Pomme de terre, Avertissement No 12, 26 juillet 2024


Météo : températures généralement de saison et précipitations en fin de période. Développement de la culture : bonne croissance, intensification des récoltes de primeurs. Maladies : aucun cas de mildiou, conditions généralement moins favorables au champignon; progression plutôt graduelle de la brûlure hâtive, mais variable selon la parcelle et l’état des plants; évolution d’autres maladies dont la flétrissure verticillienne. Insectes : poursuite de l’activité du doryphore dans plusieurs régions; pression légère à élevée de la cicadelle de la pomme de terre, avec plus de dommages; autres insectes peu problématiques pour l’instant, mais en suivi. Projet de régie à moindres risques dans la pomme de terre.

 
CONDITIONS MÉTÉOROLOGIQUES

Pour la période du 19 au 25 juillet, les températures de jour se sont maintenues près des valeurs de saison, un peu moins par moments dans des secteurs du nord et de l’est de la province. Des nuits ont été parfois fraîches, dont celles du 21 et 22 juillet, avec un mercure descendant jusqu’à 4 ºC en Abitibi-Témiscamingue et 5 à 6 ºC dans le secteur de Portneuf (voir le sommaire agrométéorologique). Des précipitations, significatives par plusieurs endroits, sont survenues en fin de période, soit le 24 juillet (plus pour le secteur ouest) et le 25 juillet (plus pour le secteur est), avec des averses parfois orageuses et des cumuls dépassant les 50 mm pour des localités plus au centre de la province (voir la carte des précipitations cumulées au cours des sept derniers jours). Pour la période qui débute (26 juillet au 1 août), selon Environnement Canada, le temps sera ensoleillé et les températures à la hausse pour plusieurs journées, avec un mercure atteignant le 30 ºC dans plusieurs secteurs de la province. Des risques de précipitations à priori plutôt légères sont prévus seulement en fin de période.

 
DÉVELOPPEMENT DE LA CULTURE

En général, les champs pour la récolte d’entreposage présentent une belle croissance dans plusieurs régions, avec un bon remplissage des tubercules à la faveur de quelques nuits plus fraîches, un peu moins dans des secteurs où moins de précipitations ont été enregistrées (ex. : est de la province). Les précipitations survenues les 24 et/ou 25 juillet ont été les bienvenues, car les plants montraient des signes de stress à plusieurs endroits, avec le bas des plants qui fanait et un sol qui s’était asséché passablement, ayant même durci par endroits (voir photo). La pratique de l’irrigation se poursuit dans certains secteurs qui ont été moins arrosés naturellement afin de soutenir le développement des plants et en prévision de la période chaude et sèche à venir. Des collaborateurs de diverses régions rapportent à nouveau cette année des cas de nécroses foliaires, en particulier pour le cultivar 'Goldrush', en lien avec des polluants atmosphériques et/ou d'autres facteurs météo ou physiologiques (voir photo). Les cultivars hâtifs sont en sénescence dans plusieurs régions. Les récoltes de primeurs débutent ou s’intensifie dans les secteurs du sud et du centre de la province, en vert ou à la suite d’un défanage. On rapporte des rendements très intéressants, avec une belle qualité et un bon calibre des tubercules. Cette semaine, des collaborateurs signalent à nouveau un développement rapide de mauvaises herbes qui dépassent les plants de pomme de terre (graminées et feuilles larges) dans des allées de certains champs.
 
