Les poules pondeuses auront une vie plus heureuse. C’est ce que l’on pourrait croire suite aux déclarations récentes de plusieurs multinationales, tel que McDonald, Starbucks, Tim Horton, Wal-Mart et Loblaws, qui s’engagent à acheter exclusivement des œufs de poules élevées «en liberté» d’ici 10 ans. Mais ce virage est-il le meilleur pour les poules et les consommateurs d’œufs ?
Actuellement, la majorité des poules pondeuses sont logées dans de petites cages, dites conventionnelles, qui ne permettent pas à la poule de circuler ni de déployer ses ailes. Ce confinement est considéré par plusieurs comme une forme de maltraitance envers la poule. Ainsi, plusieurs regroupements pour le bien-être des animaux, avec l’appui de grandes vedettes hollywoodiennes dont, Brad Pitt, Ryan-Gossling et Bill Maher, militent pour bannir l’usage des cages conventionnelles.
Face à ces préoccupations, les producteurs d’œufs du Canada ont récemment dévoilé une politique nationale qui vise à éliminer les productions en cages conventionnelles d’ici 20 ans, avec 50% de conversion d’ici 8 ans. Cette transition implique des investissements de la part des producteurs pour convertir leurs poulaillers en système de logement sans cages ou en logement enrichis. Ces changements posent des défis aux producteurs qui doivent bien prévoir le type d’œufs qui sera demandé sur les marchés, car la transition vers un nouveau type de production représente des investissements d’envergures, souvent amortis sur plusieurs décennies.
L’accumulation des déclarations des restaurants et épiceries qui favorisent une production «en liberté» risque d’influencer le choix des producteurs vers ce système. Cependant, une abondance d’études scientifiques démontre que ce type de production n’est pas optimal pour la poule. Examinons de plus près ces alternatives.
Une production «en liberté» est une production où les poules peuvent circuler librement dans un grand espace commun, avec l’inclusion de perchoirs, nichoirs et grattoirs, pour favoriser les comportements naturels. À première vue, le système «en liberté» semble être le choix idéal pour améliorer les conditions des poules. Cependant, les études démontrent que ce n’est pas tout à fait le cas, avec un taux de mortalité élevé, la présence de cannibalisme et un accès inéquitable à la nourriture qui favorise les poules dominantes. En plus, ce système cause des problèmes de qualité de l’air, affectant non seulement les poules, mais aussi les employés travaillant dans les poulaillers.
En contrepartie, le système de logement enrichi est une production généralement méconnue. Ce système utilise des cages qui peuvent héberger de 4 à 70 poules, selon la superficie. Chaque cage inclut nichoirs, perchoirs et grattoir, ainsi qu’une superficie permettant à la poule de se déplacer et de déployer ses ailes. En somme, ce système fournit plusieurs des avantages du système «en liberté», mais dans un espace confiné. De nombreuses études scientifiques démontrent que les logements enrichis sont supérieurs puisqu’ils éliminent la plupart des difficultés présentes dans le système «en liberté», et ceci, en raison du plus petit nombre de poules en cohabitation.
Les avantages des cages enrichies ne sont pas que pour la poule. En effet, une étude américaine montre que le coût de production «en liberté» est 36% plus élevé qu’en conventionnel tandis que les cages enrichies ne sont que 13% plus élevées. Si ces coûts sont directement transférés aux consommateurs (la réalité est que la marge des intermédiaires serait aussi augmentée), ils représenteraient une augmentation de prix d’au moins $ 1,22 la douzaine d’œufs «en liberté» et de $ 0,44 la douzaine d’œufs en système enrichie. (Note : calcul réalisé avec le prix des œufs régulier à $ 3,39).
Il semblerait donc que la production en système de logement enrichi soit un choix intéressant pour la poule, le producteur et le consommateur. Pourquoi alors ces multinationales se précipitent-elles vers un approvisionnement d’œufs produit «en liberté»? Il est possible que ces derniers soient dans une course avec enjeux compétitifs pour plaire aux citoyens ou encore qu’ils réagissent à la stratégie des organismes pour le bien-être des animaux qui s’opposent à tout type de confinement. Notons que seul le «American Humane Association» approuve une production d’œufs en système enrichie.
Il serait donc plus prudent que les déclarations des fournisseurs appellent à un engagement pour éliminer les productions en cages conventionnelles sans privilégier un système alternatif. Les scientifiques du bien-être des animaux et les producteurs d’œufs sont bien placés pour déterminer le type de production optimal pour le bien-être de la poule, sans oublier le consommateur.
Les poules seront-elles plus heureuses?
Publié le 06 mai 2016
Stéphane Bergeron