Plusieurs nouveaux cas de ver-gris moissonneur dans les régions de Charlevoix et du Bas-Saint-Laurent. Certains champs de blé de printemps bientôt au stade sensible à l'infection par la fusariose de l'épi : risque moyen d'infection sur les cartes interactives : intervenir ou non?
PLUSIEURS NOUVEAUX CAS DE VER-GRIS MOISSONNEUR DANS LA RÉGION DE CHARLEVOIX
Sarah Brousseau-Trudel, agr. (MAPAQ) et Isabelle Fréchette, agr. (CÉROM)
Sarah Brousseau-Trudel, agr. (MAPAQ) et Isabelle Fréchette, agr. (CÉROM)
La présence du ver-gris moissonneur été confirmée par le Laboratoire d’expertise et de diagnostic en phytoprotection du MAPAQ à partir d'échantillons prélevés dans les secteurs de Baie-Saint-Paul, Notre-Dame-des-Monts et Saint-Hilarion. Des dommages causés par cette espèce ont également été observés à la Malbaie. Les deux premiers cas dans ce secteur ont été constatés le 23 juin 2020. En date d’aujourd’hui, 14 cas de vers gris ont été répertoriés dans Charlevoix, l'identification à l'espèce a été réalisée pour 3 de ces champs. Des cas de vers gris ont également été rapportés au Bas-Saint-Laurent.
Les chenilles ont une préférence pour les légumineuses, les premiers dommages apparaissent habituellement sur la luzerne et le trèfle. Le ravageur a été observé dans un champ d’avoine où les plants de chénopodes présents ont été attaqués avant la culture principale. C’est dans les zones plus sableuses que les premiers symptômes sont observés. C’est dans ce type de sol que les larves préfèrent s’enfouir pendant la journée. En général, la présence de mauvaises herbes peu avant ou après le semis est attirante pour les vers-gris moissonneurs.
La présence marquée de cette espèce cette année est possiblement causée par les conditions météorologiques. Dans les prairies canadiennes, il a été observé que ce ver gris avait tendance à faire plus de dommages lors des années plus sèches : le temps sec favoriserait une meilleure survie des populations. Lorsque les sols sont humides, l’activité des pathogènes est favorisée. Les larves ont aussi tendance à sortir du sol davantage, et sont alors plus exposées aux autres ennemis naturels. Les hivers froids et sans neige régulent aussi les populations en entraînant une plus grande mortalité chez les stades hivernants.
Le ver-gris moissonneur peut s’attaquer à plusieurs cultures, maraîchères et grandes cultures. Ce ravageur n'a qu’une seule génération par année (voir dans le graphique plus bas). La période d’activité des larves peut s’étendre jusqu’au début juillet. D'ici là, les producteurs, en particulier ceux dans les régions de Charlevoix et du Bas-Saint-Laurent, sont invités à faire le suivi régulier de leurs champs afin de noter la présence de dommages (grignotement, brèches dans les feuilles du haut des plantes).
À l'observation des premiers symptômes, il est pertinent de creuser dans le sol au pied des plants grignotés. Les chenilles se cachent dans le sol le jour et sortent la nuit pour s’alimenter. Si l'utilisation d'un insecticide est envisagée, l'intervention doit être réalisée avant que les larves n'atteignent 2,5 cm. Au-delà de ce stade, le traitement n’est plus efficace.
Même si ce ravageur peut se déplacer au sein d’un champ, il ne traverse pas les fossés et les routes, comme peut le faire la légionnaire uniponctuée.