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Plants de pomme de terre en situation de stress hydrique
Photo : Yolaine Filion, dta (Groupe Pousse-Vert), 24 juillet 2024

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Nécroses foliaires dans le cultivar 'Goldrush'
Photo : Patrice Thibault, agr. (RLIO inc.), 23 juillet 2024



MALADIES

Aucun cas de mildiou de la pomme de terre n’a été rapporté ou confirmé au Québec depuis le début de la présente saison, autant dans la tomate que dans la pomme de terre. Les conditions ont été généralement moins favorables à la maladie au cours de la dernière période (hygrométrie et précipitations moins élevées que la période précédente), mais il y a eu des risques identifiés par le modèle prévisionnel MILÉOS par moments. Avec le temps chaud et plus sec dans les prévisions météo, les risques de sporulation devraient être plus limités, mais pas nuls, selon le secteur. On rappelle que même si des précipitations sont moins fréquentes ou importantes, des conditions d’humidité élevée (ex. : longue période de mouillure du feuillage, hygrométrie de l’air supérieure à 89 % la nuit sur une certaine période) peuvent favoriser le développement du champignon. Une protection régulière doit être maintenue en adaptant la fréquence d’application et le choix du produit selon les conditions météorologiques en cours et celles à venir. Le dépistage au champ doit se poursuivre partout par des visites régulières pour y détecter toutes traces possibles de la maladie, car des symptômes peuvent apparaitre jusqu’à 7 jours suivant une possible période d’infection. La sporulation du champignon est le plus souvent visible le matin. Une vigilance doit être maintenue jusqu’au défanage complet des cultures. À titre d'exemple, des symptômes de mildiou, datant de 2023, sont présentés dans les photos ci-dessous. Attention à ne pas confondre avec les symptômes de moisissure grise.

Si vous suspectez la présence du mildiou dans votre région, n’hésitez pas à communiquer avec votre conseiller agricole ou l’avertisseur du RAP Pomme de terre. Il est aussi possible pour les producteurs de soumettre un échantillon au Laboratoire d’expertise et de diagnostic en phytoprotection (LEDP) du MAPAQ pour une identification, sans frais.

Pour en savoir plus sur le mildiou, consultez la fiche Le mildiou, une maladie à surveiller.

Une liste des produits homologués pour le contrôle du mildiou est disponible sur le site Web de SAgE pesticides et/ou celui du Profil ontarien pour la protection des cultures.

Selon le site Web USA Blight (PlantAid), aucun nouveau cas de mildiou n’a été rapporté au cours de la dernière période en Amérique du Nord. Cependant, ce site n’est pas nécessairement utilisé par les intervenants ayant détecté la maladie (comme pour les quelques cas répertoriés en Ontario plus tôt en juillet dans la pomme de terre et la tomate, mais aussi plus récemment dans le Michigan, le 23 juillet dernier dans une parcelle en pomme de terre, avec la souche US-23 identifiée).

La progression de la brûlure hâtive varie selon le secteur et la parcelle (voir photo). Elle a évolué plutôt dans la normalité des choses. Elle est plus présente dans des champs de primeurs du sud, sur des plants en stress ou en phase de sénescence, mais aussi du centre et de l’est de la province, avec des observations de taches un peu plus souvent dans l’étage médian de plants. Attention : des taches nécrotiques peuvent être confondues avec celles de l’alternariose et seulement une analyse en laboratoire permet souvent de les distinguer.

Voici un résumé des observations recueillies de certains collaborateurs en province pour d’autres maladies d’intérêt :
  
