Appellations réservées et termes valorisants : Redoubler d'effort
Publié le 04 avril 2019
Au cours des derniers mois, dans le cadre d’échanges avec divers entrepreneurs, producteurs agricoles, transformateurs alimentaires ou acteurs de la distribution, j’ai été maintes fois interpellé en lien avec les appellations réservées (AR) et autres termes valorisants (TV). Une question revient sans cesse. Combien de temps faut-il pour mettre en place une appellation réservée ? J’ai alors, assez souvent, vu combien ma réponse laissait perplexes mes interlocuteurs. Cela a fait germer, chez moi, quelques réflexions que je souhaite partager ici.
La première, et je la trouve très encourageante, est que le sujet percole lentement – devrais-je dire enfin ? – dans le paysage alimentaire québécois. C’est une bonne nouvelle. Il est manifeste que les réalisations des dernières années, le travail mené par le CARTV en particulier, commencent à porter des fruits.
Mes autres réflexions portent sur la compréhension qu’ont les acteurs de la sphère alimentaire de cette dynamique des signes de qualité (je préfère cette expression générique) que sont les AR et TV. J’ai très souvent regretté de voir combien la pédagogie autour de ces notions avait été déficiente. Je le redis ici ; rien n’a vraiment changé à cet égard. La dynamique ouverte par la loi sur les appellations réservées et les termes valorisants (LARTV) reste à expliquer, à vulgariser, au sens noble du terme.
Deux dimensions me semblent devoir être privilégiées. La première, la plus cruciale, est relative à la nature même d’un signe de qualité. Trop souvent ces notions apparaissent comme un but, un objectif à atteindre alors qu’elles ne sont qu’un moyen, un outil de travail. C’est pourquoi, et je l’ai répété à chacun de mes interlocuteurs, le travail ne s’arrête pas au jour où l’AR ou le TV sont acquis. Au contraire, ce jour-là, tout commence ! La question de la durée pour mettre en place une appellation réservée est donc très secondaire. Bien sûr, il est préférable que cela ne s’éternise pas, au risque de lasser et de faire déraper le projet, mais le temps à considérer ne se limite pas à la seule phase de définition du projet futur. Il faut intégrer, dès le premier jour, l’après obtention du signe de qualité.
Voici la seconde dimension. Comment entendons-nous, collectivement, gérer notre AR ou TV ? Comment allons-nous piloter notre outil de travail ? Comment allons-nous le faire vivre pour lui permettre de prendre son envol ? Les signes de qualité facilitent le développement de filières puissantes, encore faut-il y consacrer temps et énergie. C’est pourquoi réfléchir à un futur signe de qualité ne se limite pas aux seuls éléments du cahier des charges, c’est-à-dire les éléments techniques définissant le futur produit qui sera protégé par le signe de qualité. La gouvernance, pour employer un mot d’aujourd’hui, du futur organisme de gestion est à définir très tôt. Attendre l’obtention de notre signe de qualité pour commencer cette réflexion, c’est trop tard. L’obtention de notre AR, ou TV, n’est pas une condition suffisante pour que le projet soit une réussite. Il y faut l’implication de tous, et de manière permanente.
Jean-Michel Bordron
Consultant en stratégies bioalimentaires
jmbconseils.ca
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