Pomme de terre, Avertissement No 10, 12 juillet 2024


Météo : températures généralement chaudes et précipitations copieuses par endroits. Développement de la culture : bonne croissance soutenue. Maladies : aucun cas de mildiou, mais risques bien présents au Québec et cas en Ontario, progression plutôt graduelle de la brûlure hâtive et aussi d’autres pathogènes. Insectes : maintien de la pression du doryphore et de la cicadelle de la pomme de terre, légère hausse d’activité d’autres insectes. Mauvaises herbes : populations localement élevées de certaines espèces d'adventives.

 
CONDITIONS MÉTÉOROLOGIQUES

Pour la période du 5 au 11 juillet, le temps chaud a surtout dominé à travers la province, avec un mercure atteignant la barre du 30 °C du 7 au 9 juillet dans des secteurs du sud (ex. : Montérégie, Lanaudière), mais aussi plus au nord (ex. : Lac-Saint-Jean). Quelques journées ont été plus fraîches par moments, dont les 6 et/ou 11 juillet, dans le centre et l’est. Les nuits ont été douces à chaudes un peu partout (voir le sommaire agrométéorologique). Des précipitations fort significatives ont été enregistrées dans des secteurs plus au sud de la province, comme en Montérégie et dans Lanaudière le 6 et surtout les 10 et/ou 11 juillet lors du passage des vestiges de la tempête Beryl. Les cumuls ont donc été à nouveau bien variables en province (voir la carte des précipitations cumulées au cours des sept derniers jours). Pour la période qui débute (12 au 18 juillet), Environnement Canada prévoit la poursuite de températures généralement chaudes et estivales, plus élevées dans le secteur sud de la province, avec des risques de précipitations en début de période, mais plus élevés vers la fin, sous la forme d’averses ou de possibles orages.

 
DÉVELOPPEMENT DE LA CULTURE

Le temps chaud et humide, agrémenté de précipitations au bon moment par endroits, a permis la poursuite d’une croissance active de la culture. La pousse végétative est belle pour des parcelles destinées à l’entreposage, avec une floraison qui se maintient et des entre-rangs qui se ferment de plus en plus en province. Le cultivar 'Goldrush' fleurit peu cette année, mais conserve une croissance soutenue. Une tubérisation intéressante est rapportée, parfois même en continu (production constante de tubercules) pour certains cultivars. Pour des champs de primeurs, la progression est aussi très bonne avec des plants qui maturent bien. Les rendements s’annoncent intéressants. Des fissures de croissance commencent à être rapportées pour des cultivars comme 'Norland' et 'Atlantic', à la suite d’une poussée de croissance en sol soudainement bien humide (voir photo). Des nécroses foliaires sont apparues à la suite d’une application d’engrais granulaires sur un feuillage humide (ex. : Gaspésie, Capitale-Nationale). La pratique de l’irrigation est suspendue depuis le tout début de la période, sauf plus à l’est, et n’a toujours pas été nécessaire depuis le début de la saison par endroits. Les chantiers de renchaussage se poursuivent dans quelques régions, à nouveau parfois retardés par des sols trop humides. Le tableau ci-dessous présente le stade de développement de la primeur dans différentes régions de la province.

 
État d'avancement de la culture de primeur pour des producteurs types selon les collaborateurs du RAP (en date du 10 juillet 2024)
 
Régions Stade de la culture (primeur)
Montérégie-Est et Montérégie-Ouest Postfloraison à maturation
Tubercules : ND
Outaouais Fin floraison
Tubercules : 4-6 cm
Prévision récolte : 25 juillet
Lanaudière et Laurentides Postfloraison à maturation
Tubercules : 6-10 cm
Prévision récolte : 15-21 juillet
Centre-du-Québec et Mauricie Fin floraison à postfloraison
Tubercules : 4-9 cm
Capitale-Nationale et Chaudière-Appalaches Fin floraison à postfloraison
Tubercules : 4-8 cm
Gaspésie, Bas-Saint-Laurent, Saguenay–Lac-Saint-Jean et Abitibi-Témiscamingue Floraison
Tubercules : 3-5 cm
Note : le tableau ci-dessus indique les stades les plus avancés (pour la primeur) selon l'information reçue des collaborateurs. Selon votre emplacement, les stades atteints peuvent différer et être plus ou moins avancés. La prévision des récoltes est pour des volumes soutenus.
ND = données non disponibles

 
Image Agri-Réseau

Fissure de croissance sur des tubercules de pomme de terre de cultivars différents
Photo : Maxime Brière, technol. prof., 10 juillet 2024

Image Agri-Réseau

Fissure de croissance sur des tubercules de pomme de terre de cultivars différents
Photo : Maxime Brière, technol. prof., 10 juillet 2024

 

MALADIES

Aucun cas de mildiou de la pomme de terre n’a été rapporté ou confirmé au Québec depuis le début de la présente saison. Cependant, quelques cas dans la tomate et la pomme de terre ont été rapportés récemment en Ontario, avec la souche US-23 identifiée dans un cas, soit la souche sensible au métalaxyl-M ou méfénoxam (ex. : RIDOMIL GOLD). Cette souche est reconnue comme étant plus agressive sur la tomate que sur la pomme de terre, mais ce génotype peut s’attaquer à ces deux cultures sans discernement en cas de plus forte pression.