  • Jambe noire : symptômes plus visibles à la suite de l’évasement des plants sous la chaleur et/ou la sénescence, avec une hausse ou une stabilité selon la parcelle. Plusieurs cultivars sont touchés, sans dommages majeurs.
  • Gale commune : présence rapportée sur les tubercules dans certaines régions, en légère hausse par endroits, mais avec de la variabilité selon la parcelle et le cultivar, généralement acceptable.
  • Flétrissure verticillienne : poursuite d’observations de symptômes chez des cultivars réputés plus sensibles dont 'Envol', 'Norland' et 'Goldrush', pour les plants plus stressés, avec une intensité pouvant réduire le rendement par endroits.
  • Virus : hausse ou stabilité des symptômes associés, pour plusieurs secteurs de la province. Les observations semblent démontrer que le virus Y (PVY) est plus en émergence depuis les dernières années. Une forte incidence de plants infectés peut mener à une baisse de rendement plus significative pour certains cultivars.
  • Dartrose : hausse des observations de la maladie pour des secteurs du sud et du centre de la province, avec un tout début plus à l’est, souvent pour des tiges infectées lors de l’évasement de plants de champs plus avancés physiologiquement ou en situation de stress (voir photo).
  • Moisissure grise : symptômes présents dans plusieurs parcelles plus végétatives (fonds des allées) mais avec moins d’évolution à la suite du temps plus sec, aussi parfois sous la forme de taches foliaires et à ne pas confondre avec du mildiou, entre autres (voir photo).
  • Moisissure blanche (pourriture sclérotique) : peu d’activité rapportée à travers la province.
 
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Exemple de taches de mildiou de la pomme de terre,
observées le 23 juillet 2023

Photo : Maxime Brière, technol. pro

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Exemple de taches de mildiou de la pomme de terre,
observées le 23 juillet 2023

À noter le mycélium blanchâtre sous le feuillage.
Photo : Maxime Brière, technol. pro

 
  
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Tache foliaire associée à la moisissure grise (dessus de la feuille)
Photo : Patrice Thibault, agr.
(RLIO inc.), 23 juillet 2024

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Tache foliaire associée à la moisissure grise (dessous de la feuille)
Photo : Patrice Thibault, agr.
(RLIO inc.), 23 juillet 2024

  

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Taches foliaires associées à la brûlure hâtive, cultivar 'Vivaldi'
Photo : Services-conseils Profiteausol, 23 juillet 2024

 
  
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Symptômes sur tiges associés à la dartrose, cultivar 'Norland'
Photo : Patrice Thibault, agr. (RLIO inc.), 23 juillet 2024

 
  
INSECTES

L’activité du doryphore de la pomme de terre demeure encore à surveiller. La présence de larves issues de la 1re génération d’adultes a nécessité une intervention plus localement, dans plusieurs régions de la province (ex. : Outaouais, Lanaudière, Capitale-Nationale, Gaspésie, etc.). C’est donc la poursuite d’une activité larvaire plus tardive que la normale cette année. Les adultes de la 2e génération sont de plus en plus présents par endroits, causant un début de défoliation en bordures de certains champs. Étant donné les populations qui varient grandement d’un champ à l’autre, un dépistage permet de déterminer si un contrôle est nécessaire ou non, selon la date du défanage prévu et la quantité de biomasse foliaire en présence. On rappelle que si une intervention est requise pour des individus de la 2e génération, il faut opter pour un produit de contrôle de groupe chimique différent de celui utilisé lors du contrôle de la 1re génération.
 
Un autre insecte à surveiller de près est la cicadelle de la pomme de terre (CPT). Selon le piégeage effectué par des collaborateurs, les captures demeurent encore élevées, dépassant par moments le seuil indicatif retenu (25 individus/piège/semaine), avec parfois plus de 100 individus/piège/semaine localement, autant dans le sud que dans le nord de la province. L’activité des nymphes est mentionnée dans plusieurs parcelles, mais avec une intensité bien variable. Des symptômes foliaires reliés à leur activité sont davantage rapportés, principalement en bordures de parcelles. En régie biologique, la pression de la CPT est présentement très élevée avec des symptômes foliaires prononcés par endroits. On rappelle qu’il ne faut pas seulement se fier au piégeage pour déterminer le besoin d’une intervention, mais aussi vérifier la présence de nymphes dans le champ. Plus d’information disponible sur ce bioagresseur en consultant ce bulletin d'information.

