Vu l’attrait de beaucoup de jeunes pour l’agriculture urbaine à Montréal comme ailleurs, il est intéressant aujourd’hui d’essayer de faire le point en regardant de plus près :
- De quel type d’agriculture s’agit-il ?
- Quelles technologies sont utilisées ?
- Quels sont les différents types de production ?
- Quels modèles d’affaires émergent ?
- Et quelles sont d’éventuelles évolutions dans un futur plus ou moins proche ?
Outre le retour des jardins communautaires, privés ou semi intensifs pour ce qui concerne la production maraichère de plein air, c’est surtout la production en milieu contrôlé (sous serre ou dans des containers bateau) qui attire de plus en plus les jeunes afin de produire de manière intensive toute l’année. Cette production, souvent organique et hydroponique, permet une utilisation très efficace de l’espace, le recyclage de l’eau et de la chaleur, une meilleure maitrise de la photosynthèse et une meilleure gestion des mauvaises herbes, insectes ou maladies. Elle nécessite aussi peu de main d’œuvre, et peut être automatisée, deux facteurs non négligeables en agriculture.
A petite échelle, l’agriculture urbaine permet aussi et surtout de s’installer avec moins de frais que l’agriculture traditionnelle où les terres sont maintenant hors de prix. Le système technique est assez facile à maitriser, surtout pour des néophytes, tout en étant très proche des acheteurs et consommateurs. Ce type d’agriculture projette une image ‘haute technologie’ tout en se voulant locale, organique et éthique. La fraicheur, le goût, la saveur et qualité gustatives des produits sont mis en avant avec des tests aveugles dans des restaurants.
Un autre aspect enthousiasmant pour les jeunes (et moins jeunes) est la possibilité de contribuer à une économie circulaire avec par exemple la production de champignons pleurotes sur drèches de brasserie ou sur mouture de cafés des bars et restaurants, ou la réutilisation des déchets des centres commerciaux par des compagnies innovantes comme Enterra en Colombie Britannique ou California Safe Soil.
Ces nouveaux modèles d’affaires des producteurs urbains ou péri urbains privilégient des alliances tout au long de la chaine de valeur avec d’autres producteurs et des supermarchés pour faire varier les plaisirs et gagner en économie d’échelle. Ils privilégient aussi les achats en ligne et livraison de paniers. Ce nouveau mode de distribution donne une expérience nouvelle au consommateur qui peut aussi visiter les installations. Pour le producteur cela permet d’être au contact direct avec les acheteurs et accéder à des grands centres de distribution et enseignes.
On connait la renommée des fermes Lufa qui récupèrent la chaleur, la pluie ou la neige pour produire des légumes sur des toits de bâtiments industriels. Le réseau de distributeurs et communauté de lufavores compte maintenant plus de 5000 abonnés. A l’autre bout de la filière on voit aussi poindre le modèle des fermes urbaines verticales tels que Urban Barns à Mirabel ou Skygreens à Singapour.
Des fermes similaires existent en Angleterre (Growup farms) comme aux États Unis (Farmedhere) où elles sont regroupées au sein d’une association de producteurs d’agriculture dite verticale qui associe aquaculture et hydroponique.
D’autres entreprises encore plus visionnaires comme le Cirque du Soleil, intègrent la production de légumes dans ses locaux, d’autres comme au Japon veulent intensifier et automatiser encore plus la production dans des usines agricoles, ou au sein de résidences pour personnes âgées (Homefarm Singapour).
A l’autre extrémité de l’échelle, il existe aussi des jeunes entrepreneurs qui produisent dans des containers de bateau comme la toute jeune compagnie Smartgreens à Cornwall qui a acheté son container tout équipé à la compagnie Freightfarms de Boston. Freight farms vend des containers bateaux tout équipés en matériel hydroponique et lumières LED pour de la production intensive verticale.
Plusieurs choses sont à retenir de ces développements.
Premièrement, l’agriculture urbaine forme ces jeunes aux nouveaux métiers de l’agriculture et favorise donc une relève agricole si nécessaire de nos jours. Ces jeunes doivent être encouragés car ils ont très peu de supports techniques et encore moins de supports financiers tout en étant dans un secteur très compétitif.
Deuxièmement, ces nouvelles entreprises créent des modèles d’affaires innovants. C’est bon signe quand les groupes de capitaux risques s’intéressent de près à ces derniers comme le démontre le programme Impact8 du centre MaRS de Toronto ou le site de financement Agritech en ligne d’Agfunder.
Troisièmement les supermarchés ne sont pas simplement ouverts aux nouveaux produits de ces compagnies, ils suivent aussi de près l’évolution des techniques de production et on peut imaginer une possible intégration verticale de ces systèmes de production dans leurs propres locaux commerciaux. Qui sait combien de temps cela va prendre pour que l’on voie des fermes hydroponiques sur les toits des supermarchés ou des champignonnières dans leurs sous-sols.
Les consommateurs aussi s’intéressent à ces technologies pour produire dans leurs propres domiciles. Nous verrons sans doute de plus en plus de demi sous-sols ou serres de terrasses avec des kits de production d’hiver et des objets connectés mesurant la température, la lumière et les besoins en eau et fertilisants. Certaines start-ups comme fluxiot se positionnent d’ores et déjà sur ce marché, en développant des applications et objet connectés pour jardins domestiques ou mini kits intérieurs.
Source : agritecture.com New “Flux” IoT product will connect hydroponic systems so they can grow better together
Pour le moment, quel que soit son essor et son dynamisme actuel, l’agriculture urbaine ne peut pas tout de suite assurer seule la sécurité alimentaire du futur. Nous avons encore besoin de terrains ruraux pour la production de fruits et céréales sans oublier la production d’œufs, porcs ou volaille.
En revanche, dans un futur plus éloigné, le développement de ce type de technologies contribuera sans doute à répondre aux défis alimentaires de notre planète et aidera certainement lors des voyages dans l’espace de plus en plus longs. Les technologies développées aujourd’hui et celles à venir auront certainement leur place lorsque nous serons sur Mars…
Bravo pour ce texte fort intéressant. Je me questionne sur les aspects de sécurité (salubrité des aliments surtout) lié à une idée de projet municipal dont j'ai entendu les objectifs et qui vise à faire de la production de légumes consommables dans un lieu public (un parc). Il me semble que des règles strictes (contrôle de salubrité) doivent être planifiés pour gérer les risques. Qu'en dites-vous?
RépondreBonjour Jean François Désolée du délai de ma réponse. C'est une très bonne question. Le MAPAQ spécifie bien les exigences en matière de salubrité (voir le lien ci dessous) pour des producteurs professionnels. J'imagine que dans ce cas ci il incombe aux autorités locales de vérifier leurs obligations ainsi que celles des jardiniers utilisateurs. J 'ìmagine au minimum des obligations en terme de controle de la qualité de l'eau et des analyses des sols et des règlements concernant l'utilisation d'engrais et de produits pesticides. http://www.inspection.gc.ca/aliments/information-pour-les-consommateurs/fiches-de-renseignements/produits-et-risques-specifiques/fruits-et-legumes/fra/1363562389536/1363562475361