Nous avons vu dans mon dernier blogue que les hybrides de maïs-grain évalués dans le réseau du RGCQ en 2023 sont parvenus, en moyenne, à maturité physiologique entre les 25 et 28 septembre selon les zones de production. Ces dates moyennes de maturité physiologique étaient très près des moyennes enregistrées au Québec au cours de la période de 2009 à 2020. Maintenant, avec toutes les observations qui sont prises à partir des champs de maïs-grain année après année, est-il possible de prédire les rendements? Oui, mais ce n’est pas une tâche aussi simple qu’on pourrait le croire.
Beaucoup de gens ont essayé et persistent à essayer de prédire les rendements du maïs-grain. En 2017, j’ai aussi tenté ma chance pour la première fois. En googlant sur internet, j’ai vu qu’il existait une tournée aux États-Unis connue sous le nom de PRO FARMER TOUR. Au Québec, il existe une activité similaire à celle réalisée chez nos voisins du Sud. C’est la Tournée Grandes Cultures qui existe déjà depuis plusieurs années. Le principe est relativement simple pour déterminer les rendements en grains. À partir d’échantillons d’épis recueillis dans de multiples champs, on détermine les rendements à partir des variables suivantes : la longueur des épis, le nombre de rangs de ces épis, la densité de peuplement du champ et le poids d’un boisseau de maïs. Le rendement en boisseau à l’acre est estimé à partir des trois premières variables. Puis, il s’agit de transformer les boisseaux à l’acre en kilogramme à l’hectare en utilisant le poids d’un boisseau de maïs-grain.
J’ai utilisé cette méthode pour estimer les rendements de 374 parcelles du RGCQ en 2017. J’ai retenu un site dans chacune des trois zones de production du Québec : Saint-Hyacinthe (56 hybrides), Saint-Alexis-de-Montcalm (46 hybrides) et Princeville (29 hybrides). Pour économiser temps et argent, j’ai utilisé les deux épis échantillonnés servant déjà à évaluer la maturité physiologique. Les données ont été recueillies pour les trois sites lors de l’échantillonnage de fin septembre ainsi que lors de l’échantillonnage de la fin août mais uniquement au site de Saint-Hyacinthe. Cela représentait donc un total de quatre séries de données.
Les rendements des parcelles du RGCQ sont évalués en récoltant une surface de 9,14 mètres carrés. J’ai donc comparé ces rendements à ceux estimés par la méthode PROFARM à l’aide de régressions linéaires. Plus les rendements estimés par la méthode PROFARM se rapprochent des rendements mesurés à la batteuse, plus le coefficient de régression linéaire se rapproche de 100%. Les coefficients retrouvés pour les quatre séries de données totalisant 374 parcelles ont tous été inférieurs à 15%. Ce constat semblait donc démontrer que les rendements mesurés à la batteuse des parcelles du RGCQ en 2017 étaient mal prédits en utilisant la méthode préconisée par PROFARM. Je conviens que je n’ai réalisé l’exercice qu’en 2017, mais j’avais tout de même un échantillon de 374 parcelles, ce qui est loin d’être négligeable. Si j’avais eu de meilleurs résultats, j’aurais peut-être poursuivi mes observations en 2018. Mais avec des coefficients de moins de 15%, cela ne valait pas la peine de mettre autant d’efforts avec si peu de résultats positifs.
Depuis 2014, j’avais aussi entrepris de prendre le poids humide des deux épis qui étaient échantillonnés dans les parcelles du RGCQ dans le cadre de la détermination de la maturité physiologique. En mettant en relation sur un graphe le poids de ces épis et les rendements en grains des parcelles, le coefficient de régression linéaire n’était pas meilleur que celui obtenu avec PROFARM pour l’année 2017. Selon ces résultats, il semblait donc difficile de prédire adéquatement les rendements en grains à partir des poids des épis.
Mais, si le problème n’était pas la méthode mais la représentativité de l’échantillon utilisé. En effet, deux épis ne semblaient pas suffisants pour constituer un échantillon représentatif. J’ai donc décidé d’augmenter considérablement la taille de mon échantillon. Au lieu d’essayer de prédire le rendement d’une parcelle de 9,14 mètres carrés, j’ai décidé de porter mon attention sur le rendement moyen de l’ensemble de l’essai. Pour chacun des essais du RGCQ, j’ai donc comparé les poids moyens de deux épis aux rendements moyens en grains.
J’ai décidé d’utiliser les données provenant des essais réalisés en 2015, 2016 et 2017, tout en écartant 2014 car il y avait eu un gel précoce le 19 septembre qui avait chamboulé passablement le maïs-grain cette année-là. J’avais en mains un jeu de données totalisant 34 essais provenant de plus de 4500 parcelles. D’un côté, les poids moyens de deux épis recueillis à la fin du mois d’août et, de l’autre côté, les rendements moyens en grains des essais. Le coefficient de régression linéaire liant ces deux séries de données a été de 71%. Voilà un résultat qui commence à être intéressant.
Afin de vérifier la qualité de l’équation de régression trouvée à partir des données utilisées des 34 essais réalisés de 2015 à 2017, j’ai utilisé les poids moyens de deux épis observés dans les essais réalisés à Saint-Alexis-de-Montcalm en 2018 et en 2019. En 2018, les rendements prédits par l’équation de régression surestiment de 7 à 8% les rendements mesurés, ce qui n’est pas mal du tout comme prédiction. En 2019, l’écart a varié de 0 à 1%, ce qui représente une excellente prédiction.
En utilisant les poids des épis mesurés au mois d’août 2023 et cette équation de prédiction, les rendements des essais du RGCQ varieraient ainsi selon les sites. Au site de Saint-Alexis-de-Montcalm, les rendements des essais devraient varier de 15,2 à 15,9 tonnes à l’hectare (t/ha); de 14,6 à 14,9 t/ha au site de Saint-Mathieu-de-Beloeil et de 16,4 à 16,8 t/ha au site de Saint-Hyacinthe. Enfin, au site de Saint-Samuel, les rendements devraient tourner autour de 14,6 t/ha. On peut remarquer une chose intéressante dans ces informations. Bien que ce soient les mêmes hybrides qui aient été évalués sur les sites de Saint-Mathieu-de-Beloeil et de Saint-Hyacinthe, on s’aperçoit aisément que l’écart des rendements est près de 2 t/ha en faveur du site de Saint-Hyacinthe. Les conditions de croissance au site de Saint-Hyacinthe ont donc été sans doute plus favorables que celles observées au site de Saint-Mathieu-de-Beloeil.
Bien sûr, il est reconnu que les rendements des essais du RGCQ surestiment les rendements réels au champ. Cette surestimation pour le maïs-grain est de l’ordre de 30%. Donc, en corrigeant les rendements des essais du RGCQ par ce facteur de 30%, les rendements réels varieraient plutôt de 10,3 à 11,8 tonnes à l’hectare en 2023 selon les sites.
Comme je le disais précédemment, il n’est pas facile de prédire les rendements en grains. L’avenir nous dira si mes prédictions basées sur des observations provenant des parcelles du réseau maïs du RGCQ sont réalistes … ou non.
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Pas si facile que ça de prédire les rendements!
Publié le 26 octobre 2023
Gilles Tremblay
Agronome
Agronome