Voici un résumé des observations recueillies par les collaborateurs en province pour certains autres ravageurs d’intérêt. On rappelle que si un contrôle est nécessaire pour un ravageur, l’option d’un produit pouvant contrôler également d’autres insectes est à privilégier, au besoin :
  
  • Punaise terne : observations d’adultes naviguant dans des parcelles de plusieurs régions, avec des dommages de nutrition n’affectant pas la culture.
  • Pucerons : interventions en zones semencières qui se poursuivent, avec des populations encore généralement peu élevées. Cependant, présence plus généralisée en province mais encore faiblement, plus élevée en Gaspésie, pour des parcelles commerciales, avec un suivi en cours. Les pucerons peuvent causer des dommages en prélevant la sève des plants, mais ils sont surtout nuisibles pour la production de semences (transmission de virus).
  • Altise à tête rouge : baisse de son activité par endroits, à la suite du temps moins chaud et/ou d’une intervention. À surveiller dans les parcelles avec un historique selon les conditions météo plus chaudes et ensoleillées à venir.
  • Pyrale du maïs : peu d’impact rapporté sur la culture (Saguenay–Lac-Saint-Jean) malgré la présence de larves dans des parcelles.
  • Psylle de la pomme de terre : aucune capture réalisée dans le cadre des activités d’un piégeage réalisé en province et sous la supervision du MAPAQ.
 
  
PROJET DE RÉGIE À MOINDRES RISQUES DANS LA POMME DE TERRE

Afin de réduire les risques associés à l’utilisation des pesticides, un projet de démonstration de l’implantation d’une régie à moindres risques faisant appel à la gestion intégrée des ennemis des cultures (GIEC) a débuté en 2019. Ce projet a été récemment bonifié et se déroule à la ferme chez 11 producteurs dans les régions de Lanaudière, de la Montérégie, du Témiscamingue, de la Mauricie, du Centre-du-Québec, de la Capitale-Nationale (Portneuf et Île-d’Orléans), de Chaudière-Appalaches, de l'Outaouais et du Bas-Saint-Laurent. En 2024, le projet qui aura duré 6 ans, en sera à sa dernière année. Sous la supervision du Carrefour Industriel et Expérimental de Lanaudière (CIEL) et en collaboration avec les producteurs et conseillers de Clubs et du MAPAQ de chacune des régions participantes, des résultats significatifs ont été obtenus quant à la réduction de l’usage des pesticides les plus dommageables tels que le linuron, le chlorothalonil ou encore le mancozèbe. De même, il a été possible de diminuer le nombre d’applications, particulièrement contre la cicadelle, la brûlure hâtive ou encore le mildiou de la pomme de terre. Comme mentionné dans de précédents avertissements, une journée champêtre a été organisée le 11 juillet en Mauricie (Saint-Maurice). Le 21 août, ce sera au tour de la région du Témiscamingue. Le déroulement et le programme des rencontres ont été et seront diffusés par Les Producteurs de pomme de terre du Québec (PPTQ). Le bilan complet du projet sera communiqué au courant de l’automne 2024 et de l’hiver 2025. Pour plus d’information, communiquez avec Sébastien Martinez, agr., M. Sc. (s.martinez@ciel-cvp.ca).

 
Toute intervention envers un ennemi des cultures doit être précédée d’un dépistage et de l’analyse des différentes stratégies d’intervention applicables (prévention et bonnes pratiques, lutte biologique, physique et chimique). Le Réseau d’avertissements phytosanitaires (RAP) préconise la gestion intégrée des ennemis des cultures et la réduction des pesticides et de leurs risques. 


 
Cet avertissement a été rédigé par Patrice Thibault, agronome (RLIO). Pour des renseignements complémentaires, vous pouvez contacter l'avertisseur du sous-réseau Pomme de terre ou le secrétariat du RAP. Édition : Marianne St-Laurent, agronome, M. Sc. et Sophie Bélisle (MAPAQ). La reproduction de ce document ou de l’une de ses parties est autorisée à condition d'en mentionner la source. Toute utilisation à des fins commerciales ou publicitaires est cependant strictement interdite.