Certains signes doivent attirer l’attention au verger : des pommiers qui dépérissent, des rendements qui diminuent; ou encore, de plus en plus de roulières dans les allées, des flaques d'eau qui perdurent… La réponse se trouve peut-être dans le sol!
Qu’est-ce qui peut affaiblir la santé du sol en verger? On recense les causes suivantes : l’épuisement des nutriments (on évalue que de 5 à 10 t de minéraux sont exportés et 9 à 10 t d’humus est minéralisé – soit 60 t/ha en moins de 50 ans de vie d’un verger!); la perte de matière organique et des organismes vivants du sol; la compaction; des problèmes de drainage, localisés ou étendus; de l’érosion (due à la pente, ou au sol laissé à nu par le désherbage).
Or, c’est le sol qui supporte le bon développement des racines, qui elles-mêmes assurent plusieurs fonctions pour l’arbre. Ces dernières absorbent l’eau et les nutriments pour les transporter vers les organes aériens de l’arbre; elles accumulent des réserves d’amidon pour la reprise au printemps. De plus, elles assurent la production d’hormones (cytokines, ABA, GA) et l’ancrage de l’arbre. Comme de plus en plus de vergers sont plantés en arbres nains (porte-greffe moins vigoureux), leur système racinaire est moins profond, donc plus dépendant de la santé du sol, et plus sensible à la compétition avec les adventices.
La bonne nouvelle, c’est que cette santé du sol peut être évaluée, restaurée et améliorée notamment lors de la plantation ou du renouvellement d’une parcelle. L’amélioration de la santé du sol, c’est un investissement pour la rentabilité du verger à long terme!
Avant la préparation d’une parcelle, tout diagnostic du sol commence en sortant la pelle afin d’observer des profils, ensuite par des analyses du sol et des nématodes.
Le profil de sol, d’une profondeur de 1m à 1,20 m, réalisé au printemps ou à l’automne, permet détecter plusieurs informations essentielles : la présence de compaction, la qualité de la structure du sol, la présence de vie microbienne active, la qualité d'infiltration de l'eau, la vitalité des racines, etc. Elle va montrer également si la nappe phréatique est élevée. Selon la topographie, la nappe et l’état du sol, il peut s’avérer nécessaire d’intervenir par du drainage souterrain et/ou des aménagements de surface (fossés, voies d’eau engazonnées, etc.). Une bonne gestion de l’eau est particulièrement importante en verger - en particulier pour les pommiers greffés sur certains porte-greffes (comme MM106), qui sont plus sensible à la pourriture du collet, maladie qui est aggravée par un mauvais drainage.
Il est bon de planifier une amélioration de la parcelle sur au moins deux années avant la plantation. Cette opération peut inclure, selon les besoins identifiés : chaulage, amendements organiques, fumure de fond, et surtout deux saisons de cultures de couverture pour enrichir le sol. Des mélanges d’espèces sont maintenant recommandés pour cette étape (tableau 1) : ils combinent des plantes offrant divers avantages selon les objectifs poursuivis. Par exemple, certaines graminées fournissent une bonne biomasse et donc leur fauche ou leur enfouissement augmente la matière organique dans le sol; d’autres font une forte compétition aux mauvaises herbes. Le millet perlé a un effet nématicide. Des légumineuses à fort système racinaire comme la luzerne vont améliorer le sol, stimuler les mycorhizes tout en fournissant de l’azote.
Les cultures de couverture sont-elles aussi un moyen d’enrichir le sol dans les rangs directement? Cette pratique nécessite d’être mieux développée pour les vergers du Québec. Des projets d’essais sont en préparation à ce sujet.
Enfin, selon une revue d’études récente, les paillis de copeaux bois (ou paillis raméal), appliqués sur le rang, « se démarquent pour leurs effets bénéfiques plus significatifs, durables et constants sur la croissance des pommiers et sur plusieurs propriétés du sol, notamment dans les premières années » (Boyer, 2021). Ils sont efficaces pour réprimer les mauvaises herbes à court ou moyen terme (1 à 5 ans). Ils enrichissent de façon notable la teneur en matière organique et en certains nutriments du sol, y maintiennent l’humidité et diminuent les écarts de température. On doit cependant s’assurer de l’apport d’azote suffisant pour que la décomposition du paillis ne fasse pas concurrence aux racines. Comme les campagnols peuvent y trouver un abri, la pose de protections au pied des jeunes arbres est recommandée. Actuellement, le coût des paillis et la disponibilité de machinerie peuvent poser un obstacle à l’application du paillis de copeaux. Des solutions restent à trouver pour favoriser le recyclage des tailles et l’approvisionnement en copeaux dans les régions où sont implantées les vergers.
Pour aller plus loin : Guide technique L’implantation d’un verger de pommiers, 2e édition (volume 2, chapitre 4) et guide Diagnostic et drainage souterrain des terres agricoles, sur le site Web du CRAAQ.
Sur Agri-Réseau :
- Un sol ravigoté pour des pommiers en santé Présentations données par Odette Ménard et Évelyne Barriault, MAPAQ (2019);
- La préparation du terrain, un investissement, pas une dépense! Présentation par Caroline Turcotte, MAPAQ (2021) ;
- Revue de littérature sur les paillis organiques par Lauréline Boyer (2021);
- Gestion des sols de vergers et de vignobles, article du MAAARO.
Merci à Caroline Turcotte, agr., conseillère en horticulture fruitière (arbres fruitiers, vignes, fruits émergents) à la direction régionale de l’Estrie (MAPAQ), à Claudia Caouette et à Guillaume Breton (chargés de projet au CRAAQ) pour leurs suggestions dans la préparation de ce texte.
Lire le billet précédent
La santé des sols au verger : à vos pelles, prêts..?
Publié le 01 mars 2024
Barbara Vogt
Chargée de projets aux publications, CRAAQ
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