Grandes cultures, Avertissement No 15, 19 juillet 2024


Puceron du soya : intensifier le dépistage. Risque de pourriture à sclérotes en hausse dans certaines régions. VGOH : masses d'oeufs observées, c'est le temps de dépister; seuils et stratégies d'intervention. Cicadelle de la pomme de terre : luzerne et autres cultures à surveiller.

 
PUCERON DU SOYA : LE DÉPISTAGE DOIT S'INTENSIFIER DANS CERTAINS CHAMPS
 S. Mathieu1, J. Saguez2, B. Duval1, S. Boquel2 et M.-E. Cuerrier1
1. Agronome (MAPAQ); 2. Chercheur (CÉROM)

Pour la semaine débutant le 15 juillet, des pucerons du soya ont été observés dans la majorité des champs dépistés dans le cadre du RAP Grandes cultures, mais à des niveaux variables (0 à 540 pucerons par plants, voir tableau 1). Pour consulter les données par site, cliquez ici. Quelques champs situés en Montérégie-Est, dans le Centre-du-Québec et dans Lanaudière ont atteint le seuil d’alerte de 250 pucerons par plant, ce qui signifie qu’il est nécessaire d’intensifier le dépistage en visitant les champs aux 3 à 7 jours pour suivre l’évolution des populations. Le dépistage consiste à compter le nombre moyen de pucerons par plant sur au moins 20 plants, en notant l’abondance des ennemis naturels.
 
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Tableau 1 : Sommaire des populations de pucerons du soya pour 62 sites du réseau de surveillance pour la semaine du 15 juillet 2024



Présentement, le stade physiologique du soya varie du stade végétatif à R4. Cliquez ici pour accéder à un guide sur les stades du soya. À partir du début de la floraison (R1) et jusqu’au stade des premières graines (R5), le soya peut subir des pertes de rendement si les deux conditions suivantes sont rencontrées :
  
  • Le seuil d’alerte de 250 pucerons par plant est atteint;
  • La population de pucerons est en augmentation. 

Toutefois, l’atteinte du seuil d’alerte ne signifie pas qu’un traitement insecticide doit être appliqué immédiatement, mais plutôt qu’un dépistage plus soutenu est nécessaire (tous les 3 à 7 jours). Il est primordial de faire au moins deux dépistages avant de prendre la décision d’intervenir afin de s’assurer que la population de pucerons est en augmentation. La prise de décision quant à une intervention doit aussi tenir compte de la présence des ennemis naturels.

Puisque les populations sont variables d’une région à une autre et même d’un site à un autre, le dépistage doit être fait pour chacun des champs.
 
En plus du nombre de pucerons par plant, différents facteurs sont à considérer pour la prise de décision quant à un traitement insecticide, tels que l’état de santé et le stade d’avancement de la culture, la tolérance ou la résistance des variétés de soya utilisées, l’avènement de pluie soutenue délavant et réduisant le nombre de pucerons par plant.

Le schéma ci-dessous résume la stratégie d’intervention sous forme d’arbre décisionnel afin de déterminer si un traitement insecticide est nécessaire ou non.
 
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Arbre décisionnel pour savoir si un traitement insecticide est nécessaire ou non



Les ennemis naturels sont des alliés efficaces!
Dans plusieurs champs, des coccinelles, des larves de cécidomyie aphidiphage et de syrphes ont été observées. La chaleur et l’humidité devraient aussi favoriser le développement des champignons entomopathogènes.

Pour bien identifier les ennemis naturels, consultez le Carnet de champ du dépisteur du RAP Grandes cultures, la brochure Lutte intégrée contre le puceron du soya et la section « Description des ennemis naturels » du Guide d’identification des ravageurs des grandes cultures et des cultures fourragères et de leurs ennemis naturels et mesures de lutte applicables à l’Ouest canadien.

Les ennemis naturels sont généralement très efficaces pour contrôler les pucerons. Les pesticides pourraient causer la mort des ennemis naturels et provoquer une réinfestation du puceron du soya et d’autres ravageurs, comme le tétranyque à deux points.
 

