Toujours plus d’azote



L’apport en éléments fertilisants constitue une base importante de la productivité végétale. Des trois éléments majeurs en fertilisation (azote, phosphore et potassium), l’azote constitue l’élément le plus limitant à la croissance normale des plantes dans une majorité des sols agricoles québécois, hormis les légumineuses, bien sûr. Selon plusieurs études, des doses insuffisantes en azote ont eu des impacts beaucoup plus marqués sur les rendements que pour des doses insuffisantes en phosphore ou en potasse et la culture du maïs-grain ne fait pas exception.

Le maïs-grain et le maïs ensilage constituent les grandes cultures les plus ensemencées au Québec. Depuis plus de 20 ans, de 350 à 400 000 ha de ces cultures sont ensemencées annuellement au Québec. Contrairement aux autres grandes cultures telles que les céréales ou le soya, le maïs-grain et le maïs ensilage sont beaucoup plus exigeants en azote.

Au cours des dernières années, de plus en plus de producteurs québécois de maïs-grain et de maïs ensilage ont décidé d’augmenter les doses d’azote destinées à ces cultures. En effet, les doses présentement recommandées par les grilles de référence en fertilisation, qui sont de 120 à 170 kg d’azote à l’hectare, sont très fréquemment dépassées. De nombreux producteurs appliquent des doses de 200 à 220 kg N/ha et bien souvent ces doses peuvent atteindre 250 kg N/ha. De telles augmentations sont-elles justifiées ?

Selon Statistiques Canada, les rendements moyens du maïs-grain ont progressé de plus de 160 kg/ha annuellement au Québec de 2000 à 2019. Cette forte progression représente donc une augmentation des rendements de plus de 3000 kg/ha pour la même période. Produire plus ne se traduit toutefois pas systématiquement par la nécessité d’augmenter les doses d’azote. En effet, il n’y a aucun lien entre les rendements obtenus et les doses économiques optimales d’azote à apporter à la culture du maïs-grain ou du maïs ensilage. La littérature scientifique abonde dans ce sens. Comment alors expliquer le choix de nombreux producteurs d’augmenter leurs doses d’azote dans cette production, et ce, à des niveaux bien supérieurs aux recommandations générales?

Beaucoup de recherches et d’analyses ont été réalisées sur ce sujet au cours des dernières années, tant au Québec que dans le reste du continent américain. Certaines tendances générales ont été déduites de tout ce travail. Par exemple, on a conclu que les nouveaux hybrides de maïs-grain exigeaient moins d’azote pour produire des rendements équivalents ou supérieurs aux anciens hybrides. De plus en plus, les résultats de ces recherches identifient l’importance des conditions spécifiques associées aux sites sur lesquels sont réalisés les essais. Ce constat constitue un appui sans équivoque aux essais à la ferme.

Bien sûr, une portion importante des efforts de recherche est réalisée dans des stations ou des centres de recherche. Les essais à la ferme permettent toutefois de faire le pont entre les centres de recherche et les producteurs. En effet, les essais à la ferme permettent d’évaluer ou de tester différents traitements dans des conditions variées et plus près de la réalité des producteurs agricoles. Des réseaux d’essais à la ferme permettent aux producteurs d’échanger, d’apprendre et de réaliser des choix éclairés basés sur des observations provenant de la réalité de leurs propres champs et des champs de leurs voisins.

À l’avenir, il faudra donc tenir compte des conditions spécifiques de chacun des champs. Il demeure toutefois encore pertinent de regrouper un ensemble d’observations afin de voir la présence ou non de tendances plus générales. Ce genre de travail a été réalisé sur un ensemble de près de 350 essais portant sur la fertilisation minérale azotée du maïs-grain et menés chez des producteurs québécois de 1997 à 2017. Une série de cinq textes de blogue a d’ailleurs été produite à partir de ces données et demeure toujours disponible sur Agri-Réseau. Plusieurs constats intéressants ont été réalisés à partir de ces essais à la ferme. Attardons-nous à quelques-uns de ces constats.

Certains sols ne répondent pas à l’apport d’azote, tandis que d’autres y répondent plus ou moins fortement. De 120 unités d’azote à l’hectare en 1997, la dose économique optimale moyenne aurait progressé de plus de 2,8 unités annuellement et serait maintenant à près de 180 kg N/ha. De 1997 à 2017, la dose économique optimale moyenne serait donc passée de la plus petite dose recommandée (120 kg N/ha) à une dose de 180 kg N/ha soit une dose plus élevée que la dose recommandée la plus élevée qui est de 170 kg N/ha. Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer ce phénomène : rotations des cultures plus courtes, changements climatiques, détérioration de la structure des sols, compaction, hybrides plus performants, diminution du contenu en matière organique des sols, etc. Des essais menés chez des producteurs de la région de Saint-Hyacinthe ont en effet démontré que la compaction et la détérioration de la structure du sol pouvaient faire augmenter la dose économique optimale d’azote de 150 à 250 kg N/ha.

En 2020, de nombreux producteurs québécois ont sans doute appliqué des doses de 200 à 220 kg N/ha et bien souvent ces doses ont pu atteindre 250 kg N/ha. Dans bien des cas, les doses retenues ne sont pas appuyées sur des observations au champ, mais seulement sur des impressions plus ou moins justes de la réalité. Pas besoin d’être chercheur pour déterminer une ou des doses optimales d’azote chez le maïs-grain. Des parcelles côte à côte de doses croissantes d’azote peuvent aisément servir afin de déterminer les besoins des cultures. Ces essais peuvent être menés sur plusieurs types de sols d’une même entreprise agricole ou sur différentes entreprises. Un conseiller agricole peut être très utile pour aider à la réalisation de ces essais de fertilisation en parcelles côte à côte.
 
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