Les biosolides papetiers: Une source d’azote et de phosphore disponibles à la plante

Les biosolides provenant du traitement primaire et secondaire des effluents de papetières sont une source bien connue d’éléments fertilisants, notamment d’azote (N) et de phosphore (P), et de matière organique pour les sols agricoles. Au Québec, annuellement, 360 000 tonnes de biosolides mixtes ou de désencrage sont appliquées sur les cultures, soit seulement 25 % du total généré par l’industrie. L’épandage de ces matériaux est rentable et constitue une pratique plus respectueuse de l'environnement et plus durable que l’enfouissement ou la combustion.

Une récente étude a été effectuée, en conditions contrôlées, au Centre de recherche et de développement de Québec d’Agriculture et Agroalimentaire Canada au cours de laquelle quatre biosolides papetiers mixtes de propriétés variées ont été ajoutés à trois sols contrastés pour en déterminer le taux de libération/minéralisation du N organique et du P total. Cette étude avait pour but de valider les valeurs par défaut utilisées par les différents intervenants du milieu agricole. Deux des matériaux avaient un rapport C/N de 12 alors que les deux autres avaient un rapport C/N avoisinant 24. Les biosolides ont été apportés aux sols à un taux de 50 tonnes humide ha-1 ou à 30 tonnes humide ha-1 supplémentés avec de l’azote minéral pour fournir 100 kg de N ha-1 disponible, une pratique courante chez les agriculteurs. Pour ce dernier cas, la quantité de N minéral ajoutée a été déterminée en assumant une contribution à 100 % du N inorganique et 30 % du N organique pour chacun des matériaux, basée sur les recommandations du guide de fertilisation du CRAAQ. Les traitements comprenaient aussi un engrais minéral complet NPK et un témoin non fertilisé. L’expérience s’est déroulée à 25°C et 60 % de l’espace libre du sol rempli d’eau pendant 16 semaines. Des mesures de nitrates et d’ammonium ont été réalisées à chaque semaine au cours du premier mois, aux deux semaines pour le mois suivant puis une fois par mois par la suite jusqu’à la fin de l’expérience. Des mesures du P extractible au Mehlich-3 ont été faites après 2 et 16 semaines d’incubation.
 
Image Agri-Réseau

Figure 1. Minéralisation des biosolides papetiers dans le sol argileux (A) et le sol loam sablonneux (B) suite à un apport de 50 tonnes humide ha-1.




Les principaux résultats de cette étude sont :
  1. La minéralisation de l’azote a généralement diminué quelques jours après l'ajout des biosolides, puis a augmenté continuellement et de manière graduelle (Figure 1). La minéralisation du phosphore des biosolides a également augmenté avec le temps;
  2. À la fin de l'incubation, le taux de libération net du N et du P correspondait respectivement en moyenne à 30 % (7–49 %) et 75 % (16–116 %) de celui de l’engrais minéral. Néanmoins, la quantité libérée variait avec les propriétés du matériel et du sol;
  3. L’ajout d’azote minéral à la dose réduite de 30 tonnes ha-1 de biosolides a permis la libération d’une quantité d’azote similaire à celle du traitement minéral. Cette option est intéressante pour le producteur puisqu’elle réduit les coûts de fertilisation tout en améliorant les propriétés du sol. De plus, elle procure une assurance contre les facteurs qui peuvent affecter la croissance des plantes telles que les mauvaises conditions climatiques;
  4. La valeur par défaut pour le N actuellement utilisée pour l’application des biosolides papetiers mixtes au Québec est adéquate, à savoir 100 % du N inorganique et 30 % du N organique. Les taux de libération obtenus ont toutefois été fonction du rapport C/N des matériaux et ont varié selon le type de sol et la durée d’incubation;
  5. La valeur par défaut pour le P (50 % du P total) est appropriée pour les besoins de la culture en début de saison de croissance mais elle sous-estime la contribution du P pour la saison entière; les résultats indiquant une continuité du relâchement du P pour certaines combinaisons de matériau et de sol en cours d’incubation. Les taux de libération obtenus pour le P ont été fonction du P total des matériaux, de la concentration de ceux-ci en phosphate soluble à l’eau et de l’utilisation ou non de sels d’aluminium et de fer durant le traitement biologique des effluents.
En outre, cette étude a démontré que les valeurs par défaut utilisées pour déterminer la contribution en éléments fertilisants des biosolides papetiers sont adéquates pour le N mais devraient être ré-évaluées pour le P. En Ontario par exemple, une valeur par défaut de 40 % est utilisée pour la disponibilité du P lors de l’année d’application des biosolides mais celle-ci augmente à 80 % pour l’effet à long terme.

Ces résultats sont tirés d’un article paru dans :

Gagnon, B. and Ziadi, N. 2021. Nitrogen and phosphorus release from paper mill biosolids as affected by material source and soil type under controlled incubation. Canadian Journal of Soil Science 101: 103–112.