Albert et Jean-Louis poursuivent leur discussion. Jean-Louis veut faire des essais de doses d’azote dans son maïs. Albert, son voisin producteur, fait de l’expérimentation sur sa ferme. Il l’a fait réfléchir sur la pertinence de réaliser un essai de doses d’azote sur sa ferme.
JEAN-LOUIS. – Veux-tu un autre café?
ALBERT. – Oui, merci.
JEAN-LOUIS. – Je pourrais peut-être essayer ça dans mes champs, les engrais verts. Tes essais, comment tu fais ça chez vous?
ALBERT. – C’est comme le reste. Il faut prendre le temps de bien planifier et de t’informer. Il faut être certain de travailler au bon niveau. Si l’état de tes sols n’est pas à son meilleur, ton temps va être plus rentable à faire un essai visant à l’améliorer, que le temps que tu pourrais passer à faire un essai de variétés de soya, par exemple.
JEAN-LOUIS. – Mais concrètement Albert, comment tu fais ça un essai agronomique sur ta ferme?
ALBERT. – Avant de commencer, assure-toi de tester sur ta ferme une technique qui a des chances de réussir. Les gouvernements ont déjà beaucoup investi d’argent dans la recherche en agriculture. Les meilleurs essais que tu peux faire, c’est de reprendre, sur ta ferme, des essais prometteurs faits dans des centres de recherche. Plus vite on utilise les résultats des centres de recherche, meilleur est le retour pour notre économie[1].
JEAN-LOUIS. – Ça, c’est sûr.
ALBERT. – Quand t’auras trouvé l’essai le plus prometteur pour ta ferme, ça te prend un champ uniforme. Tu veux être certain de tester la variable que t’as choisie et non la variabilité de ton champ. Et ça te prend des répétitions. C’est une question de statistique.
JEAN-LOUIS. – Des statistiques? Wow minute! C’est pas un centre de recherche chez nous!
ALBERT. – Veux-tu vraiment avoir la réponse à tes questions? Un essai, tu le fais bien ou tu ne le fais pas! Et puis, si tu prends le temps de bien planifier tes parcelles en fonction de la largeur de tes équipements, ça te prendra pas autant de temps que tu penses.
JEAN-LOUIS. – Mais des statistiques, franchement! C’est compliqué pour rien. Moi je coupe le champ en deux et je compte les boîtes!
ALBERT. – C’est une question de probabilité. Avec une bonne planification, tu vas pouvoir évaluer la probabilité que la différence que tu observes soit bel et bien due à ce que tu testes. T’es pas obligé de faire le calcul toi-même! Ton agronome peut t’aider avec ça. Il va te calculer une valeur de « p ». Dans ton champ du rang 7, si t’implantes du trèfle dans du blé cette année, l’année prochaine tu vas pouvoir évaluer l’effet sur ton rendement de maïs.
JEAN-LOUIS. – Ouin, j’suis pas certain de te suivre.
ALBERT. – Supposons que t’as un rendement de 9.5 tonnes à l’hectare dans le maïs qui vient l’année après le blé sans trèfle et 10.04 tonnes dans le maïs cultivé là où il y avait du trèfle dans le blé. Si le calcul statistique te donne p=0,04, ça veut dire qu’il y a seulement 4% des chances que la différence que tu as observée est due au hasard. On travaille avec le vivant. On ne peut jamais être certain. Mais on peut mettre les chances de notre bord.
JEAN-LOUIS. – Intéressant.
ALBERT. – La recherche à la ferme bien faite, c’est payant[2]. Chez nous, on garde chaque année des parcelles de champs pour faire des essais inspirés des centres de recherche. Mais il faut planifier ça à l’avance.
JEAN-LOUIS. – Ben tu m’donnes le goût mon Albert!
Un essai à la ferme, ça se planifie, ça se réfléchit à l’avance. Des guides ont été réalisés sur le sujet et sont d’importants outils à consulter pour tout producteur planifiant un essai à la ferme[3]. C’est une excellente chose que Jean-Louis amorce sa réflexion avant l’arrivée de la saison de croissance.
Lire le billet précédent Lire le billet suivant
[3] Exemples : le guide de SARE ci-dessus, le Guide pour la réalisation d’activités de recherche et développement à la ferme, publié par le CRAAQ, chapitre 11 du guide de référence en fertilisation. Planification et réalisation d’un essai de fertilisation azotée à la ferme