On entend de plus en plus parler, on en entendra parler encore longtemps. L'idée de faire son épicerie sans sortir de chez soi intéresse un nombre grandissant de consommateurs et, évidemment, de détaillants. IGA investi depuis deux ans dans la promotion de son épicerie en ligne, ayant même annoncé récemment le lancement d'une application mobile qui permet à la fois de gérer sa liste d'épicerie en magasin et de passer une commande en ligne. De son côté, Métro se lancera sous peu dans la création d'une épicerie en ligne, tandis qu'Amazon y travaille depuis belle lurette.
D'autres initiatives plus ou moins commerciales existent. C'est le cas, entre autres, des marchés virtuels, qui sont grossièrement des marchés de producteurs informatisés. Ces projets sont généralement voués à vendre des produits locaux ou régionaux, comme c'est le cas pour le Marché de solidarité régionale de l'Outaouais. Finalement, on assiste présentement au lancement du service Maferme qui sert d'intermédiaire entre les consommateurs et les producteurs de produits frais et locaux.
Toutes ces initiatives sont intéressantes, et il pourrait être tentant pour les transformateurs de se lancer dans le projet de vendre leurs produits en ligne. Mais avant de le faire, voici quelques réflexions à considérer.
Il faut savoir que le concept d'épicerie en ligne ne date pas d'hier. Au États-Unis et au Royaume-Uni, entre autres, plusieurs épiceries en ligne ont été créées au tournant des années 2000... et la presque totalité a disparu en quelques mois. Pourtant, certaines de ces épiceries ont enregistré des ventes incroyables. Que s'est-il passé?
On explique l’insuccès de l’épicerie en ligne principalement par le fait que les projets mis en place tentaient d'imiter l'épicerie traditionnelle. Hors, l'absence de lieux physiques modifie grandement la réalité du consommateur. Cela empêche le consommateur d’inspecter, toucher, sentir et essayer le produit avant de l’acheter. Pour environ 2/3 des Québécois, c'est cet aspect qui est le plus grand inconvénient de l'épicerie en ligne.
De plus, la majorité des consommateurs estime que les produits vendus en magasin sont de meilleure qualité que ceux vendus en ligne. L’absence de lieu physique empêche également le consommateur d’interagir avec les employés en cas de problème ou de questionnement. Finalement, les consommateurs font moins d’achats impulsifs lorsqu’ils achètent en ligne, puisque ces achats sont déclenchés en passant devant un produit dans une allée, ou en attendant à la caisse.
Pour les consommateurs qui ont choisi d’acheter leurs denrées alimentaires en ligne, c’est principalement en raison de la commodité et du gain de temps. Une étude finlandaise estime que 450 millions d’heures par année sont passées par les consommateurs finlandais à faire leur épicerie et à se déplacer à partir de leur résidence. Ainsi, chaque famille utilise environ 200 heures par année pour faire l’épicerie, ce qui est équivaut à cinq semaines de travail à 40 heures par semaine. Il est donc évident que l’épicerie traditionnelle est extrêmement inefficace pour le consommateur.
Outre l’économie de temps, l’absence de barrière temporelle est un grand avantage pour les consommateurs qui font leur épicerie en ligne. Le magasin est ouvert 24 heures par jour, sept jours par semaine. Les consommateurs peuvent donc faire leur épicerie à leur rythme, et envoyer leur commande quand ils sont prêts, sans avoir à subir les autres clients ou attendre en ligne à la caisse. D’ailleurs, il semble que le fait de pouvoir enregistrer sa commande et la continuer plus tard donne l’impression aux consommateurs que l’épicerie en ligne est mieux organisée que celle traditionnelle.
L'épicerie en ligne n'est pas une manne, un endroit magique où écouler ses produits. Pour réussir, elle exige des connaissances poussées en marketing agroalimentaire et en commerce en ligne. La plateforme de vente doit être efficace, conviviale et 100% fiable. Le réseau de distribution doit être bien conçu (puisque, évidemment, pour la plupart des consommateurs, la livraison à domicile est liée à l'épicerie en ligne). Tout cela implique des coûts qui peuvent parfois être très élevés (un site internet transactionnel de qualité coûte au bas mot 5 000$!).
Donc, avant de vous lancer dans la vente de vos produits en ligne, assurez-vous que les personnes qui gèrent la plateforme de vente s'y connaissent en commerce en ligne et en marketing alimentaire. Sinon, vous risquez d'investir beaucoup de temps et d'argent et ne récolter qu'un gros paquet de frustrations!
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