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Quelques ennemis naturels du puceron du soya
Photos : J. Saguez (CÉROM)

 
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Larves de coccinelles prédatrices de pucerons
Photos : J. Saguez (CÉROM)



Pour consulter la liste des insecticides homologués contre le puceron du soya et leurs indices de risque, consultez SAgE pesticides.

Pour en savoir plus, consultez le bulletin d’information Stratégie d’intervention recommandée au Québec contre le puceron du soya. Vous pouvez aussi visionner la vidéo (4 minutes) Le dépistage du puceron du soya en cinq points.

 
RISQUES DE POURRITURE À SCLÉROTES EN AUGMENTATION SELON LES RÉGIONS
T. Copley1, M.-E. Cuerrier2 et S. Mathieu2
1. Chercheuse (CÉROM); 2. Agronome (MAPAQ)

Selon les modèles prévisionnels, le risque est relativement faible pour l’apparition des apothécies et l’infection du soya par la pourriture à sclérotes dans plusieurs régions et ce, jusqu’au 23 juillet 2024. Pour les régions qui ont reçu, dans les derniers jours, des quantités de pluie ayant permis d’humidifier le sol, le risque d’apparition d’apothécies peut augmenter. Les apothécies continuent à être observées dans certaines régions, notamment dans Chaudière-Appalaches, en Estrie, en Outaouais et dans les Laurentides, dans les champs dont les rangs sont fermés.

Les apothécies, champignons produisant les spores infectieuses de la pourriture à sclérotes, nécessitent des conditions fraîches (< 25 °C) et humides pour germer. Selon les modèles prévisionnels, les températures maximales supérieures à 25 °C et une vitesse de vent supérieure à 10 km/h contribuent à assécher la surface du sol pour les champs dont les rangs ne sont pas encore fermés, réduisant les risques d’apparition des apothécies. Lorsque les rangs se ferment, le sol reste humide, ce qui augmente le risque d’apparition des apothécies.

Selon les modèles prévisionnels, les risques d’apparition d’apothécies sont présentement élevés pour les secteurs suivants : Saint-Éphrem-de-Beauce, Beauceville, Saint-Prosper et East-Broughton en Chaudière-Appalaches; Victoriaville et Saint-Christophe-d’Arthabaska au Centre-du-Québec; La Pêche et Saint-André-Avellin en Outaouais; Frelighsburg en Montérégie-Est; et les secteurs de Mont-Tremblant et de Papineau-Labelle dans les Laurentides. Les secteurs Lawrenceville (Estrie), Brownsburg-Chatham (Laurentides), et de Mont-Saint-Hilaire et Saint-Bruno-de-Montarville sont à risque modéré. Si les rangs sont fermés dans ces derniers secteurs, le risque peut être élevé. Selon les modèles prévisionnels, les autres secteurs et régions sont à faible risque, et ce jusqu'au 23 juillet, en raison des températures chaudes prévues cette semaine.

Les modèles prévisionnels utilisent uniquement des facteurs météorologiques pour prédire la présence d’apothécies. Les prédictions sont faites jusqu’à cinq jours en avance et peuvent varier en fonction des conditions météorologiques réelles. La consultation des avertissements du RAP, publiés deux fois par semaine pendant la période à risque d’infection, aidera à mieux évaluer l’évolution de la situation et le niveau de risque.

Une évaluation de l’état du champ et des pratiques agricoles aidera à préciser le niveau de risque du champ et la pertinence d’utiliser un fongicide. Les facteurs suivants contribuent à augmenter le niveau de risque d’un champ :
  
  • Un historique de la maladie;
  • L’utilisation d’un cultivar sensible ou sans cote de résistance;
  • Un écartement de rang étroit (7 pouces ou rangs jumelés);
  • Des rangs fermés à plus de 60 %;
  • Un taux de semis élevé et un sol fertile (ex. : utilisation de lisier ou de fumier, un sol riche en matière organique).

