Rustique et polyvalent, le seigle protège et améliore le sol
Culture d’automne vigoureuse avec une bonne production de paille, le seigle est efficace en culture dérobée pour capter les surplus d’azote en fin de saison. Il peut ainsi succéder à une culture gourmande comme le maïs afin de « récupérer » l’azote résiduel.
Excellente culture de couverture, il absorbera les excès d’humidité et assurera la protection du sol contre l’érosion durant l’hiver et jusqu’au printemps. À cette fin, il peut être sursemé sur des cultures comme le chou, le maïs, le soya ou les pommes de terre, par exemple.
Dans la rotation, il peut aussi précéder le soya, des légumes, mais n’est pas recommandé avant le blé ou l’orge : des repousses spontanées de seigle, contenant éventuellement de l’ergot, risqueraient de contaminer la culture.
La paille épaisse et les racines fibreuses du seigle stabilisent le sol en hiver, ajoutent de la matière organique et améliorent l’aération et l’ameublissement du sol. Le seigle peut produire de 1,2 à 10 t/ha (de 1100 à 9000 lb/acre) de matière sèche en fonction de la fertilité du sol avec des quantités typiques allant de 3,4 à 4,5 t/ha (3000 à 4000 lb/acre). Si la culture est enfouie, elle fournira un apport considérable de matière organique au sol.
Un allié coriace contre les mauvaises herbes
Sa vigueur, son tallage rapide et son système racinaire fourni, associés à ses propriétés allélopathiques en font un allié précieux en agriculture biologique pour réprimer les mauvaises herbes, notamment au printemps où il va pousser rapidement. Cette vigueur pourra devenir un défi au moment d’enfouir ou de détruire la culture de couverture. Il faudra par exemple procéder à une fauche suivie d’un passage à la sous-soleuse et/ou au cultivateur. Une autre méthode, testée avec succès par plusieurs, consiste à aplatir le seigle au rouleau crêpeur. On obtiendra un paillis épais dans lequel, avec les bons équipements, on pourra procéder à un semis sans travail du sol.
Prévenir l'ergot L’ergot, maladie fongique qui infecte le seigle, est toxique pour les animaux et les humains. Sa prévalence semble plus toutefois forte en Europe qu’au Québec, où la fusariose reste la maladie à surveiller. Bruce Gélinas (MAPAQ) rappelle l’importance d’appliquer les mesures préventives : semer de bons peuplements de seigle, utiliser des semences certifiées exemptes d’ergot ou nettoyer les semences à la ferme; inspecter et dépister les champs; faucher les bordures de champs et abords des routes avant la floraison, surtout en présence de chiendent. Dans une rotation, on évitera de semer des plantes-hôtes de l’ergot (graminées fourragères, blé, orge…), avant ou après le seigle. On peut aussi séparer les grains récoltés sur les bordures de champs du reste de la récolte, car c’est souvent là que commence la contamination. Enfin, en cas de maladie, il faut enfouir la culture infestée en réalisant un labour profond et nettoyer la machinerie pour éviter de diffuser les contaminants. |
Marché : trouver sa niche
Avec 1 448 ha cultivés en 2018, le seigle biologique reste une culture de niche. Pour l’élevage, outre sa paille excellente en litière, le seigle montre de très bons résultats en particulier dans l’alimentation des porcs, et l’élevage biologique lui fait une plus grande place que le non biologique. Le marché de la semence est un autre débouché possible.
Les nouvelles variétés hybrides qui font parler d’elles par leurs forts rendements et leur meilleure résistance à l’ergot sont utilisables en gestion bio. Toutefois, ces hybrides n’ont pas les mêmes caractéristiques (protéines, taux de chute du grain, entre autres) que les autres variétés. Le choix de cultivar doit donc être pensé en fonction de l’utilisation finale du grain.
Le marché de l’alimentation humaine est encore assez restreint, malgré les propriétés intéressantes du seigle pour la santé. La Milanaise et Coop Agrobio sont parmi les quelques meuneries qui commercialisent le seigle bio. Si les indices de chute obtenus pour le seigle cultivé au Canada se révèlent souvent bas, ils sont considérés adéquats par des boulangers qui travaillent le seigle au levain, la meilleure technique de panification pour cette céréale.
Les brasseries et distilleries requièrent certaines qualités de grain. Ainsi, Vincent Van Horn (La Chaufferie), l’unique distillateur au Québec à préparer du gin à partir de grain québécois 100 % bio, choisit des variétés de seigle contenant plus d’amidon. Pour les petits acheteurs, les besoins de pesée et de conditionnement peuvent être un enjeu, d’après son expérience; c’est pourquoi il se fournit selon une entente directe avec un producteur qui peut lui livrer le grain selon ses spécifications.
Selon Guillaume Camirand (Coop Agrobio), il est primordial de discuter avec l’acheteur de ses besoins spécifiques bien à l’avance, car cela aura des répercussions sur le choix des cultivars, la rotation, etc. Produire sur la base de contrats est vraiment recommandé dans un si petit marché.
En conclusion, au-delà de ses grands avantages dans la rotation et pour les sols, le seigle biologique offre une marge de profit intéressante du fait des coûts de production plus bas que pour d'autres céréales. Les prix ont baissé depuis 2014, mais restent tout de même à une moyenne de 441 $/t en 2019.
Pour plus d’information : Guide de production biologique des grandes cultures, tomes 1 et 2, traduit par le CRAAQ (2019).
Ce texte a été publié originalement dans le magazine le Bulletin des agriculteurs en avril 2020.
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