Les nutritionnistes équins et les vétérinaires prônent depuis longtemps l’importance des fourrages dans l’alimentation des chevaux. Nous savons qu’un fourrage abondant et de bonne qualité est essentiel à leur santé digestive, mais pourquoi?
Nathalie Trottier, PhD, professeure en sciences animales au Cornell's College of Agriculture and Life Sciences, à Ithaca (New York), a participé à une série de séminaires mensuels du Cornell Equine Hospital et du Cornell Cooperative Extension. Elle y a montré comment le fourrage est important pour les équidés modernes selon une approche évolutionniste et physiologique.
L’évolution des chevaux
Sur des millions d’années, la famille des équidés s’est extrêmement bien adaptée aux prairies en évoluant de brouteurs, de feuilles d’arbustes par exemple, à herbivores. Mme Trottier a expliqué que les preuves de cette évolution se retrouvent dans le riche historique de leurs fossiles, grâce auxquels on voit que les dents, les pieds et autres éléments physiques des équidés se sont adaptés au fil du temps pour leur procurer un avantage évolutif sur les autres herbivores.
En domestiquant le cheval au cours des 5 500 dernières années, nous l’avons élevé de manière sélective pour ses performances, son apparence et son tempérament, mais nous avons aussi ajouté des céréales à forte teneur en amidon et des aliments concentrés à son régime alimentaire au lieu de lui donner seulement du fourrage. Résultat? Une prévalence accrue d’ulcères gastriques, de problèmes dentaires, de maladies métaboliques et de troubles digestifs.
Les fourrages et la physiologie du tractus gastro-intestinal équin
Mme Trottier a passé en revue l’anatomie digestive du cheval — des dents au gros intestin — et la façon dont chaque élément est conçu pour traiter le fourrage.
Dentition
Les dents des chevaux poussent de façon lente et continue pour compenser l’usure constante causée par les mouvements de mastication (16 à 20 heures par jour pour certains, selon Mme Trottier). « La mastication est importante parce qu’elle permet d’user les dents d’environ 2 à 3 millimètres par an, ce qui contrebalance la pousse des dents », dit-elle. « L’usure reliée à un régime herbivore tend à suivre le rythme de la pousse des dents. »
Permettre aux chevaux de consommer du fourrage à volonté toute la journée réduit le risque d’usure inégale des dents et de prolifération dentaire, dit-elle. En revanche, l’alimentation à base de concentrés introduit davantage de sucre et d’amidon, qui sont préjudiciables à la santé dentaire.
Glandes salivaires
La salive contient non seulement de l’eau, mais aussi des agents antimicrobiens, des enzymes digestives et des électrolytes essentiels au maintien de l’équilibre du pH. Le stimulant le plus important de la sécrétion salivaire est la mastication, a déclaré Mme Trottier.
« Chez les chiens, la vue et l’odeur de la nourriture sont des stimulants, mais ce n’est pas le cas chez les chevaux. La mastication est la seule chose qui stimule la sécrétion de salive des glandes parotides. »
Lorsque nous donnons des céréales aux chevaux, ils sécrètent moins de salive parce qu’ils mâchent moins longtemps. Selon Mme Trottier, un cheval moyen de 1 100 livres mâche de 18 à 30 minutes pour manger une livre de foin contre 5 minutes pour une livre de céréales.
La salive est également essentielle pour la santé dentaire, car elle réduit le risque de caries chez les chevaux. « Nous savons qu’un pH faible est l’une des principales causes des caries », a déclaré Mme Trottier. « Un taux de céréales élevé signifie plus d’amidon et moins de salive. Davantage de bactéries se développent alors et fermentent. »
Mâchoires
La mâchoire inférieure du cheval a évolué et est devenue plus étroite que la mâchoire supérieure. Cela permet au cheval de bouger ses mâchoires de gauche à droite et de consommer des aliments fibreux plus efficacement. « Une mâchoire supérieure plus large permet le mouvement pour mâcher et consommer de l’herbe », a déclaré Mme Trottier. « L’alimentation à base de concentrés ne permet pas aux mâchoires des chevaux de bouger comme prévu, ce qui entraîne une usure inégale. »
Estomac
Comparé à celui de tous les autres animaux domestiques, l’estomac du cheval est le plus petit segment de son tube digestif. « Il est incroyable que cet animal dont l’estomac est si petit puisse pourtant consommer facilement 20 livres de foin par jour », a déclaré Mme Trottier. « La raison en est que le cheval broute presque en permanence une petite quantité d’aliments à la fois sous forme de fourrage. »
L’estomac est divisé en une région glandulaire et une région non glandulaire. Cette dernière ne sécrète pas de mucus et est particulièrement sensible aux ulcères gastriques. La surface réduite de la région glandulaire (comprenant la muqueuse sécrétoire) résulte d’une adaptation évolutive à la consommation de graminées pauvres en protéines, a-t-elle expliqué.
« La petite taille et la capacité de l’estomac du cheval favorisent le mouvement continu et le passage gastrique », selon Mme Trottier. « L’herbe des pâturages a une teneur élevée en eau, ce qui augmente la vitesse de passage gastrique. Une vitesse de passage élevée permet au cheval de consommer les grandes quantités de fourrage dont il a besoin chaque jour. Le passage continu de la nourriture est très important pour maintenir un pH équilibré dans l’estomac. »
Donner du fourrage avant les céréales protège l’estomac du cheval des effets potentiellement néfastes des concentrés à forte teneur en amidon, ce qui :
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Augmente la salivation et les ions bicarbonate, qui participent à garder un pH équilibré ;
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Réduit la fermentation de l’amidon des céréales dans l’intestin postérieur (cæcum et gros intestin) ;
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Augmente la circulation de l’eau dans le système digestif et, par conséquent, la vitesse de passage des aliments. Dans le cas contraire, l’amidon des céréales se lie à l’eau et réduit la vitesse de passage, ce qui favorise la fermentation bactérienne.
Gros intestin
La capacité du gros intestin du cheval concorde avec la composition d’une alimentation basée sur les fourrages. « Le passage lent favorise une meilleure efficacité de la fermentation de la cellulose et de l’hémicellulose (fibres insolubles dans les parois cellulaires des plantes) », a expliqué Mme Trottier. « Le gros intestin est conçu pour dégrader les fibres qui fermentent lentement. Nous pouvons aider le cheval à s’épanouir en lui fournissant suffisamment de fourrages et de fibres. »
À retenir
Lorsque vous élaborez une stratégie alimentaire pour votre cheval, tenez compte de son évolution et privilégiez une alimentation à base de fourrage adaptée à sa physiologie gastro-intestinale. Ce faisant, vous pouvez contribuer à prévenir de nombreux problèmes dentaires et digestifs courants chez les chevaux domestiques.
Traduction libre par Marie-Ange Therrien et Andréane Martin de l’article Why Should We Feed Horses Forage First?? de Alexandra Beckstett, The Horse Managing Editor (https://thehorse.com/1118391/why-should-we-feed-horses-forage-first/?utm_medium=Reader+Favorites+enews&utm_source=Newsletter).
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