La création d'un pâturage communautaire à Ste-Anne-du-Lac (40 km au nord de Mont-Laurier) vise au départ trois grands objectifs.

Le premier objectif vise surtout la production bovine. Le pâturage communautaire se veut un outil qui favorise le regroupement d'un certain nombre de producteurs de boeuf et crée un lien et un dynamisme entre eux. Ce regroupement, constitué légalement en une corporation à but non lucratif, gère et encourage l'utilisation du pâturage communautaire à moyen terme. De plus, ce projet sert de site de démonstration afin de vulgariser certains aspects de la régie de pâturage: rotation, clôture électrique, fertilisation, fauchage des refus, hersage de bouses, corral, etc.

Le deuxième objectif est orienté au niveau du producteur. Le pâturage vise à augmenter le revenu net du producteur en lui permettant de garder plus de vaches chez lui. La mise des vaches au pâturage communautaire permet soit de faire plus de foin, soit de diminuer le taux de chargement de ses propres pâturages et ainsi augmenter le rendement de ses animaux.

Enfin, le troisième objectif concerne plus particulièrement le milieu. Le pâturage communautaire valorise de grandes superficies appelées à retourner en friches. Il contribue à revitaliser le milieu agricole dans cette municipalité.

Dans les années 1960 et 1970, un programme fédéral-provincial (ARDA) a permis l'achat et le développement de blocs de terre. Dans la majorité des cas, ces terres n'étaient pas adéquates pour une utilisation intensive par des agriculteurs. Ces blocs de terre furent donc aménagés en pâturage communautaire avec des fonds gouvernementaux. Une douzaine d'associations de pâturage communautaire virent ainsi le jour (Annexe 1). Chacune d'elle possède ses règlements, fixe le coût d'utilisation du pâturage, administre son budget, etc. Certaines possèdent même de la machinerie, des bâtiments, des dépôts à terme et autres actifs.

Le ministère ontarien de l'Agriculture et de l'Alimentation coordonne les activités des différentes associations via le "Ontario Community Pasture Program". Chaque responsable d'un pâturage communautaire doit donc produire, pour le coordonnateur, un rapport annuel de ses activités. Ce rapport comprend également les états financiers détaillés de chaque groupe. Si l'exploitation du pâturage génère des surplus importants, une partie de ceux-ci retourne au trésor de l'Ontario.

Le "Ontario Community Pasture Program" a donc été créé dans les années 1960 principalement pour donner aux éleveurs locaux plus de superficies en pâturage. Depuis ce temps, 5 370 hectares furent aménagés en pâturage communautaire.

Pour la plupart maintenant, ils servent aussi de sites de démonstration sur la régie des pâturages. Aussi, plusieurs projets de ce type reçoivent

une aide gouvernementale. Le secteur privé participe également à ceux-ci en fournissant de la semence, des médicaments, etc.

Au cours de l'été 1991, le projet a été soumis aux producteurs de la région de Mont-Laurier afin d'en évaluer la pertinence. L'intérêt suscité était suffisamment grand pour présenter une demande de subvention à Agriculture Canada, dans le cadre des projets réseaux de ferme des ententes auxiliaires Canada-Québec. Suite à l'acceptation du projet vers la mi-septembre, l'Association du pâturage communautaire de Ste-Anne-du-Lac fut officiellement constituée le 3 octobre 1991.

L'Association est un organisme à but non lucratif et elle est inscrite officiellement, depuis le printemps 1993, auprès du Vérificateur général des Institutions financières. Elle regroupe dix membres actifs dont trois agissent à titre

d'administrateurs. Une secrétaire-

trésorière s'occupe des procès-verbaux des réunions, de la correspondance ainsi que de l'administration (Annexe 2 - Règlements de l'Association).

Le rôle de l'agronome local est d'apporter un support technique et professionnel à l'Association en planifiant la saison avec les membres et en animant les différentes réunions. La subvention de 64,000$ versée à l'Association est répartie comme suit:

40,000$ en 1992

12,000$ en 1993

12,000$ en 1994.

Le pâturage dispose d'une superficie d'environ 140 ha en culture répartie sur sept lots et divisée en six parcelles par des clôtures électriques. Les sections boisées du pâturage ont été clôturées avec une broche à carreaux. On a donc utilisé 64 000 pieds de broches électriques pour clôturer cette superficie. Des barrières, un corridor, une étable avec corral complètent le système et permettent une manipulation facile et rapide des animaux. Du 22 mai au 11 septembre 1992, 219 vaches et/ou taures, 131 veaux et un taureau ont été placés au pâturage. En 1993, 191 vaches et/ou taures, 131 veaux et deux taureaux séjournèrent au pâturage du 21 mai jusqu'au mois de septembre. Précisons cependant que les taureaux sont retirés du pâturage vers la mi-juillet.