Généralement, un champ sans historique de la maladie est à faible risque.

Si un fongicide est envisagé, il est important de respecter les étiquettes et les délais avant la pluie pour maximiser l'efficacité. Pour plus d'information concernant les fongicides homologués pour la pourriture à sclérotes, leur efficacité et leurs indices de risque, vous pouvez vous référer à l'avertissement N° 11 du 7 juillet 2023 et au tableau Principaux fongicides foliaires homologués contre la pourriture à sclérotes dans la culture du soya.

Pour de plus amples informations concernant la maladie, vous pouvez vous référer à la fiche technique La pourriture à sclérotes chez le soya et l’avertissement N°11 du 5 juillet 2024. Pour de plus amples informations concernant le cycle de vie de la pourriture à sclérotes et les stratégies d’intervention, référez-vous à l’affiche sur la pourriture à sclérotes du soya du CÉROM.

*L'information tirée des modèles prévisionnels ne tient pas compte du stade de développement de la culture. Il appartient au producteur ou au conseiller d'évaluer si la culture est à un stade propice pour l'infection, soit entre les stades R1 et R3. L’utilisation d’un modèle pour la prévision des risques de l’infection d’un champ est un outil d’aide à la décision, mais ne peut se substituer au jugement du producteur ou du conseiller. Le RAP Grandes cultures et le CÉROM ne peuvent être tenus responsables de tout dommage de quelque nature que ce soit.
 
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Apothécies de Sclerotinia sclerotiorum qui ont germé à partir d'un sclérote

Photo : Tanya Copley (CÉROM)

 
 
VER-GRIS OCCIDENTAL DU HARICOT (VGOH) : MASSES D’ŒUFS OBSERVÉES, C’EST LE TEMPS DE LES DÉPISTER, SEUILS ET STRATÉGIES D’INTERVENTION
J. Saguez1, B. Duval2, V. Samson2
1. Chercheur (CÉROM); 2. Agronome (MAPAQ)

Des masses d’œufs de VGOH ont été observées dans plusieurs champs de maïs en Outaouais, en Montérégie-Ouest et en Mauricie. Les panicules commencent à sortir dans la plupart des régions et le maïs devient vulnérable. Il est donc important de commencer à dépister les masses d’œufs de VGOH dans les champs à risque, notamment ceux qui ne bénéficient pas d’une protection avec la technologie Bt Viptera.

Dépistage
Le dépistage d’un champ consiste à observer 100 plants répartis en 10 stations (10 plants par station). Le dépistage doit être réalisé pendant la période de vol des papillons, soit à partir de maintenant pour plusieurs régions, et ce jusqu’à la mi-août, à raison d’un dépistage tous les 5 à 7 jours. Le dépistage permet de savoir si le seuil économique d’intervention est atteint. Au Québec, le seuil utilisé est le même qu’aux États-Unis et en Ontario, soit un seuil cumulatif de 5 % de plants présentant des masses d’œufs.

Le seuil cumulatif signifie que l’on additionne les pourcentages de plants infestés à chaque dépistage. Par exemple, si lors du premier dépistage on observe 3 masses d’œufs, on atteint 3 % de plants infestés et si la semaine suivante on observe 3 autres masses d’œufs, on obtient un seuil cumulatif de 6 %. Dans cet exemple, le seuil d’intervention est atteint.

Au cours des dernières années, peu de champs suivis par le RAP Grandes cultures ont atteint ce seuil d’intervention.

Stratégies d’intervention
Avant d’intervenir contre le VGOH, il faut tenir compte de la présence des ennemis naturels qui s’alimentent des masses d’œufs et des jeunes larves. Aux États-Unis, si les ennemis naturels sont abondants, le seuil économique d’intervention recommandé est de 8 % de plants infestés.

Une intervention avec un insecticide peut être envisagée lorsque le seuil économique d’intervention est atteint, mais il peut nuire aux ennemis naturels. De plus, la fenêtre d’intervention est courte puisque les larves se dirigent rapidement dans les épis après l’éclosion des œufs. Pour connaître la liste des pesticides homologués contre le VGOH, consultez SAgE pesticides.

