Ail bio : comment optimiser sa fertilisation azotée?

Ail essais de fertilisation
L’ail frais et local est en demande.  Depuis 30 ans, la consommation d’ail a été multipliée par 5 au Canada.  Afin de répondre à cette forte croissance, le Québec a augmenté ses importations d’ail de 117 % entre 2006 et 2016 (Statistique Canada).  De plus, les superficies en ail sont passées d’une trentaine d’hectares à près de 200 hectares au cours des quinze dernières années. Fait intéressant : plus du tiers de ces superficies sont sous certification biologique. Toutefois, plusieurs défis demeurent dans cette production, dont l’optimisation de la fertilisation azotée.

LES STADES ET LES BESOINS AZOTÉS
Au Québec, on retrouve une multitude de variétés d’ail, mais on cultive principalement la « Music », une variété à col rigide plantée à l’automne.  Le développement du plant se fait en 4 étapes :
  • Le développement racinaire (à l’automne et au début du printemps);
  • Le développement des feuilles (jusqu’au début de la sortie de la hampe florale);
  • La formation du bulbe;
  • Le grossissement du bulbe.
Le prélèvement azoté varie selon les stades et les besoins, atteignant un pic lors du développement des feuilles.

Selon la littérature, l’azote aurait un impact important sur le nombre et la taille des feuilles. Il augmenterait le rendement ainsi que le nombre et le taux de sucre des caïeux.  Selon différentes références, les besoins azotés sont aussi très variables, allant de 35 kilogrammes par hectares (kg/ha) à 200 kg/ha.  Au Québec, le Guide de référence en fertilisation (CRAAQ) recommande 110 kg/ha.  Mais ces références, en plus d’être très variables, sont-elles basées sur l’ail à col souple ou à col rigide? Difficile à dire…
 
LE PROJET
En production biologique, les sources d’azote sont coûteuses. De plus, dans la culture de l’ail, les questions portant sur la dose optimale ainsi que sur les meilleures périodes pour l’application de l’azote sont nombreuses. 
 
Afin de tenter de répondre à ces questions, un projet portant sur l’optimisation de la fertilisation dans l’ail biologique de variété  « Music », d’une durée de 3 ans, a été mis en place dans 4 régions : la Chaudière-Appalaches, l’Estrie, la Mauricie et la Montérégie.  Le but : trouver la dose et la période optimales d’application de l’azote sous forme de granules de fumier de poules.  Six traitements avec 4 répétitions ont été comparés sur 4 sites.  Des caïeux de calibre uniforme (8 à 12 grammes)  ont été utilisés au moment de la plantation. Le poids frais, le diamètre, le poids sec et le nombre de caïeux ont été mesurés sur les bulbes, à la récolte et en post-récolte. 
 
Voici les différents traitements comparés :
 
-Traitement (T) 1 : 30 unités d’azote (N) après la plantation à l’automne et 30 unités de N au stade 2 à 3 feuilles (2-3 F);
-T2 : 0 unité de N (témoin);
-T3 : 30 unités de N au stade 2-3 F;
-T4 : 60 unités de N au stade 2-3 F;
-T5 : 30 unités de N au stade 2-3 F et 60 unités de N au stade 4 à 5 feuilles (4-5 F);
-T6 : 60 unités de N au stade 2-3 F et 60 unités de N au stade 4-5 F.
  Pour les besoins de l’essai, un coefficient d’efficacité (CE) de 100 % a été considéré pour les granules de fumier de poules (5-3-2).
 
Essai ail fertilisation

Des parcelles d’essai le 1er juin 2018

Photo : Jonathan Roy, MAPAQ


LES RÉSULTATS
Les résultats obtenus sont variables et surprenants (Tableau 1). Concernant le poids sec, la culture a répondu positivement et significativement à l’azote seulement 4 fois sur 10, toujours avec le T4. En ce qui concerne le nombre de caïeux par bulbe, nous avons obtenu une réponse positive et significative 2 fois sur 10, les 2 fois avec le T1.
 
Tableau 1
Effet de l’azote sur les différents paramètres mesurés
  2016 2017 2018
Montérégie - Poids sec
- Nombre de caïeux
NS NS
Estrie - Poids sec N/A NS
Chaudière-Appalaches - Poids sec - Poids frais
- Diamètre du bulbe
- Poids sec
- Nombre de caïeux
NS
Mauricie N/A NS NS
NS : non significatif
N/A : non applicable

Il est important d’ajouter que les 4 sites ont été établis sur des sols en santé, avec un pH conforme, une richesse moyenne en phosphore et en potassium et une teneur en matière organique moyenne et médiane de 5 %.  La réponse à l’azote aurait possiblement été plus forte sur des sols moins « chouchoutés ».
 
De plus, nous avons observé des rendements variables d’une année à l’autre chez les mêmes entreprises et avec les mêmes traitements. Cela  démontre que des facteurs externes à la fertilisation, par exemple les conditions climatiques, ont une influence importante sur le rendement. 
 
D’autres essais réalisés aux États-Unis avec la variété à col rigide « Spanish Roja » ont démontré ceci : le poids et la taille du bulbe mère ont un impact plus important sur le poids du bulbe fille que le poids et la taille des caïeux plantés. Deux caïeux de poids identiques ne produisent pas des bulbes de poids similaires, à moins que les caïeux proviennent de bulbes mères de poids similaires.  Attention, cependant : plus gros ne veut pas toujours dire mieux... En effet, les bulbes mères les plus volumineux (au-delà de 2,5 pouces) produisent des bulbes filles récoltés de format très variable (Engeland, 1991). Les lois de la nature ne sont pas toujours simples…
 
EN CONCLUSION
Selon nos essais, l’ail de variété « Music » semble peu exigeant en azote.  L’application de granules de fumier de poules (coefficient d’efficacité à 100 %) équivalent à 60 kg de N/ha au stade 2-3 F semble être la dose la plus économiquement et agronomiquement judicieuse sur des sols en santé. L’azote n’a pas augmenté le nombre de caïeux par bulbe.  Plusieurs facteurs peuvent influencer le rendement : la matière organique, la santé des sols, la génétique de l’ail, la qualité des semences et les conditions climatiques.  Faites vos essais et surtout, on ne le répétera jamais assez : maintenez vos sols en bon état!
 
Ce projet a été réalisé par les directions régionales de la Chaudière-Appalaches, de l’Estrie, de la Mauricie et de la Montérégie du MAPAQ, en collaboration avec le Club en agroenvironnement de l’Estrie,  Ail Québec et les 4 entreprises participantes.  Ce projet a été financé par le Programme d’appui au développement de l’agriculture et de l’agroalimentaire en région (PADAAR) de la Montérégie.
 
Vous voulez obtenir plus d’informations? Une présentation qui résume les résultats de l’essai est disponible sur Agri-Réseau.
 

Consulter la présentation

Jonathan Roy, agronome, Conseiller en agriculture biologique
Isabelle Couture, agronome, M. Sc., Conseillère en production maraîchère

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