D’après un article publié en décembre dernier dans le magazine La Terre de Chez Nous, le Canada se doit d’augmenter sa productivité en agriculture s’il veut conserver son statut de leader international en exportation et en production agricole (Laplante El Haïli, 2016). En effet, en 2015, le Canada faisait partie des trois plus grands exportateurs mondiaux de blé (principal grain d’exportation au Canada) et était le premier producteur de blé à mouture riche en protéines au monde ("Les céréales canadiennes", 2015). Le développement de variétés hybrides de blé, technologie récente mondialement, représente une future éventualité pour augmenter la productivité de cette culture au pays. Effectivement, des études antérieures ont démontré que des variétés de blé hybride peuvent améliorer les rendements de grain, la qualité de grain et plusieurs autres caractéristiques (Bruns and Peterson, 1998) (Therien, 2016).
Les semences de blé, présentement, sont développées de façon conventionnelle. C’est à dire qu’une fois la variété sélectionnée, elle est reproduite en champ et, puisque la morphologie de la plante n’est pas favorable à la dispersion du pollen, les épis sont principalement fécondés par leur propre pollen. Pour produire un hybride de blé, les semenciers sélectionnent deux lignées parentales les plus pures possible. Des lignées parentales pures sont des variétés génétiquement distinctes les unes des autres. Une fois purifiées, les lignées parentales sont croisées en évitant que les plantes femelles ne reçoivent leur propre pollen. Puisque le pollen est produit directement sur l’épi de blé, il est impossible de séparer physiquement le pollen de l’ovule. Les compagnies semencières doivent donc recourir à des agents chimiques d’hybridation qui empêchent les plants traités de produire du pollen (ces plants sont les plants femelles). Les deux lignées parentales sont semées en bandes alternées et rapprochées (de 4 à 8 mètres de large) pour que le pollen puisse être transféré d’un parent à l’autre principalement de façon aérienne (Saaten Union Züchtung ist Zukunft, 2017). La semence produite sur le plant femelle est un hybride entre deux variétés distinctes et bénéficie alors de l’effet d’hétérosis (quand les gènes parentaux se complémentent bien). C’est cet effet qui est à l’origine des avantages culturaux de l’hybridation.
Depuis 2015, des variétés hybrides de seigle d’automne sont déjà mises en marché au Canada. Ces variétés offrent un rendement plus élevé et plus stable ainsi qu’une meilleure qualité de grain (Gélinas, 2016). Si l’industrie veut intégrer cette technologie au blé, elle devra relever quelques défis pour réussir à la rendre disponible et abordable aux agriculteurs. D’abord, les lignes parentales ont encore besoin d’être développées, sélectionnées et purifiées. Quelques hybrides sont déjà disponibles en Europe mais aucune variété n’est encore commercialisée à grande échelle au Canada. Aussi, les coûts de production de semences doivent être réduits pour assurer une semence à un prix raisonnable. En effet, la production de semence hybride a un taux de réussite plus faible que la production conventionnelle et elle requiert plus d’opérations au champ et plus de manutention (Cross, 2016), son coût est donc plus élevé.
Certains pourraient craindre que l’arrivée d’hybrides dans le blé serait problématique pour les producteurs parce que ressemer leurs semences de blé deviendrait donc désavantageux due à la perte de l’effet d’hétérosis. Ainsi, ils seraient forcés d’acheter leurs semences à chaque année et cela créerait une dépendance plus forte envers les fournisseurs. Cependant, si les compagnies semencières s’assurent de ventes plus importantes et stables grâce à cette technologie, il leur sera plus encourageant d’investir dans la recherche et éventuellement augmenter la productivité du blé qui, par le fait même, améliorera la profitabilité de cette culture. En comparaison, dans le domaine du maïs, les rendements moyens ont à peu près quintuplé depuis la découverte des hybrides (Crow, 1998). Bien sûr, ce n’est pas la même culture mais cela démontre tout de même que les efforts de recherche peuvent mener à des résultats impressionnant quand le potentiel est présent.
En résumé, dans un futur rapproché, l’introduction de variétés hybrides de blé est une innovation qui pourrait révolutionner cette culture et le secteur bioalimentaire du même coup au Canada. Toutefois, puisque l’hybridation du blé est encore une technologie niche, l’industrie doit mettre temps et argent pour rentabiliser sa production et assurer une semence concurrentielle.
Références
Bruns, R. and Peterson, C. (1998). Yield and stability factors associated with hybrid wheat. Euphytica, 100(1/3), 1-5. doi:10.1023/a:1018364801101
Carpentier, M. (2013). Réglementation semences - Daniel Segonds, président du Gnis : « Rémunération de la recherche par tous ». Terre-net. Repéré 11 Mars 2017, à http://www.terre-net.fr/observatoire-technique-culturale/appros-phytosanitaire/article/daniel-segonds-president-du-gnis-remuneration-de-la-recherche-par-tous-216-96575.html
Les céréales canadiennes. (2015). Agriculture et Agroalimentaire Canada. Repéré 11 Février 2017, à http://www.agr.gc.ca/fra/industrie-marches-et-commerce/achat-de-produits-alimentaires-canadiens/les-cereales-canadiennes/?id=1426174486823
Cross, B. (2016). Yield-boosting hybrid wheat varieties on the horizon. The Western Producer. Repéré 11 Février 2017, à http://www.producer.com/2016/12/yield-boosting-hybrid-wheat-varieties-on-the-horizon/
Crow, J. (1998). 90 Years Ago: The Beginning of Hybrid Maize. Genetics.org. Repéré 11 Février 2017, à http://www.genetics.org/content/148/3/923
Gélinas, B. (2016). Un avenir doré pour le seigle hybride?. MAPAQ. Repéré 11 Février 2017, à http://www.mapaq.gouv.qc.ca/fr/Regions/mauricie/infolettreMAPAQMauricie/productionsvegetales/Pages/unavenirdorepourleseglehybride.aspx
Laplante El Haïli, M. (2016). Le Canada doit accroître sa productivité. La Terre de Chez Nous. Repéré 11 Février 2017, à http://www.laterre.ca/actualites/economie/canada-accroitre-productivite.php
Saaten Union Züchtung ist Zukunft. (2017). L'hybridation du blé par la technologie CROISOR®100. Repéré 11 Mars 2017, à http://www.saaten-union.fr/index.cfm/article/7698.html
Therien, Y. (2016). Un avenir prometteur pour le blé hybride. Le Bulletin des Agriculteurs. Repéré 11 Février 2017, à http://www.lebulletin.com/cultures/un-avenir-prometteur-pour-le-ble-hybride-82008
Blé hybride au Canada : technologie génétique révolutionnaire ?
Publié le 24 mars 2017
sébastien proulx
Collaborateur(s) : Sébastien Proulx
Collaborateur(s) : Sébastien Proulx