En 1992, l'Association a dû injecter 31 500$ sur le site du pâturage communautaire pour l'aménager afin d'y recevoir 350 têtes. Ces investissements se répartissent de la façon suivante:

Salaires 11 250$

Clôtures 9 675$

Cage de contention,

barrière de tête et balance 3 025$

Aménagement de l'étable

et du fonds de terre 6 050$

Divers 1 500$

________

31 500$

Ces montants représentent environ 145$ par tête (vaches ou taures).

Pour l'année 1992, les coûts d'opération du pâturage se sont élevés à environ 20 000$ (Annexe 3), soit 91$ par tête (vaches et taures). Le budget prévisionnel pour 1993 (Annexe 4) projette des dépenses de fonctionnement de l'ordre de 18 000$. Quant aux revenus, ils devraient s'établir à 20 600$ dont 12 000$ en subvention et 8 600$ en contribution des éleveurs. Le coût aux producteurs est de 35$ par vache et/ou taure et de 12$ par veau, et ce, pour toute la saison.

Du 22 mai au 11 septembre 1992, 219 vaches et taures et 131 veaux, appartenant à dix éleveurs vaches-veaux ont donc occupé le pâturage.

Avant leur arrivée au pâturage, les animaux ont reçu certains traitements à la ferme. L'Association a exigé que les

éleveurs traitent les vaches et les taures contre les parasites internes, et les veaux contre le charbon. De plus, lors de la mise au pâturage, les animaux ont reçu un vaccin contre la rage et la leptospirose. Enfin, l'Association recommandait fortement, à titre préventif, une injection aux veaux de vitamine E - sélénium contre la dystrophie musculaire.

La mise au pâturage s'est échelonnée sur deux jours, soit les 22 et 23 mai 1992. À ce moment, chaque animal a reçu deux étiquettes d'identification (plastique

et métal) et une boucle d'oreille insecticide. Il avait été prévu de peser tous les animaux mais un contretemps technique nous a empêché de le faire. Ils furent donc pesés uniquement à la sortie, de sorte que le gain de poids naissance-sevrage n'a été calculé que pour certains veaux. Les dates et le poids à la naissance furent obtenus pour 34 veaux, provenant de trois éleveurs différents. L'âge moyen de ces veaux, au 11 septembre, était de 221 jours. Le poids moyen était de 584 livres avec un gain moyen quotidien pré-sevrage de 2.22 livres par jour. En tout 115 veaux sur 131 furent pesés le 11 septembre et le poids moyen de ceux-ci était de 558 livres.

En comparaison, voici quelques chiffres provenant du pâturage communautaire de Ice Lake en Ontario pour la saison 1992. Au total neuf éleveurs ont amené 70 vaches, 40 veaux et 13 taures. Durant l'été, 27 veaux sont nés au pâturage. L'entrée des animaux s'est faite le 16 mai et la sortie le 8 novembre, soit une période de paissance de 176 jours. Le gain moyen quotidien des 40 veaux a été de 2.3 livres par jour, ce qui est très comparable à ce que l'on a obtenu à Ste-Anne-du-Lac. En 1993, tous les animaux seront pesés à l'entrée et à la sortie; il sera donc possible de calculer les gains réels réalisés au pâturage.

En ce qui a trait à la santé animale, environ quinze (15) vaches ont eu des problèmes aux pieds et membres au cours de l'été. Quelques cas de piétin ont aussi été rapportés. Les causes sont diverses: vieilles clôtures sur le site du pâturage, conditions climatiques humides en 1992, onglons non taillés. Enfin, une vache fut portée disparue durant l'été et elle n'a pu être retrouvée.

Un surveillant s'occupait de la rotation des parcelles. Les animaux séjournaient, en moyenne, de 3 à 5 jours par parcelle selon la superficie de ces dernières, le rendement fourrager et la période de l'année. Deux applications d'engrais minéraux à raison de 75 kg/ha chacune furent effectuées sur presque toute la superficie, dont une de 19-19-19 en juin et l'autre de 34-0-0 en juillet. Les parcelles ont été fauchées une fois durant la saison.

À la suite des chiffres présentés précédemment, il apparaît assez difficile d'établir un pâturage sans subvention, dans des conditions similaires. En effet, avec un investissement de 145$ par vache et des coûts d'opération annuels de 91$, le projet aurait sûrement eu de la difficulté à prendre son envol sans une aide gouvernementale. Cependant, dans d'autres conditions, la situation aurait pu être différente. Par exemple, la majorité des investissements réalisés en 1992 ont porté sur l'aménagement de l'étable et l'installation des clôtures. En fonction du site

choisi, il serait donc possible de l'aménager à un moindre coût, ce qui réduirait l'investissement nécessaire.

