Les sols auraient vraisemblablement peu ou pas contribué à l’augmentation des rendements de maïs-grain observés au Québec entre 1997 et 2017. Selon l’Institut de la statistique du Québec, cette augmentation a été de 165 kg/ha annuellement au cours de cette période. Les augmentations de rendements seraient associées dans une grande proportion aux avancées génétiques et, dans une moindre proportion, à la régie. Dans le dernier texte de ce blogue, nous allons discuter de pratiques culturales qui pourraient augmenter la contribution du sol aux rendements du maïs-grain dans le contexte de la fertilisation azotée de cette culture.
Les rotations de cultures
La rotation des cultures est un principe fondamental en agriculture et constitue un élément essentiel du développement durable. Les rotations augmentent généralement les rendements en grains. Les rotations de cultures permettent aussi d’améliorer l’efficacité d’utilisation de l’azote par les plantes tout au long de la rotation. Prenons un exemple concret pour illustrer notre propos. Une expérience portant sur les rotations a été initiée en 2008 sur les terres du CÉROM à Beloeil sur des sols du type loam argileux à argile lourde de la série Saint-Urbain. Cette expérimentation visait, entre autres, à comparer l’effet d’une rotation de trois ans du type maïs-soya-blé à une culture continue de maïs-grain. En 2017, à la suite de trois cycles complets de la rotation, les rendements en maïs-grain ont été évalués sur les deux rotations. Les doses annuelles d’azote minéral apportées au maïs-grain étaient de 170 kg N/ha.
Les rendements moyens du maïs-grain en rotation maïs-soya-blé ont varié de 12 764 à 13 959 kg/ha comparativement à des rendements de 10 806 à 11 186 kg/ha pour la culture continue de maïs. Les rendements ont été supérieurs de plus de 2 tonnes par hectare sous rotation par rapport aux rendements de la culture continue de maïs-grain, soit une différence de près de 22 %. Les résultats d’autres études sur les rotations ont affiché des augmentations de rendements pouvant varier de 10 à 20 % en faveur de la rotation. Bien sûr, les écarts observés pourraient changer selon le type de sol ou l’année. Quelles sont les conclusions du côté de l’azote? Chaque tonne de maïs-grain produite a exigé en moyenne 12,7 kg N pour la rotation comparativement à 15,5 kg N pour la culture continue de maïs. Chaque tonne de maïs-grain produite sous culture continue a donc exigé 20 % plus d’azote que celle produite sous rotation.
Les cultures en dérobée
Les rotations augmentent la biodiversité. Chaque espèce végétale possède ses propres façons de coloniser le sol et d’interagir avec les différents organismes vivants dans le sol. Plus il y a d’espèces végétales différentes en culture principale, intercalaire ou à la dérobée, plus il sera possible de développer et de mettre à profit le potentiel des sols agricoles.
Prenons comme exemple le cas d’un blé de printemps récolté au mois d’août 2016 en Montérégie. Après le blé, plusieurs espèces ont été ensemencées à la dérobée : vesce de Cahaba, trèfle incarnat, trèfle d’Alexandrie, pois autrichien et radis fourrager. Des parcelles ont aussi été maintenues uniquement avec le blé comme précédent sans semis de culture à la dérobée. En 2017, différentes doses d’azote ont été établies sur ces précédents culturaux afin d’évaluer leur impact sur le rendement du maïs-grain. Les doses économiques optimales ont été déterminées pour chacune des cultures en fixant le prix du maïs à 200 $ la tonne et le coût de l’azote à 1,10 $ l’unité. Afin d’alléger l’analyse, nous n’allons retenir que trois situations : blé seul, blé suivi de trèfle incarnat et blé suivi de trèfle d’Alexandrie.
Pour le blé seul, la dose économique optimale du maïs-grain a été estimée à 200 kg N/ha pour un rendement de 13,7 t/ha. Pour le blé suivi de trèfle incarnat à la dérobée, la dose économique optimale a été de 146 kg N/ha correspondant à un rendement de 15 t/ha. Enfin, pour le blé suivi d’un trèfle d’Alexandrie, le rendement optimal a été observé à 100 kg N/ha pour un rendement observé de 15,2 t/ha. Comme on peut le constater, ce sont tous d’excellents rendements en maïs-grain. L’utilisation d’une culture à la dérobée a permis de faire augmenter les rendements tout en diminuant les doses économiques optimales d’azote. Le système ne comportant pas de culture à la dérobée a exigé 14,6 kg N pour chaque tonne de grains produite comparativement à 9,7 et 6,6 kg N/t pour les systèmes intégrant le trèfle incarnat et le trèfle d’Alexandrie. L’intégration d’une culture à la dérobée après la récolte du blé a donc permis de réduire les besoins en azote du maïs-grain de 50 à 100 kg N/ha. Les besoins en kg N/t ont été réduits de 30 à 50 % comparativement aux besoins mesurés pour le blé seul.
Les sols sont des systèmes vivants, complexes et diversifiés. Une multitude d’espèces végétales pourraient être intégrées en cultures intercalaires ou à la dérobée dans nos systèmes conventionnels en grandes cultures. L’ajout de cultures intercalaires ou à la dérobée dans nos systèmes agricoles pourrait améliorer la fertilité générale des sols et la gestion de l’azote.
Gilles Tremblay, agronome, MAPAQ, Saint-Hyacinthe
Léon-Étienne Parent, agronome émérite, Université Laval
Lire le billet précédent Lire le billet suivant
Maïs-grain: Pourquoi encore parler d’azote en 2019? (5/5)
Publié le 17 juin 2019
Gilles Tremblay
Conseiller en grandes cultures au MAPAQ à Saint-Hyacinthe
MAPAQ
Collaborateur(s) : Léon-Étienne Parent, agronome émérite, Université Laval
Conseiller en grandes cultures au MAPAQ à Saint-Hyacinthe
MAPAQ
Collaborateur(s) : Léon-Étienne Parent, agronome émérite, Université Laval