Au Québec, il existe peu d’études de longue durée en cours de réalisation. L’une d’elle s’est amorcée en 2008 sur les terres du CÉROM, à Saint-Mathieu-de-Beloeil, en Montérégie. Dans une série d’articles de blogue, nous présentons les résultats obtenus au cours des dix premières années de l’essai, soit pour la période de 2008 à 2017. Dans le présent article, nous nous attarderons à l’effet de la fertilisation.
Saison 2008
En 2008, la majorité des parcelles étaient ensemencées en maïs-grain. Il est bien connu que cette culture est exigeante en éléments fertilisants, particulièrement en azote. Les rendements moyens obtenus avec de la fertilisation minérale (170 kg N/ha et 40 kg P2O5/ha) ont été de 12 245 kg/ha comparativement à 5 336 kg/ha sans aucune fertilisation. Le sol a donc contribué à un rendement équivalent à 44 % du rendement obtenu avec l’apport de fertilisants minéraux. Le maïs-grain était plus humide sans apport de fertilisants avec une teneur en eau de 23 % comparé à 21,6 % avec l’apport d’engrais. Les poids spécifiques des grains étaient significativement supérieurs avec l’apport de fertilisants comparativement à sans apport d’engrais avec des valeurs respectives de 70,08 et 64,90 kg/hl.
Saison 2009
Les rendements de maïs obtenus avec et sans engrais ont été respectivement de 11 287 et de 2 359 kg/ha. Le sol n’a donc apporté que l’équivalent de 21 % du rendement obtenu avec l’apport d’engrais, ce qui est deux fois moindre qu’en 2008. Les conditions générales de croissance, et les conditions météorologiques en particulier, n’ont pas été favorables pour une bonne minéralisation des éléments nutritifs du sol. À la récolte, le maïs-grain était beaucoup plus humide sans l’apport d’engrais (43,7 %) qu’avec l’apport d’engrais (28,5 %). Les poids spécifiques des grains étaient toutefois légèrement supérieurs pour les parcelles non fertilisées (62,15 kg/hl) que celles fertilisées (60,80 kg/hl). Les poids spécifiques des grains des parcelles fertilisées en 2009 ont été inférieurs de près de 10 kg/hl aux poids spécifiques des mêmes parcelles de 2008. Cet important écart est sans doute associé aux conditions de croissance moins favorables observées en 2009 comparativement à celles de 2008.
Saison 2010
En 2010, les parcelles de la rotation de trois ans étaient ensemencées en blé de printemps. Les parcelles fertilisées selon les recommandations du CRAAQ ont procuré, en moyenne, des rendements de 3 600 kg/ha et les parcelles non fertilisées, 2 409 kg/ha. La contribution du sol aux rendements est donc estimée à 67 % des rendements obtenus des parcelles fertilisées pour la rotation de trois ans.
Pour la monoculture de maïs-grain, les rendements moyens ont été de 12 850 kg/ha pour les parcelles fertilisées et de 4 662 kg/ha pour celles n’ayant reçues aucune fertilisation depuis trois ans. L’apport de la fertilisation minérale a donc permis d’aller chercher huit tonnes de plus à l’hectare. Le sol a donc contribué à l’équivalent de 36 % des rendements obtenus avec fertilisation. Cette contribution relative aux rendements est beaucoup moindre que les 67 % observés pour la culture du blé de printemps. Les grains de maïs étaient plus humides à la récolte et dotés de plus faibles poids spécifiques pour les parcelles sans apport de fertilisation minérale (23 % et 63,88 kg/hl) comparativement à celles fertilisées (20,2 % et 66,86 kg/hl).
Saison 2011
Les conditions météorologiques ont été plutôt médiocres pour la croissance du maïs-grain au cours de la saison 2011. Les rendements moyens étaient similaires pour les parcelles en rotation trois ans et celles en monoculture de maïs. Les rendements moyens des parcelles fertilisées ont été de 8 144 kg/ha comparativement à 4 150 kg/ha pour les parcelles n’ayant reçues aucune fertilisation depuis 2008. Il existait donc un écart de quatre tonnes/ha entre les rendements des parcelles fertilisées et celles non fertilisées. Cet écart est beaucoup moindre que celui observé l’année précédente, qui était de plus de huit tonnes/ha. La contribution relative du sol aux rendements vis-à-vis des parcelles fertilisées était donc de 51 % en 2011 comparativement à 36 % en 2010.