La seule technologie Bt qui est efficace contre le VGOH est la technologie Bt Viptera. Toutes les autres protéines insecticides qui visent les autres espèces de papillons ravageurs et les chrysomèles des racines du maïs sont inefficaces contre le VGOH. Si vous souhaitez savoir si votre maïs est protégé contre le VGOH, consultez la liste des technologies disponibles au Canada.

Un dépistage des masses d’œufs en 2024 vous permettra d’intervenir rapidement au besoin, mais aussi de déterminer si des mesures de prévention doivent être planifiées pour 2025.

Pour en savoir plus sur le dépistage du VGOH et les stratégies d’intervention :
  
  • Fiche technique Ver-gris occidental des haricots dans le maïs (grain et ensilage)
  • Vidéo Le ver-gris occidental des haricots : biologie, dépistage et stratégies d’intervention
 
 
CICADELLE DE LA POMME DE TERRE : CONTINUEZ DE SURVEILLER LA LUZERNE, MAIS AUSSI D’AUTRES CULTURES POUR SAVOIR SI UNE INTERVENTION EST NÉCESSAIRE
J. Saguez1, B. Duval2, V. Samson2, N. Hallé2
1. Chercheur (CÉROM); 2. Agronome (MAPAQ)

Les cicadelles de la pomme de terre sont encore bien présentes dans quelques luzernières situées en Estrie, au Témiscamingue, en Mauricie, en Outaouais et en Montérégie. Cet insecte très polyphage peut se nourrir sur plus de 200 espèces végétales, parmi la luzerne, le haricot, le soya, le trèfle, la pomme de terre, de même que plusieurs cultures horticoles, maraîchères et fruitières et certaines mauvaises herbes.

Dans les luzernières, les cicadelles peuvent causer un jaunissement et un desséchement des plants. Une intervention est possible selon les conditions de stress de la luzerne, la taille des plants et le nombre de cicadelles dépistées par filet fauchoir (voir l'avertissement N° 9 du 28 juin 2024). Avant d’envisager effectuer une application d’insecticide, déterminez si la culture a atteint une taille suffisante pour être fauchée. Si les plants ne sont pas assez développés pour la fauche, un traitement insecticide peut être considéré.

Les cicadelles peuvent se déplacer d’une culture à une autre, notamment à la suite de la fauche des luzernières. Elles ont été observées notamment dans du haricot et du soya. Il convient de documenter la situation pour déterminer si une intervention doit être effectuée.

On peut retrouver les cicadelles dans les haricots secs plus particulièrement lors de périodes sèches. Si des dommages sont observés (jaunissement ou brunissement de l’extrémité des feuilles de haricot), le mal est déjà fait. Au Québec il n’y a pas de seuil économique d’intervention pour les haricots et le soya. Aux États-Unis et en Ontario, les seuils d’intervention varient selon la méthode de dépistage et le stade de développement de la culture.

Dans le cadre de la gestion intégrée des ennemis des cultures, l’application d’un insecticide est la dernière méthode à envisager. Pour connaître quels produits sont homologués pour chaque culture, consultez SAgE pesticides.

  
Toute intervention envers un ennemi des cultures doit être précédée d’un dépistage et de l’analyse des différentes stratégies d’intervention applicables (prévention et bonnes pratiques, lutte biologique, physique et chimique). Le Réseau d’avertissements phytosanitaires (RAP) préconise la gestion intégrée des ennemis des cultures et la réduction des pesticides et de leurs risques.



 

Pour des renseignements complémentaires, vous pouvez contacter l’avertisseure du sous-réseau Grandes cultures ou le secrétariat du RAP. Édition : Marianne St-Laurent, agr., M. Sc. et Sophie Bélisle (MAPAQ). La reproduction de ce document ou de l’une de ses parties est autorisée à condition d'en mentionner la source. Toute utilisation à des fins commerciales ou publicitaires est cependant strictement interdite.