Il n’y a pas de seuil d’intervention connu pour les grandes cultures au Québec. Voici ceux recommandés dans les prairies canadiennes :
- Luzerne : 4-5 chenilles de vers gris par pieds carrés
- Céréales et oléagineux : 5 à 6 chenilles/m2
- Pois : 2 à 3 chenilles/m2
- Haricots secs et soja : 1 petite chenille de moins de 2,5 cm sur 1 m linéaire/rang ou 20 % de plants coupés
Il n’est pas justifié de traiter les champs par prévention pour tenter de contrôler les populations de l’année suivante. Il est impossible de prévoir où le papillon décidera de se poser pour pondre ses œufs à l’automne. On ne sait pas non plus si les oeufs survivront aux conditions hivernales. Des infestations importantes ne conduisent pas nécessairement à des infestations le printemps suivant. De plus, un traitement affecte également les ennemis naturels qui peuvent réguler les populations. Selon le guide sur les vers-gris ravageurs des cultures dans les Prairies canadiennes : « Les infestations peuvent se produire localement ou être plus répandues et durer d’un à trois ans avant que des événements climatiques ou une accumulation d’ennemis naturels contribuent à ramener les populations à leurs niveaux précédant l’infestation. » La stratégie à prévoir pour le printemps suivant dans les zones touchées cette année est donc de désherber tôt en saison et de dépister les larves à partir de fin mai, début juin.
D’autres espèces de ver gris peuvent être présentes et leur gestion peut être différente selon l’espèce, d’où l’importance de les faire identifier. Pour en savoir plus sur la méthode de dépistage et la gestion des vers gris dans les prairies, référez-vous à l’avertissement Nº 8 du 18 juin 2020.
L’ÉVALUATION DU RISQUE D’INFECTION PAR LA FUSARIOSE DE L’ÉPI ET L’INTERPRÉTATION DU NIVEAU DE RISQUE
Yves Dion, agr. (MAPAQ), Gaétan Bourgeois (AAC) et Sylvie Rioux, phytopathologiste (CÉROM)
Les producteurs de céréales sont appelés à surveiller le développement de leurs cultures. Selon la région, les céréales d’automne sont en floraison ou ont passé ce stade. Dans le sud de la province, des champs de céréales de printemps sont ou seront en épiaison. Ces champs atteindront bientôt le stade sensible à l’infection par la fusariose de l’épi (Fusarium spp.), soit entre l’épiaison et la floraison.
Afin de connaître le niveau de risque d’infection et d’aider à la prise d’une décision quant à la pertinence d’appliquer ou non un traitement fongicide, les producteurs et leurs conseillers peuvent consulter les cartes de risque du site Web Agrométéo Québec.
Pour plus d’information sur cet outil d’aide à la décision, veuillez consulter l'avertissement Nº 4 du 26 mai 2020.
Sur Agrométéo Québec, la carte de base présente en légende les niveaux de risque BAS, MOYEN et ÉLEVÉ. La carte interactive présente les niveaux de risque aux sites des stations météorologiques. Il est possible de zoomer et de se déplacer sur la carte pour observer le niveau de risque entre les stations.
Il est simple d’interpréter les niveaux de risque BAS ou ÉLEVÉ pour appuyer une décision d’intervenir ou non avec un fongicide. Quelle décision prendre pour un niveau de risque MOYEN?
Il convient de vérifier la valeur précise du niveau de risque sur la carte interactive. Observez la valeur défiler sur la bande située à droite de la carte à mesure du déplacement du pointeur sur la carte.
Ensuite, prendre en compte des facteurs propres au champ en culture. Le niveau de risque calculé par le modèle prévisionnel est un risque « météorologique » puisque le modèle prévisionnel de risque est fondé sur des données météorologiques seulement. Le modèle prévisionnel calcule un risque d’infection et non pas un niveau d’infection de la culture. Le modèle ne prend pas en compte des conditions spécifiques d’un champ donné, lesquelles peuvent moduler le niveau d’infection réel donc l’impact de la maladie. Le risque d’infection peut être élevé, mais le niveau d’infection sera réduit si l’inoculum (les spores du champignon) est très peu présent et si on a fait le choix d’un cultivar résistant chez lequel le contenu de la vomitoxine (désoxynivalénol ou DON) dans les grains sera plus faible.