Pour ce qui est des coûts d'opération, il serait possible de s'en tenir au strict minimum, soit la surveillance et l'identification des animaux, l'apport en sel et minéraux, et l'adhésion à une assurance-responsabilité. De cette façon, les coûts d'opération s'établieraient tout au plus à 10 000$, pour 150 vaches, soit un coût d'environ 66$ par vache.

Pour 1993, le déboursé par les éleveurs est estimé à 47$ par couple vache-veau. Il serait donc envisageable d'opérer un pâturage communautaire sans subvention, pour environ 70$ par couple vache-veau (50$ par vache et 20$ par veau).

En Ontario, par exemple, au pâturage communautaire de Ice Lake, il en coûtait 8$ par mois pour les vaches et 5$ par mois pour les veaux, en 1992. En se basant sur ces tarifs et avec une saison de paissance de 112 jours à Ste-Anne-du-Lac, le coût par couple vache-veau aurait été de 48$.

Quant au pâturage de Manitoulin, un couple vache-veau nécessitait un déboursé de 80$ pour avoir accès au pâturage; au pâturage de Victoria, 75$ par vache, etc. On se rend donc compte que tout dépendant du contexte, le prix peut facilement varier entre 50$ et 75$ pour un couple vache-veau.

L'instauration d'un pâturage communautaire s'est avérée très intéressante à plusieurs points de vue. Un contact privilégié s'est établi entre les dix

éleveurs de l'Association et le conseiller. Tout au cours de l'été, plusieurs points de régie furent abordés avec les éleveurs de l'Association. De plus, une visite fut organisée à la station d'épreuve des taureaux de l'Outaouais. Par la suite, plusieurs parmi eux ont effectivement acheté un taureau éprouvé, ce qui contribue grandement à améliorer l'aspect génétique des troupeaux. Les éleveurs ont échangé entre eux à maintes occasions. Le projet de pâturage communautaire a créé une dynamique intéressante chez les producteurs.

Le pâturage communautaire de Ste-Anne-du-Lac, un rêve ou une réalité; actuellement pour les dix membres de l'Association, il est bien réel.

SHIER, Wilfred, Community Pasture Asso-ciation Annual Meeting, Agenda, 18 et 19 janvier 1993.

Anonyme, Policy statement and operatio-nal manual of Ontario Community Pasture Program, Farm Assistance programs Branch, Ontario Ministry of Agriculture and Food, 1991.

(Suite)

Vaches : 35 $

Veaux : 12 $ (à l'exception des veaux nés au pâturage)

Taures, bouvillons : 35 $

Vache sèche : 35 $

Le Bureau de Direction de

l'Association du pâturage communautaire

de Ste-Anne-du-Lac

REVENUS

Inscription $ 7 895.00

Subvention $40 000.00

Vente de broche $ 285.00

Vente de minéraux $ 1 260.00

Remboursement TPS $ 902.72

Salaire $13 785.00

Frais de caisse $ 134.05

Diesel $ 75.20

Location de machinerie et travail à forfait $ 2 648.70

Papeterie $ 39.87

Poteaux $ 1 742.50

Clôture $ 7 932.78

Cage-barrière de tête-balance $ 3 024.22

Assurance $ 374.70

Entretien fond de terre et bâtiment $ 6 048.71

Location fond de terre $ 4 000.00

Sel et minéraux $ 2 392.43

Intérêt $ 1 001.13

Location de taureau $ 500.00

Électricité + Dépôt $ 338.31

Étiquettes $ 1 411.87

Engrais $ 5 874.00

Divers $ 281.90

DÉPOT HYDRO-QUÉBEC $ 300.00

CRÉDIT AGRODOR $ 105.93

ACTIF: EOP $ 917.35

PASSIF: Prêt des membres $ 180.00

Marge de crédit $ 2 000.00

REVENUS

Subvention du fédéral:

Printemps $ 6 000.00

Automne $ 6 000.00

Contribution des éleveurs:

200 vaches et taures @ $35.00 $ 7 000.00

135 veaux @ $12.00 $ 1 620.00

Remboursement TPS $ 200.00

Entretien corral et clôture:

Salaire $ 1 000.00

Matériels $ 1 000.00

Engrais $ 4 000.00

Épandage à forfait $ 1 000.00

Minéraux (8 blocs @ $100.00) $ 800.00

Sel (42 blocs @ $6.50) $ 273.00

Étiquettes d'identification:

2 * 3 étoiles @ $19.00 $ 38.00

5 * 4 étoiles @ $30.00 $ 150.00

Électricité $ 400.00

Assurance $ 375.00

Location de terre $ 4 000.00

Location de taureau $ 500.00

Bran de scie $ 100.00

Fauchage à forfait $ 500.00

Salaire surveillant (140 jours * 2 hres/jour @ $10.00) $ 2 800.00

Salaire secrétaire $ 300.00

Intérêt $ 500.00

Divers $ 500.00