Saison 2012
Les années se suivent mais ne se ressemblent pas toujours. L’année 2012 fut une excellente année en grandes cultures, contrairement à l’année 2011. La rotation de trois ans comportait alors du soya. Les rendements obtenus des parcelles avec et sans fertilisation ont été respectivement de 3572 et de 3508 kg/ha. Le soya n’a pas répondu à l’arrière-effet de la fertilisation résiduelle apportée lors des années de maïs-grain et de blé.
Les rendements en maïs-grain avec l’apport de la fertilisation minérale ont été de 11 783 kg/ha comparativement à 7 240 kg/ha sans aucun apport. Cette contribution du sol sans aucun apport en fertilisants s’avère la plus importante au cours des cinq premières années depuis l’implantation de l’essai. De tels rendements sans aucun engrais laissent suggérer que les conditions de croissance observées en 2012 ont été favorables à une plus importante minéralisation du sol que lors des quatre années précédentes. Les rendements obtenus sans engrais représentent 61 % des rendements obtenus avec engrais en 2012. De plus, il n’y avait pas de différence entre les teneurs en eau et les poids spécifiques des grains avec et sans engrais avec des valeurs de 22 et de 21,9 % et de 67,20 et 66,61 kg/hl respectivement pour les parcelles avec et sans fertilisation.
Saison 2013
L’année 2013 constituait la dernière année de la rotation de trois ans et les parcelles étaient ensemencées en blé de printemps. Les rendements en grains ont été de 3 288 et de 2 518 kg/ha respectivement pour les parcelles fertilisées et non fertilisées. Le sol aurait donc apporté à lui seul l’équivalent de 77 % des rendements obtenus avec l’apport d’une fertilisation minérale.
Pour la monoculture de maïs-grain, les rendements obtenus avec et sans fertilisation ont été respectivement de 9 437 et 2 811 kg/ha. Les rendements obtenus sans fertilisation ne représentaient que 30 % des rendements mesurés avec l’apport d’une fertilisation. Sans apport d’engrais, les rendements en maïs-grain dépassaient d’à peine 300 kg/ha les rendements en blé sans engrais. En 2013, la contribution du sol aux rendements en maïs-grain a été beaucoup plus faible qu’en 2012.
Saison 2014
L’année 2014 fut une année éprouvante pour les producteurs de maïs-grain du Québec. Les conditions météorologiques de 2014 n’ont pas favorisé la croissance et le développement normal de cette culture et les rendements en ont été affectés. Toutes les parcelles de l’essai étaient ensemencées en maïs-grain. L’année 2014 constituait le début du troisième cycle de la rotation de trois ans.
Les rendements moyens du maïs-grain avec et sans fertilisation ont été respectivement de 8 126 et de 1 674 kg/ha. Le sol n’aurait donc contribué qu’à 21 % des rendements obtenus avec l’apport de la fertilisation minérale. Cette contribution du sol est identique à celle observée en 2009. Les rendements moyens obtenus en 2009 étaient toutefois de 11 287 kg/ha, soient trois tonnes/ha de plus que les rendements observés en 2014. Le maïs était humide à la récolte (de 28 à 35 % de teneur en eau) avec de faibles poids spécifiques des grains (moins de 62 kg/hl).
Saison 2015
La saison 2015 était la huitième saison consécutive en monoculture de maïs-grain. En contrepartie, il y avait du soya dans les parcelles de la rotation de trois ans. Les rendements de soya ont été excellents en 2015 dans le cadre de notre essai. Ils ont atteint 4 843 kg/ha pour les parcelles sans aucune fertilisation et 4 852 kg/ha pour les parcelles avec la fertilisation résiduelle des assolements blé et maïs-grain.
Pour sa part, le maïs-grain a procuré des rendements de 12 570 et de 4 878 kg/ha respectivement pour les parcelles fertilisées et non fertilisées. Les contributions moyennes du sol aux rendements en 2015 étaient donc trois fois supérieures à celles observées en 2014 (1 674 kg/ha). En 2015, le sol avait contribué à l’équivalent de 39 % des rendements obtenus avec de la fertilisation minérale. À la récolte, le maïs-grain fertilisé était plus sec (19,8 %) et doté d’un meilleur poids spécifique (69 kg/hl) que celui non-fertilisé (26,7 % et 64,34 kg/hl).
Saison 2016
En 2016, le blé suivait le soya dans la rotation de trois ans. Les rendements en blé de printemps ont été de 3 494 et de 3 791 kg/ha respectivement pour les parcelles non fertilisées et fertilisées. Le sol a donc contribué à l’équivalent de 92 % des rendements de blé observés des parcelles fertilisées.