On a estimé que les conditions météorologiques comptaient pour près de 50 % de l’impact de la maladie, lequel est mesuré à terme par le contenu des grains en vomitoxine. Ceci laisse des moyens au producteur pour limiter les effets de la maladie. À part les conditions météorologiques, les facteurs principaux qui ont un effet sur le niveau d’infection ou la gravité de la maladie sont :
- Le cultivar (25 %). Ce facteur compte pour environ 25 % de la variabilité du contenu en DON. Les cultivars plus sensibles sont plus à risque d’être impactés à la suite d'une infection. Voyez les cotes de risque publiées sur RGCQ.
- Le précédent cultural (environ 20 %). Les précédents « maïs » ou « céréale » augmentent le risque; la culture d’une espèce non graminée réduit le risque (ex. : soya). Le maïs laisse au sol une forte masse de résidus qui constitue une source d’inoculum; les céréales à paille laissent moins de résidus.
- D’autres facteurs comptent pour environ 5 % de la variabilité du contenu en DON :
- Présence de culture intercalaire. Les cultures intercalaires peuvent constituer une barrière physique lors de l’éjection des spores ou lors des pluies produisant des éclaboussures contenant des spores.
- Historique d’infection, l’environnement général. Les zones agricoles à forte prédominance de culture de maïs portent un potentiel d’inoculum général élevé. La présence de champs de maïs à proximité est un facteur contribuant au risque d’infection.
- Humidité du sol. Des conditions très sèches réduisent le risque. Le modèle prend en compte les précipitations et l’humidité relative de l’air, mais la nature et les conditions du sol peuvent contribuer au développement des spores infectieuses (cuvettes, mauvais égouttement, etc.)
- La verse. La verse n’est pas un facteur de risque d’infection, mais un facteur aggravant en cas d’infection.
Ces facteurs autres que les conditions météorologiques seront donc pris en considération pour utiliser ou pas un fongicide. Un cultivar résistant, un précédent cultural de soya et peu de résidus de maïs au sol sont des conditions qui contribuent à ne pas faire usage d’un fongicide dans le cas d’un risque identifié MOYEN par le modèle prévisionnel.
L’usage d’un fongicide pour la répression de la fusariose ne peut que, dans les meilleures conditions possible, réduire la gravité de la maladie (DON) de 50 %, d’où l’importance d’avoir mis à contribution tous les moyens que le producteur contrôle pour réduire l’impact d’une éventuelle infection.
En raison de la crise de la COVID-19, le Québec pourrait faire face à une perturbation de son approvisionnement d’équipements de protection individuelle (EPI) au cours de l’été 2020, laquelle perturbation pourrait mener à une pénurie. En toute circonstance, le respect des étiquettes des pesticides et le port d’EPI approprié sont obligatoires (article 36 du Code de gestion des pesticides). La meilleure protection contre l’exposition aux pesticides est de porter un équipement de protection individuelle. Si vous n’êtes pas en mesure de vous procurer un EPI :
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Toute intervention de contrôle d’un ennemi des cultures doit être précédée d’un dépistage et de l’analyse des différentes stratégies d’intervention applicables (prévention et bonnes pratiques, lutte biologique, physique et chimique). Le Réseau d’avertissements phytosanitaires (RAP) préconise la gestion intégrée des ennemis des cultures et la réduction des risques associés à l’utilisation des pesticides. |
Pour des renseignements complémentaires, vous pouvez contacter l’avertisseuse du réseau Grandes cultures ou le secrétariat du RAP. La reproduction de ce document ou de l’une de ses parties est autorisée à condition d'en mentionner la source. Toute utilisation à des fins commerciales ou publicitaires est cependant strictement interdite. Le Réseau d'avertissements phytosanitaires (RAP) a pour mission d'informer les producteurs et autres intervenants du domaine agroalimentaire québécois au sujet de la présence et de l'évolution des ennemis des cultures dans leurs régions respectives, et des meilleures stratégies pour les gérer. Les communiqués du RAP Grandes cultures sont diffusés gratuitement par ces trois canaux : par courriel, via le site Web d’Agri-Réseau et via Twitter.