour des sols ayant des indices ISP inférieurs à 5. La fertilisation phosphatée permet d’améliorer, dans certains cas, le poids spécifique des grains et les teneurs en eau des grains à la récolte. Une meilleure compréhension des effets spécifiques des sites pourrait aider à formuler de meilleures recommandations pour les doses de phosphore dans la production du maïs.
Gilles Tremblay, agronome, Direction régionale de la Montérégie-Est, ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ)
Référence complète de l'étude : Parent, S-É, Dossou-Yovo, W. Ziadi, N., et al. Corn response to banded P fertilizers with or without manure application in Eastern Canada. Agronomy Journal. 2020; 1– 12. https://doi.org/10.1002/agj2.20115
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