Mise en scène inspirée de faits réels
C’est par un dimanche enneigé que Jean-Louis décida d’inviter son voisin et ami Albert à venir chez lui, pour discuter de certaines difficultés qu’il rencontre dans ses champs depuis les dernières saisons. Les deux producteurs de grandes cultures échangent sur le projet de Jean-Louis, et sur ce qui compte vraiment en agriculture.JEAN-LOUIS. – C’est décidé, je vais faire un essai de doses d’azote dans mon champ de maïs cet été.
ALBERT. – Ah oui, pourquoi?
JEAN-LOUIS. – Pour avoir du rendement en grain, je pense qu’il faut mettre plus d’engrais!
ALBERT. – Tu penses?
JEAN-LOUIS. – Oui.
ALBERT. – T’es certain que t’es rendu là?
JEAN-LOUIS. – Qu’est-ce que tu veux dire?
ALBERT. – Si tu fais un essai d’azote, c’est que t’es convaincu que tu appliques déjà correctement toutes les bonnes pratiques agronomiques. Ton égouttement de surface est corrigé partout?
JEAN-LOUIS. – Il me reste quelques baisseurs dans les champs du rang 7, puis un peu dans ceux derrière l’étable.
ALBERT. – Et la compaction que ça crée ces baisseurs-là, tu la gères comment?
JEAN-LOUIS. – Ce n’est pas un problème ça! Avec la puissance des tracteurs qu’on a, on donne un petit coup de sous-soleuse à chaque deux ans.
ALBERT. – Quand t’as bâti ta maison Jean-Louis, par quoi t’a commencé?
JEAN-LOUIS. – C’est quoi le rapport?
ALBERT. – T’as une belle maison Jean-Louis. Quand tu l’as bâtie, as-tu commencé par installer le bardeau?
Jean-Louis est irrité. Qu’est-ce que sa maison vient faire dans le fait qu’il veuille faire un essai de doses d’azote dans le maïs? Mais il aime bien son voisin et il se décide à répondre à cette question stupide.
JEAN-LOUIS. – J’ai creusé jusqu’à temps de trouver le solide, puis j’ai coulé une « footing » bien large pour asseoir le solage.
ALBERT. – Il faut que tu fasses la même chose dans tes champs et pour ton entreprise. Un essai de doses d’azote dans le maïs, c’est une très bonne idée, mais il faut que tu sois rendu là[1]. Et toi Jean-Louis, je pense que t’as d’autres choses à travailler avant. Tu bâtis ton rendement et ta rentabilité à partir de la base, puis tu raffines.
JEAN-LOUIS. – L’engrais dans le maïs, c’est la base!
ALBERT. – Ben non!
JEAN-LOUIS. – Ben oui!
ALBERT. – Non.
JEAN-LOUIS. – Ok d’abord, c’est quoi la base, si ce n’est pas l’engrais?
ALBERT. – L’état de tes sols. Ton sol, c’est ta fondation. C’est sur lui que tu bâtis ton rendement et ta rentabilité. Si ton sol n’est pas en état de recevoir la culture que tu lui plantes, tu vas être déçu des résultats. Sors l’eau de tes champs. Nivelle. Circule quand c’est sec. Ça fait combien d’années de suite Jean-Louis que tu cultives du maïs et du soya dans tes champs du rang 7? Tu pourrais faire une année de blé de temps en temps! Ça te permettrait de niveler par temps sec et de semer de l’engrais vert.
JEAN-LOUIS. – Mais toi Albert, t’en fais des essais sur ta ferme?
ALBERT. – Oui, chaque année. T’avais quel âge quand t’as repris la ferme Jean-Louis?
JEAN-LOUIS. – 25 ans. Mais, c’est quoi le rapport?
ALBERT. – Puis ton père lui, y’avait quel âge quand il t’a vendu la ferme?
JEAN-LOUIS. – 63 ans. Pourquoi tu veux savoir ça?
ALBERT. – 38 fois Jean-Louis. Si tu vends à l’âge de ton père, tu vas avoir le contrôle sur les opérations culturales de ta ferme 38 fois. Peut-être un peu plus. Tu vas semer 38 fois et récolter 38 fois. Tu vois ce que je veux dire? C’est pas tant que ça. Quand tu t’assois l’hiver, c’est l’fun de savoir que t’as passé l’été à bien travailler. Tu veilles au grain, t’essaies de vendre au meilleur prix. Ton sol et ta fondation sont solides. T’as écouté les experts et appliqué leurs conseils. En tout cas, ceux qui s’appliquent chez vous. Que ce soit toi ou ton fils qui sème le printemps d’après, les chances sont bonnes pour que l’abondance soit au rendez-vous.
JEAN-LOUIS. – J’comprends.
Moment de silence. Jean-Louis et Albert regardent dehors, la neige tombe.
Ce type de conversation et ce genre de discours sur l’importance de bien gérer ses sols pour les générations futures sont de plus en plus communs chez les producteurs agricoles. Le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation supporte plusieurs initiatives et projets concernant la protection des sols en région et ailleurs en province. À titre d’exemples, un support agronomique a été offert aux Producteurs de grains de la Mauricie, dans le cadre d’un concours visant la protection hivernale des sols par des cultures de couverture.[2] Des essais ont également été menés sur des céréales d’automne[3]. Ensemble, ces techniques et ces cultures protègent les sols, améliorent la rentabilité des entreprises, tout en assurant un usage raisonné des intrants de synthèse.
Dans le prochain billet, « On fait ça comment, un essai à la ferme ?», Albert et Jean-Louis poursuivent leur discussion.
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[1] D’ailleurs, la Direction régionale de la Mauricie du MAPAQ supporte financièrement certains essais de doses d’azote dans le maïs-grain. Les résultats seront publiés à l’automne 2017. L’usage de la dose optimale d’azote permet un meilleur retour sur l’investissement, tout en minimisant les pertes vers les écosystèmes aquatiques.
[2] https://www.agrireseau.net/documents/94072/
[3] https://www.agrireseau.net/documents/94372/