Des conditions favorables au mildiou sont présentes en plusieurs endroits de la province (et confirmées par MILÉOS), spécialement pour des secteurs plus au sud (hygrométrie souvent élevée, même sans précipitations). Le passage d’orages en provenance d’une zone à risque peut favoriser la dispersion de spores. La croissance des plants est active et du nouveau feuillage se développe rapidement, ce qui demande une protection complète et constante de la culture. Il ne faut pas hésiter à utiliser un produit pénétrant, particulièrement dans les secteurs où du mildiou a été identifié en 2023, si nécessaire. Selon le produit utilisé, une période de séchage ou pour permettre sa pénétration dans le feuillage avant une pluie est nécessaire pour maximiser son efficacité. Cette période peut varier de quelques minutes à plusieurs heures (contacter un conseiller à ce sujet).

Le dépistage au champ devrait s’intensifier avec la saison qui avance et les risques de la maladie qui augmentent. Des visites régulières dans les champs demeurent le moyen le plus efficace pour détecter la présence du champignon. La découverte hâtive d’un possible inoculum primaire de la maladie est importante pour optimiser son contrôle et empêcher sa dissémination à plus grande échelle. Également, la gestion des volontaires, qui sont plus présents et plus développés par endroits, doit se poursuivre. 

Si vous observez des taches suspectes, il ne faut pas hésiter à contacter votre conseiller, au besoin, pour vérification, afin de bien identifier si du mildiou est présent ou non, car d’autres symptômes peuvent y ressembler. D’ailleurs, dans la dernière semaine, des intervenants ont soumis des photos et/ou des cas suspects au Laboratoire d'expertise et de diagnostic en phytoprotection (LEDP) qui se sont avérés négatifs.

Pour en savoir plus sur le mildiou, consultez la fiche Le mildiou, une maladie à surveiller.

Une liste des produits homologués pour le contrôle du mildiou est disponible sur le site Web de SAgE pesticides et/ou celui du Profil ontarien pour la protection des cultures.

Selon le site Web USA Blight (PlantAid), aucun nouveau cas de mildiou n’a été rapporté au cours de la dernière période en Amérique du Nord, ce qui limite le nombre à 2 depuis le début de l’année. Cependant, on rappelle que ce site n’est pas utilisé nécessairement par les intervenants ayant détecté la maladie.

Les symptômes reliés à l’activité de la brûlure hâtive (ou tache alternarienne) ont continué à progresser dans des secteurs du sud de la province, principalement pour des cultivars plus hâtifs qui ont débuté, pour la plupart, leur phase de sénescence ou de maturation (ex. : 'Vivaldi', 'Eramosa', 'Envol'). Les infections ont atteint localement l’étage médian de plants, mais sans excès. Ailleurs en province, les collaborateurs rapportent un tout début d’activité dans des secteurs du centre, avec une faible présence de taches sur l’étage du bas de plants. Une intervention avec un produit plus spécifique contre cette maladie serait le plus souvent nécessaire dès l’observation d’un premier symptôme dans l’étage médian des plants.

Concernant les autres maladies d’intérêt, les collaborateurs rapportent de l’activité, mais présentement sans trop de nuisibilité à la culture : 
 
  • Jambe noire : hausse de symptômes, principalement à la base de tiges, dans plusieurs secteurs de la province, mais à un niveau présentement acceptable.
  • Gale commune : d’autres cas rapportés sur des tubercules dans quelques champs en cultivar de type rond (ex. : 'Envol'), avec une intensité bien variable. Il se peut que des symptômes de la gale soient confondus avec un désordre physiologique ou abiotique.
  • Flétrissure verticillienne : hausse de symptômes associés au champignon dans des parcelles de certains cultivars implantés plus tôt en saison, dont pour 'Envol', avec un historique souvent connu.
  • Virus : plus de plants virosés observés que la semaine dernière, et ce, pour plusieurs cultivars, principalement dans des secteurs du centre de la province, avec une incidence parfois notable par endroits.
  • Dartrose : quelques nouveaux symptômes associés à la maladie, mais localement et limités seulement au secteur de Lanaudière présentement.
  • Moisissure grise : présence du champignon dans le fond des allées de champs plus végétatifs, avec de l’humidité en quasi-permanence, sans impact présentement (voir photo).
 
