Bovins du Québec, juin-juillet 2001

Brise-vent et installations bovines

André Vézina*

Les haies brise-vent contribuent à réduire les odeurs dans l’entourage d’une bâtisse ou d’un parc d’engraissement. Elles offrent aussi l’avantage de diminuer les coûts de chauffage des bâtiments et facilitent la circulation hivernale autour ceux-ci. Enfin, elles offrent un cadre naturel qui atténue l’impact visuel négatif que peuvent avoir certains bâtiments sur une bonne partie de la collectivité rurale.

Depuis le début des années 80, la plantation de haies brise-vent a connu un développement important dans la campagne québécoise, comme en témoignent les milliers de kilomètres de haies qui y ont été érigées. La première vague de plantation visait principalement à réduire l’érosion éolienne des sols et à protéger les cultures. Ces premiers pas ont permis d’acquérir une expertise québécoise et d’étendre l’utilisation des haies à d’autres besoins tout aussi pertinents, comme la protection des aires de travail et des bâtiments d’élevage.

En effet, les haies brise-vent peuvent réduire les coûts de chauffage (de 10 à 15 % pour le nord-est américain) et diminuer les bris aux bâtiments. Elles peuvent faciliter la circulation hivernale autour de ceux-ci, en contrôlant les dépôts de neige. De plus, elles contribuent à diminuer le volume de poussières et les bruits en provenance des aires de travail. Finalement, des haies de végétaux bien aménagées peuvent contribuer à embellir le paysage.

Cependant, une question est fréquemment posée : les haies brise-vent peuvent-elles atténuer les odeurs émanant des installations bovines et, si oui, comment? Même si les publications sur le sujet sont peu nombreuses et qu’elles relèvent de considérations théoriques, elles sont toutefois unanimes : les haies brise-vent peuvent réduire la dispersion des odeurs émanant des installations bovines.

Les odeurs sont généralement associées à des gaz légers, qui se dispersent sous l’action des vents dans l’atmosphère. Les haies brise-vent réduisent la vitesse du vent et, par conséquent, la vitesse de déplacement des odeurs. Les composés responsables des odeurs peuvent ainsi être dégradés avant d’atteindre les zones habitées. De plus, les végétaux agissent comme un filtre qui peut absorber une partie des odeurs.

L’emplacement de la haie

Deux facteurs influencent grandement la localisation de la haie par rapport aux bâtiments : l’efficacité de la réduction des odeurs et l’accumulation de neige. On a intérêt à installer un écran végétal de haute taille et de densité élevée et de le rapprocher le plus près possible de la source si on veut réduire au maximum le taux d’émission des odeurs.

La réduction du taux d’émission des odeurs est fonction du rapport D/H

où D = distance entre la haie et la source

et H = la hauteur de la haie.

Pour une barrière imperméable, la réduction du taux d’émission passe de 26 %, pour un rapport D/H de 8, à 92 % pour un rapport D/H de 0,6.

On doit aussi tenir compte de l’accumulation de la neige par le brise-vent. On doit laisser une distance minimale de 30 m entre la première rangée face au vent et le bâtiment à protéger. C’est dans cette zone que se déposera la majorité de la neige trappée par le brise-vent (figure 1). Lorsqu’on détermine l’emplacement de la haie, il faut aussi tenir compte de la topographie du terrain et des obstacles physiques (p. ex.: câbles souterrains, poteaux électriques, chemins d’accès) présents sur le terrain.

Des végétaux à choisir avec soin

Les besoins de réduction des odeurs demandent une haie dense, dont la porosité (pourcentage de vides apparents) sera d’environ 30 %. Avec ce type de brise-vent, on pourra réduire la vitesse du vent de 50 à 75 % dans la zone protégée.

Pour y arriver, on suggère de planter trois rangées d’arbres, dont l’espacement entre les rangées est de 3 mètres. La rangée la plus éloignée des bâtiments est constituée d’arbres à croissance rapide, comme les peupliers ou les mélèzes hybrides, que l’on espacera à tous les 2 m. Sur les deux autres rangées, on introduit, à tous les 3 m, des espèces d’arbres à feuilles persistantes, afin d’avoir un effet perceptible durant l’hiver également (figure 1). On ne devrait pas planter de pins dans la rangée du centre, car le manque de lumière peut entraîner un dégarni de la base des arbres, ce qui diminuera la densité de notre haie.

Si on désire une haie plus esthétique, on peut remplacer la haie d’espèces à croissance rapide par une haie composée de feuillus à croissance plus lente comme les chênes, les frênes, les érables et les tilleuls, entre lesquels on insère des petits arbres et des arbustes buissonnants (figure 2).

Selon le type de sol, divers végétaux peuvent être plantés dans cette rangée (tableau 1). La liste du tableau 1 n’est pas exhaustive, car plusieurs autres espèces pourraient convenir, particulièrement en ce qui a trait aux arbustes. Toutes les espèces suggérées conviendront bien également pour un sol de texture moyenne (loam).

L’implantation des haies brise-vent

La préparation du sol

Avant de planter ces végétaux, le sol doit être préparé sur une largeur de 8 mètres. Si le sol montre des signes de compaction, il est recommandé d’effectuer un sous-solage à une profondeur de 40 à 80 cm à l’aide d’une sous-soleuse. Le sous-solage doit être réalisé lorsque le sol est sec, ce qui est généralement le cas en fin d’été. La bande doit être ensuite labourée à une profondeur de 15 cm, puis hersée ou rotocultée jusqu’à ce que le sol soit meuble comme pour un semis, de façon à faciliter la pose du paillis plastique.