Les rendements du maïs-grain en monoculture ont été de 10 688 kg/ha pour les parcelles fertilisées et de 3 441 kg/ha pour celles non fertilisées. Bien que les rendements du maïs non fertilisé (3 441 kg/ha) soient pratiquement les mêmes que les rendements du blé non fertilisé (3 494 kg/ha), la contribution relative du sol aux rendements n’était que de 32 % pour le maïs-grain. Le maïs non fertilisé était plus humide à la récolte (27,7 vs 22 %), mais était toutefois doté d’un poids spécifique moyen équivalent à celui du maïs fertilisé (67,82 contre 68,52 kg/hl).
Saison 2017
La saison 2017 représentait la dixième année de l’essai. La plupart des rotations était en assolement maïs-grain. Les rendements en maïs-grain des parcelles fertilisées et non fertilisées depuis dix ans ont été respectivement de 12 311 et de 4 890 kg/ha. Selon ces observations, le sol aurait contribué à 40 % du rendement obtenu avec de la fertilisation minérale. Les grains récoltés étaient plus humides sans fertilisation qu’avec fertilisation (30,1 contre 26,2 %) mais les poids spécifiques de ces derniers étaient toutefois similaires (64,83 et 64,60 kg/hl).
Sommaire de l’effet « fertilisation »
Selon les observations réalisées au cours des dix premières années de l’essai, la fertilisation minérale constitue un intrant fondamental en grandes cultures. L’azote constitue généralement l’élément le plus limitant à l’obtention de bons rendements en grandes cultures, hormis les légumineuses, bien sûr. Toutefois, l’importance de la fertilisation varie selon l’espèce ensemencée de même que l’utilisation ou non de la rotation de cultures. Bien entendu, les fluctuations annuelles des conditions météorologiques peuvent influencer fortement les rendements des cultures en favorisant ou non la contribution du sol par les processus de minéralisation de la matière organique.
Il est généralement admis que le soya réponde moins à la fertilisation que le blé ou le maïs-grain. Cette espèce est une légumineuse qui peut fixer l’azote de l’air et qui peut ainsi être moins dépendante à l’apport d’azote. En effet, au cours des trois années où le soya a été ensemencé dans la rotation de trois ans, les parcelles n’ayant reçu aucune fertilisation ont donné des rendements relatifs équivalents à 92, 98 et 100 % aux rendements obtenus dans les systèmes ayant reçus de la fertilisation minérale. On remarque une progression, bien qu’elle soit faible, à mesure de l’implantation des cycles de la rotation dans le temps.
Parlons maintenant de la réponse du blé à la fertilisation minérale. Les contributions du sol aux rendements en blé ont progressé de manière significative au fil de l’avancement des cycles de rotation. En effet, les contributions du sol aux rendements en blé de printemps ont progressé de 36 à 77, puis à 92 % des rendements obtenus avec l’utilisation de fertilisants minéraux. L’effet de l’implantation de la rotation de trois ans à trois cultures (maïs-soya-blé) semble avoir amélioré l’apport du sol à la culture de blé de printemps au fil des rotations. Le soya comme précédent cultural a probablement joué un effet positif sur les rendements du blé, lequel suivait dans la rotation.
Terminons notre analyse avec le maïs-grain, la culture la plus exigeante dans ce système. La fertilisation a eu des impacts majeurs sur les rendements de cette culture tout au long des dix années de l’essai. Les besoins en éléments nutritifs de cette culture, particulièrement l’azote, sont très importants. La fertilisation minérale (170 kg N/ha) a permis, en moyenne, d’augmenter les rendements en grains de 6 800 kg/ha. Les augmentations ont varié de 3 994 à 8 928 kg/ha selon l’année. Les contributions du sol à ces rendements ont aussi varié de 21 à 61 % selon les années, avec une moyenne de 38 % sur l’ensemble des dix ans. Nous n’avons toutefois remarqué aucune tendance au fil du temps. Les fluctuations observées de la contribution du sol aux rendements seraient, vraisemblablement, plus associées aux conditions météorologiques. En effet, les plus faibles contributions du sol aux rendements (21 %) sont associées aux années de culture 2009 et 2014, des années caractérisées par de mauvaises conditions météorologiques. La dose utilisée de 170 kg N/ha pour le maïs-grain dans cet essai était-elle suffisante? Cette dose a été déterminée comme la dose économique optimale dans d’autres essais menés au fil des années sur ce même site.
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