Image Agri-Réseau

Moisissure grise, avec sporulation, sur du plus vieux feuillage d’un plant de pomme de terre

Photo : Patrice Thibault, agr. (RLIO inc.), 9 juillet 2024

 

INSECTES

Pour des secteurs du sud et du centre de la province, on rapporte l’apparition d’une deuxième vague de larves du doryphore de la pomme de terre à contrôler, même si parfois leur présence est limitée à des sections de champs. Plus à l’est, un premier contrôle a été nécessaire récemment ou le sera sous peu. Un feuillage luxuriant permet à des plants de se refaire si les doryphores ont été trop agressifs ou la pluie a retardé un traitement. On ne signale pas encore d’activité des adultes estivaux (nouvelle génération). On rapporte une bonne efficacité des interventions foliaires, meilleure si le bon produit a été utilisé au bon moment et dans de bonnes conditions météo. Par endroits, des doryphores sont actifs dans des parcelles en rotation, par exemple où pousse de la morelle (voir photo).
 
Image Agri-Réseau

Larves du doryphore actives sur un plant de morelle (mauvaise herbe) dans une parcelle en rotation
À noter que la morelle est aussi un hôte pour le mildiou de la pomme de terre.

Photo : Patrice Thibault, agr. (RLIO inc.), 9 juillet 2024



L’activité de la cicadelle de la pomme de terre (CPT) varie de faible à élevée selon la région, mais aussi selon la parcelle à l’intérieur même d’une région. La pression de ce bioagresseur est donc plus élevée que les dernières saisons. La pose de pièges collants englués demeure un outil de suivi nécessaire pour déterminer le besoin ou non d’une intervention. Des collaborateurs rapportent à nouveau cette semaine des captures importantes localement, soit de 50 à 150 individus/piège/semaine, ce qui dépasse largement le seuil indicatif de 25 individus/piège/semaine. Cela vaut pour des parcelles avec AUCUN insecticide appliqué lors du semis. Les décomptes sont beaucoup moins élevés quand un insecticide a été mis au semis, ils sont le plus souvent sous le seuil fixé, mais avec une tendance à la hausse par endroits. On rappelle qu’il ne faut pas seulement se fier aux captures de la CPT sur les pièges, mais compléter le dépistage en vérifiant la présence de nymphes sous le feuillage des plants, principalement celui de l’étage central. Plus d’informations sur ce bioagresseur sont disponibles en consultant ce bulletin d'information. 

Pour les autres ravageurs d’intérêt, quelques-uns sont plus actifs que la semaine dernière, mais de manière encore plutôt localisée. On peut mentionner :
  • Punaise terne : retour des adultes par endroits, mais avec seulement quelques dommages de nutrition présentement (ex. : Capitale-Nationale) (voir photo).
  • Pucerons : encore peu d'activité rapportée en province pour des parcelles en régie de production commerciale. Des formes ailées présentes sur des plants, mais sans vraiment de colonisation.
  • Altise à tête rouge : présence localisée, mais avec des dommages foliaires à la hausse, principalement en bordure de champs, nécessitant parfois un contrôle (ex. : Lanaudière).
 
Image Agri-Réseau
Dommages foliaires sur de jeunes folioles (flétrissement) associés à une activité de la punaise terne

Photo : Patrice Thibault, agr. (RLIO inc.), 9 juillet 2024

 

MAUVAISES HERBES

Des populations localement élevées de certaines espèces d’adventives, dont le chénopode, sont rapportées dans des parcelles en pomme de terre. Il est toujours temps de vérifier si un développement de résistance aux herbicides en serait la cause en soumettant des échantillons au LEDP. Voir la procédure dans l'avertissement N° 8 du 28 juin 2024, section « Gestion des mauvaises herbes ».

 
Toute intervention envers un ennemi des cultures doit être précédée d’un dépistage et de l’analyse des différentes stratégies d’intervention applicables (prévention et bonnes pratiques, lutte biologique, physique et chimique). Le Réseau d’avertissements phytosanitaires (RAP) préconise la gestion intégrée des ennemis des cultures et la réduction des pesticides et de leurs risques. 



Cet avertissement a été rédigé par Patrice Thibault, agronome (RLIO). Pour des renseignements complémentaires, vous pouvez contacter l'avertisseur du sous-réseau Pomme de terre ou le secrétariat du RAP. Édition : Marianne St-Laurent, agronome, M. Sc. et Cindy Ouellet (MAPAQ). La reproduction de ce document ou de l’une de ses parties est autorisée à condition d'en mentionner la source. Toute utilisation à des fins commerciales ou publicitaires est cependant strictement interdite.