Lorsque le sol est bien meuble, un film plastique noir de 0,07 mm d’épaisseur et de 150 cm de largeur (paillis fraise-verger) est installé. La pose s’effectue de préférence à l’automne, à l’aide d’une dérouleuse mécanique entraînée par un tracteur. Le paillis plastique a fait ses preuves : il assure une meilleure reprise et une meilleure croissance des plants, tout en facilitant l’entretien des végétaux.

La plantation

Cette étape peut s’effectuer à l’automne ou au printemps. Les peupliers hybrides sont généralement plantés sous forme de boutures rigides de 30 cm de long, que l’on pique au travers du plastique. Pour faciliter l’insertion des boutures dans le sol, on percera d’abord le plastique avec une tige métallique de diamètre légèrement inférieur à celui des boutures. Les autres espèces suggérées sont disponibles sous forme de plants en récipients ou à racines nues.

En haie brise-vent, on privilégie des plants de forte dimension, dont la hauteur varie entre 30 et 60 cm. Comme le trou percé dans le paillis est grand, il est nécessaire de le colmater avec un carré de plastique (collerette) d’environ 30 cm de côté que l’on place autour du plant. Après la plantation, il faut placer une pierre ou un matériau inerte autour de chaque plant afin d’éviter le ballottement et la déchirure du paillis.

L’entretien

La nature des espèces suggérées ainsi que l’utilisation du paillis plastique font en sorte qu’il y a peu d’entretien à effectuer. Le désherbage se limite au fauchage, trois à quatre fois par année, des abords du paillis plastique. Il s’effectue à l’aide d’un tracteur à gazon ou avec une débroussailleuse. Lors de cette opération, on vérifie s’il n’y a pas de problèmes d’insectes ou de maladies.

Il faut élaguer les branches des peupliers ou des mélèzes qui nuisent au bon développement des arbres des deux autres rangées. Les pins, épinettes et cèdres exigent peu d’entretien.

Une rangée de feuillus esthétique nécessite davantage d’entretien et, par conséquent, plus de temps. Les frênes, les érables, les chênes et les tilleuls exigent une taille de formation et ils doivent être protégés contre les rongeurs. Les arbustes devront également être taillés pour contrôler leur expansion ou favoriser leur floraison.

Finalement, il faudra remplacer les arbres morts ou trop chétifs. Avec la méthode de préparation de sol et l’entretien suggérés ici, on devrait avoir un taux de mortalité inférieur à 5 %.

Les coûts d’installation et d’entretien

Pour la plantation, il faudra prévoir un montant de 300 à 400 $ par 100 m de haie. La majorité est consacrée à l’achat des végétaux (40 %) et du paillis plastique (40 %). En supposant que l’on ceinture complètement une installation bovine dont le périmètre est de 700 m, cela représente un investissement d’environ 2 500 $.

Dans la plupart des régions du Québec, on peut obtenir les végétaux gratuitement (sauf les cèdres et les arbustes), ce qui réduit de façon substantielle les coûts. Pour ce faire, il faut prendre contact avec le conseiller du MAPAQ responsable des haies brise-vent pour sa région. Celui-ci recueille toutes les demandes de plants et achemine une demande collective de plants au ministère des Ressources naturelles du Québec. Il peut aussi mettre à votre disposition une excellente vidéo qui expliquera en détail comment planter et entretenir des haies brise-vent.

Les activités d’entretien représentent un coût annuel d’environ 200 $.

Quelques inconvénients des haies

Comme les haies sont plantées à une bonne distance des bâtiments, elles ne sont pas susceptibles d’avoir une influence sur la population de rongeurs à proximité des bâtiments. Il est possible que les haies attirent plus d’oiseaux, mais on ne croit pas que l’impact sera significatif sur la transmission de maladies.

Si les haies diminuent les odeurs à l’extérieur du bâtiment, les odeurs à l’intérieur du périmètre protégé y sont par contre plus concentrées, ce qui peut incommoder les employés y travaillant.

Durant une journée ensoleillée, la température de l’air dans la zone protégée par la haie peut être jusqu’à 3°C supérieure à celle mesurée en milieu ouvert. Durant l’été, cette augmentation de température peut accentuer l’inconfort des animaux.

La haie proposée à la figure 1 n’est pas recommandée dans le cas de bâtiments à ventilation naturelle, car elle réduit trop la circulation d’air.

Références

LIU, Q., BUNDY, D.S. et S.J. HOFF. "The effectiveness of using tall barriers to reduce odor emission ", in Proceedings of the International Conference on air Pollution from Agricultural Operations, Midwest Plan Service, Ames, Iowa, États-Unis, 1996, p. 403-407.

SIDHU, K., WARNER, P. et L. CHADZYNSKI. " Odor control at a large-scale swine production facility ", in Proceedings of the International Symposium on Ammonia and Odor Control from Animal Production Facilities, Vinkeloord, Pays-Bas, 1997, p. 561-565.

VÉZINA, A. " Les haies brise-vent pour la protection des aires de travail, des bâtiments et des pâturages ", dans Actes du colloque L’Arbre en ville et à la campagne, Montréal, Canada, 1994, p. 161-172.

Cet article est adapté d’un texte déjà paru dans la revue Porc Québec, en décembre 2000, et rendu disponible grâce à leur aimable collaboration. Merci!

 

Cet article contient 2 figures et 1 tableau